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La belle envolée de Stephan Eicher
Stephan Eicher livre un nouvel album. L’envolée. Son douzième. Le premier depuis Eldorado (2007). Un disque au charme pur, mélancolique et léger. Tout simplement beau.
« Court et soigné », sont les deux mots qu’utilise Eicher pour décrire son nouvel opus. Tous les titres de L’envolée laissent un goût d’inachevé. Cet aspect frustrant de l’album est revendiqué par son auteur : « J’ai voulu faire des titres courts mais directs, quitte à ne pas exploiter au maximum la puissance des morceaux. » Et c’est le cas. Chaque chanson est travaillée, et exprime une émotion qui lui est propre. Le sourire, le single choisi par la maison de disque, est une magnifique ballade, légère et gracieuse sur le thème du plaisir simple ressenti devant le bonheur d’un être aimé.
Pour produire ce disque, le suisse s’est entouré de Mark Daumail du duo Cocoon. Et cela se ressent dans l’énergie minimaliste et dépouillée qui illumine l’album. Les ballades mélancoliques (Donne-moi une seconde) alternent avec les morceaux plus sombres, à l’ironie subtile comme Tous les bars. Sur ce dernier titre, comme sur Envolées, on sent la littérature amusée de Philippe Djian, fidèle compagnon de route de Stephan Eicher depuis leur rencontre dans les années 1980. Ces deux morceaux sont bercés par des musiques jazzy, à base de cuivres sautillants et rieurs. Comme sur Engelberg (1991), probablement son meilleur album, Eicher abandonne la langue française le temps de deux titres en allemand (Morgue et Schlafield), qui lui permettent de mettre sublimement en valeur sa voix fragile.
Une carrière irréprochable
Dans ton dos est sans aucun doute le moment le plus réussi de l’album. Le morceau monte en puissance à l’aide des nappes de cordes qui accompagnent un rythme endiablé et joyeux. Le texte, aux accents de rédemption tardive, est empreint d’ironie douce amère (« Moi qui croyais qu’une vie ne suffit pas pour tout goûter, tu dois bien rire de moi (…) Je renierai tout ce que je trouvais beau, mais qui était vide, mais qui était faux… ») Stephan Eicher réussit à livrer la ballade parfaite, au texte fataliste et découragé, avec Disparaitre. C’est son ami Miossec qui lui a écrit cette chanson désabusée, mais d’une beauté incroyable. Inspiré par la crise économique et les crispations qu’elle crée entre les hommes, le chanteur y décrit la fin de tous les rêves et de tous les possibles : « J’ai licencié mon cœur, liquidé mes émotions, révoqué nos peurs, renvoyé nos illusions (…) Tout doit disparaitre, tout doit disparaitre… » Stephan Eicher livre un beau disque, celui d’un auteur-compositeur apaisé, mûr et sûr de lui. Celui d’un homme à la carrière irréprochable, toujours guidée par le don de soi et par l’émotion partagée avec son public.
Clip du titre Le sourire
Théo Savary