octobre 17

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Tempest : du grand Dylan

Alors que les Rolling Stones fêtent leurs 50 ans de carrière dans un défilé de peoples ringards et croulants, sans vraie tournée ni nouveau disque à l’horizon – hormis ces deux inédits (!) promis sur la nouvelle compil’ – Bob Dylan sort à 71 ans son 35e opus, un chef-d’œuvre de maturité et d’élégance. Et joue, tourne. Toujours.

Cinquante ans déjà. En 1962, Dylan sortait son premier album, le bien nommé Bob Dylan. Aujourd’hui, c’est avec un album des plus classiques, des plus « dylanesques », qu’il fête cet anniversaire. Tempest, donc. Les trois dernières livraisons du « barde de Duluth » sonnaient très années 1930. Ici, Dylan renoue avec une formule électrique, folk, pop qui a fait sa gloire au début des seventies (le fameux passage à l’électrique). Le son est rock, les guitares acérées. Et osons-le : Dylan n’a jamais aussi bien chanté depuis le superbe Modern Times (2006). Sa voix, souvent qualifiée de nasillarde, trouve ici l’alchimie parfaite pour s’exprimer entre des blues agressifs, cogneurs, et des balades sublimes. On passera sur la pochette, un peu kitch et peu digne du chanteur. A travers les dix titres de ce Tempest, Dylan fait voyager dans un monde où légendes urbaines et traditions ne meurent jamais. L’album démarre en trombe avec Duquesne Whistle, un titre qui résume en cinq minutes toute la discographie du Dylan des années 2000. Pop fifties, groove entraînant et roublard, portés par le fidèle Tony Garnier à la basse et accompagnés d’un clip. Suit Soon After Midnight, ballade folk-blues, où la slide guitar accompagne à merveille ce poème mélancolique d’un autre temps. Narrow Way et Long and Wasted Years sont classiques. Arrive ce petit bijou qu’est Scarlet Town, douce ballade celtique, mélancolique, sombre. On ne peut s’empêcher de penser au son de Springsteen sur Magic (2007). Avec Early Roman King, Dylan reprend un vieux thème de blues, fait vrombir harmonica et accordéon et tire sur sa voix, crade comme un bon vieux blues transpirant la Nouvelle-Orléans.

Titanic et hommage à Lennon

Mais le meilleur est pour la fin. Le sommet de l’album. Trois chansons. Une demi-heure de pur bonheur. Tin Angel d’abord, douce complainte où Dylan chante comme ce qu’il a toujours été. Un poète, un barde, un transmetteur, dans la plus grande tradition des troubadours du Moyen-âge. Tin Angel est un conte anonyme, presque une fable, où le chanteur de 71 ans semble s’adresser à un inconnu dans une rage rentrée et sourde, lui conseillant de sauver ce qu’il reste à sauver. Le tout sur fond de musique traditionnelle irlandaise. Sublime. Vient alors la chanson titre, Tempest, treize minutes d’un long poème sur la célèbre histoire du naufrage du Titanic, où histoire et légende se mêlent dans une balade folk irlandaise lancinante. Et pour finir, le sublime Roll on John. La surprise du chef. La cerise sur le gâteau. Bob Dylan y rend hommage, plus de trente ans après sa mort, à son ami et inspiration John Lennon. Cette trilogie pop-folk est la marque d’un grand, d’un homme musicien, artiste véritable, au sens « artisan », « travailleur », du terme, qui cinquante ans après ne demande rien à personne, se contente de continuer de composer et d’écrire, jusqu’au bout. Chapeau l’artiste.

Théo Savary