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L’Amérique voit rouge – Critique de « La déchirure » de Roland Joffé
Des bouteilles de coca-cola en pagaille, des Mercedes qui vous sauvent la vie, les symboles de l’hégémonie américaine sont omniprésents dans le film de Roland Joffé. Mais ils sont souvent tournés au ridicule pour apporter un nouvel éclairage sur le massacre cambodgien commis par les khmers rouge dans les années 70 .
Le film qui date de 1984 relate l’amitié nouée au fil du conflit entre un journaliste du New York Times et son traducteur. Le film se découpe en deux parties cohérentes mais inégales au niveau de la réalisation et de l’intérêt. Jusqu’au retour du reporter aux Etats-Unis, moment où il abandonne son ami, le film se focalise sur le métier de journaliste, ses difficultés, ses succès, ses dangers dans un style très documentaire et très juste. Mais on tombe ensuite dans la fiction et le pathos pour suivre les destins parallèles des deux compagnons dont les différences sont tellement forcées qu’elles en deviennent pesantes.
Il en va de même sur le plan technique, la partie documentaire est particulièrement bien filmée : simple et sans faux pas ( des plans séquences longs et techniquement impeccables ), la musique n’est pas encore omniprésente et les dialogues sont justes, sans artifices. Quand le mélo prend le pas les gros plans s’enchainent sans raison, la musique est partout, souvent inutile. Le jeu des acteurs perd toute crédibilité. Même s’il reste intéressant de découvrir la situation dans les camps de travail des khmers rouge, au niveau de la continuité du récit le film perd en dynamique et se traine jusqu’à la scène finale des retrouvailles qui est une apothéose de conformisme et de ridicule.
La force du film réside dans son impartialité, il n’y pas de gagnants ni de perdants, l’horreur est partout des deux cotés des affrontements. Roland Joffé ne fait pas l’apologie de la bravoure américaine, il fait exploser à maintes reprises les symboles d’hégémonie ( au sens propre comme figuré avec les stocks de coca-cola ) et il montre aussi la barbarie des Khmers rouge : c’est la nature humaine qu’il blâme.