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Keny Arkana : la révolution est en marche
Six ans après son premier album « Entre ciment et belle étoile », Keny Arkana est de retour avec un nouvel opus intitulé « Tout tourne autour du soleil ». Prônant ses idées avec la même force qu’à ses débuts, la Marseillaise nous livre un chef d’œuvre.
« J’ai fait mes preuves dans l’ombre, je ne dois rien à dégun (NDLR : personne), oui j’ai roulé ma bosse (…) et je suis là sans avoir clashé personne. J’ai pas renié un seul de mes principes. » Si l’on devait définir en une phrase le parcours atypique de Keny Arkana on choisirait peut-être celle-là. Une citation extraite de Vie d’artiste. Comme le laisse entendre le titre, elle revient, dans cette chanson poignante, sur son parcours. L’adolescente fugueuse a laissé place à une artiste engagée. Elle en profite pour lancer une pique aux médias, montrant qu’il est possible de faire carrière dans la musique tout en étant « antisystème ».
La « Désobéissance civile » comme leitmotiv
Comme à son habitude, celle qui admire le sous-commandant Marcos attaque directement le système, l’Etat, les hommes politiques. « Oui j’ai osé dire non, je les écouterai quand ils parleront d’humanité avant de parler de millions. » Sans faire de détours, dans Cynisme vous a tué ?, la Marseillaise prend pour cible la classe politique. « Messieurs vous n’êtes qu’une bande d’ingrats, tellement haïs parmi les nôtres. » Elle y dénonce l’omniprésence du «cynisme qui a déshumanisé l’Homme » dans la société actuelle assurant qu’il est « l’ennemi de la sagesse ». L’insoumise d’ « Entre ciment et belle étoile » a bien grandi. Moins agressives qu’à ses débuts, ses paroles ont gagné en spiritualité. La rage, elle, est toujours présente. Plus canalisées, ses phrases n’en demeurent pas moins toujours aussi percutantes.
Dans Indignados, elle revient à ses principes : l’appel à la « désobéissance civile » et à la prise de conscience de la France d’en bas : « Révolution par le bas car leur monde est mal imbriqué. Dites-leur que la rage du peuple et bien huilée ; printemps 2011 a vu fleurir des millions d’indignés. » Et comme souvent, celle qui est originaire d’Argentine lâche un couplet dans la langue de ses ancêtres. Un régal. Les titres Esprits libres, Casse le schéma et Y a urgence(répété 64 fois en moins de quatre minutes) reste dans la même lignée.
Fille de Terre mère
« La jeune vagabonde » qui a osé « défié l’empire » en « refusant les ordres » s’amuse dans J’ai osé, morceau à l’instrumentale à la fois entraînante et festive. Keny Arkana n’en reste pas moins une amoureuse de notre planète. A l’instar de « Terre mère n’est pas à vendre » parue dans « Désobéissance » en 2008, on retrouve, dans ce nouvel album, ce thème qui lui tient tant à cœur. Elle souligne sa grandeur dans Car nous sommes le monde (« Petite Terre ou petite France tu es si belle quand tu défends la liberté des plus faibles contre la violence des plus grands. ») et prône la valeur profonde de l’être humain dans Gens pressés.
La « solitaire » ainsi qu’elle se surnommait à ses débuts, conclut le chef d’œuvre musical qu’est « Tout tourne autour du soleil » par le morceau Retour à la Terre. Contrairement aux néophytes, les fans ne seront pas surpris par l’outro qui contient deux chansons en une. Comme à son habitude, l’enfant de la cité phocéenne nous gratifie d’un son qui fait cogiter. En devoir de philosophie, on appelle ça une ouverture.
« Ce n’est ni la gloire, ni l’argent mais le service qui peut me rendre heureuse. » : c’est par ces mots que s’achève l’album de cette révolutionnaire du XXIèmesiècle. A bientôt trente ans, Keny Arkana prouve une fois de plus qu’elle est la Che Guevara du rap français.
Hassen Gallah