De sale pute à salle comble

Orelsan met le feu à chacun de ses concerts (Crédit : Sébastien Botella)

Relaxé en mai dernier dans le procès qui l’opposait à Ni Putes Ni Soumises pour des paroles considérées comme insultantes par l’association, le très controversé Orelsan était en concert, samedi soir à Nice. Quelques jours après avoir rempli deux soirs de suite le Zénith de Paris, le rappeur de 30 ans a mis le feu au Palais Nikaia. 

D’éternel ado à adulte réfléchi

20h30. Chauffé par l’inconnu DJ Kamel, le jeune public scande le nom de la star. Mais, première partie oblige, c’est la toute aussi inconnue Ladea qui entre en scène. Pendant une demi-heure, « l’espoir du rap » d’Aix-en-Provence vomit son œuvre : rimes richissimes, textes ultra recherchés et incitations à la drogue, les belles paroles fusent. Après dix minutes d’entracte, Orelsan arrive, enfin. Dissimulé sous une longue robe de moine, il démarre avec RaelSan, premier titre de son album « Le chant des sirènes », avant d’enchaîner dans un tout autre registre sur 1990, récit de son adolescence caennaise. « On est là pour plus ou moins une heure et demi, ça dépend de la façon dont vous foutez le bordel » lâche le chanteur déchaîné. La suite, un show superbement bien ficelé. Les transitions sont travaillées, les lumières participent à l’atmosphère. Entouré d’une formidable équipe, et notamment de Gringe, son acolyte sur Ils sont cools, Orelsan livre une prestation quasi-parfaite. Depuis son premier album, sorti en 2009, le rappeur n’avait rien fait à part « provoquer une polémique et baiser deux ou trois groupies » comme il le dit lui-même. Plus difficile, donc, de trouver l’inspiration sur Le chant des sirènes que sur Perdu d’avance. Orelsan parle moins de lui et plus des autres, mêlant réalité et fiction. En trois ans, la métamorphose est saisissante. Physiquement, le rappeur a radicalement changé de style : il a troqué sa dégaine de « gangsta » pour une allure plus adulte, plus mûre. Plus mûre, à l’image de ses textes.

De dizaines d’ennemis à milliers de fans

Des gamines de huit ans qui connaissent les textes par cœur, des rockeurs biéreux, des skateurs chevelus, des couples en plein élan d’amour, des parents là pour leur progéniture… le public est aussi éclectique que peut l’être Aurélien Contentin. Et pourtant, à la fin du show, tous s’accordent sur un point : « c’était génial ». Il faut dire qu’Orelsan fait tout pour établir un lien avec ses fans. En fonction de la ville hôte, le chanteur prend soin de préparer sa venue. Hier soir, il vannait l’OGC Nice, racontait qu’il avait rencontré sa « petite amie » sous les palmiers de la Promenade des Anglais, parlait des « cagoles » du sud de la France. On le sent tout de suite, le Normand aime les concerts parce qu’ils sont avant tout humains. Orelsan fait chanter la salle, partage ses délires, explique ses chansons. L’assemblée, déjà surchauffée, est galvanisée par l’énergie déployée par les sept artistes présents sur scène. Les quatre musiciens ne s’économisent pas et balancent des solos qui n’ont rien à envier aux plus grands. L’équipe soigne aussi bien les oreilles des fans que leurs yeux ! Tantôt lapins géants ou petits angelots, tantôt à la mode des années 1990 ou prêtres : ils font tout pour nous emporter dans l’univers Orelsan, quitte à changer cinq fois de tenue. Bref, s’il a intitulé son dernier opus Le Chant des sirènes, ce n’est pas pour rien : en concert, c’est Poséidon !

Clara Carlesimo

Yann Soudé