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L’Arche de Zoé fait escale en Justice
En 2007, les membres de l’association caritative l’Arche de Zoé avaient tenté d’exfiltrer 103 enfants du Darfour vers la France. Cinq ans après, six d’entre eux comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris.
Alors que s’ouvre aujourd’hui le procès de l’Arche de Zoé, les deux principaux protagonistes pointent aux abonnés absents. Eric Breteau et sa compagne, Emilie Lellouch, n’avaient pas « envie de s’expliquer ». Les quatre autres prévenus, le médecin Philippe van Winkelberg, le logisticien Alain Péligat, la journaliste Agnès Pelleran et Christophe Letien, un membre de l’association resté en France, ont répondu présents. En tout, c’est une vingtaine de familles qui se sont constituées partie civile, estimant que l’Arche de Zoé a joué « sur les sentiments affectifs ». Poursuivis pour « escroquerie, exercice illégal de la profession d’intermédiaire en vue de l’adoption et aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers », ils encourent jusqu’à dix ans de prison ferme et plus de 750 000 euros d’amende chacun. En arrivant ce matin au Palais de Justice, Philippe van Winkelberg a déclaré « Ce que je veux, c’est prouver ma bonne foi ». Céline Herdy, une des parties civiles a déploré l’absence des deux principaux acteurs : « Il faut que nous soyons reconnus comme victimes et non comme coupables ». L’avocat des plaignants, Me Eric Dupond-Moretti a fustigé un « fond d’escroquerie et de manœuvres. D’incompétence au mieux, d’inconséquences au pire ». Pour sa part, Alain Péligat a seulement « hâte d’en finir ».
De multiples zones d’ombres
25 octobre 2007 : l’affaire éclate. Des centaines de familles agglutinées sur le tarmac de l’aéroport de Vatry attendent l’avion dans lequel se trouve leur futur enfant adoptif. Aucun d’eux n’arrivera. Et pour cause, l’appareil est bloqué à Abéché au Tchad. Les autorités viennent de percer à jour l’impressionnante opération menée par Eric Breteau. Dix-sept européens dont neuf Français sont arrêtés. Ils s’apprêtaient à faire embarquer 103 enfants de trois à huit ans qu’ils présentaient comme orphelins du Darfour. 358 familles ont versé des sommes astronomiques à l’association qui leur a promis l’arrivée et l’adoption de ces orphelins.
C’est six mois auparavant que l’opération avait commencé. Le 28 avril, journée internationale du Darfour, l’Arche de Zoé publie un communiqué dans lequel elle annonce vouloir sauver « 10 000 enfants ». Pour cela, elle propose à « des familles d’accueil » d’adopter un « orphelin de moins de cinq ans ». Dès le 25 mai, le Ministère des Affaires étrangères en France émet les premières mises en garde contre l’association. Pour pallier les craintes du gouvernement, l’Arche de Zoé créé un nouveau nom : Children Rescue. Et c’est sous celui-ci qu’elle se fait enregistrer à Abéché. Officiellement, c’est un centre de soin pour les enfants victimes du conflit. Un centre agréé par le Haut Commissariat pour les réfugiés de l’ONU et les autorités tchadiennes. Le 23 octobre, l’étau se resserre autour de l’Arche de Zoé. Rama Yade, à l’époque secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme, soupçonne un risque imminent d’exfiltration d’enfants vers la France. Le problème, c’est qu’aucun lien n’est établi entre l’Arche de Zoé et Children Rescue.
Le Tchad attend toujours
Deux jours plus tard, l’opération est lancée, mais n’aboutira jamais. Sept membres de l’association sont arrêtés par les autorités tchadiennes. Parmi eux, trois journalistes, le pilote belge et sept espagnols de l’équipage de l’avion. Les dessous de l’affaire sont sombres. Le 1er décembre, une étude publiée révèle qu’au moins 91 enfants n’étaient pas orphelins et avaient été enlevés à leur famille. De plus, il s’avère que la plupart d’entres eux étaient Tchadiens. Eric Breteau, sous couvert de construire un orphelinat sur place a œuvré à l’insu des autorités tchadiennes. Et le jour J, le chef de l’Arche de Zoé avait fait croire à un rapatriement humanitaire en affublant les enfants de faux pansements pour leurrer les policiers. Les familles tchadiennes sont amères envers la France. Elles affirment que le gouvernement français s’était engagé à leur payer une indemnisation. Cependant, jusqu’à présent, rien n’a encore été fait.
Eric Breteau a déclaré durant l’affaire avoir « voulu provoquer une réaction de l’Etat français » à la tragédie du Darfour et faire émerger un « nouveau droit humanitaire ». Un homme pétri de bonnes intentions ? En attendant, le couple de l’Arche de Zoé est en Afrique du Sud. Eric Breteau loue effectivement des chambres d’hôtes, Emilie aurait monté sa propre compagnie de cirque.
Clara Carlesimo