Cap d’oublier le handicap ?

De gauche à droite, Caroline Anglade la jolie fille, Alain bouzigues le muet, Camille Chamoux la bourgeoise nunuche, et  Jean-Noël Brouté le sourd. Photo Marie Gonzales.

De gauche à droite, Caroline Anglade la jolie fille, Alain bouzigues le muet, Camille Chamoux la bourgeoise nunuche, et Jean-Noël Brouté le sourd. Photo Marie Gonzales.

La sexualité des handicapés. Sujet tabou, sujet casse-gueule. Pour avoir osé mettre en scène avec humour et tendresse une question sensible, Laurent Baffie gagne le prix de l’audace. Sans pathos, la pièce rafraîchit le théâtre comique français.

Aveugle, sourd et muet. Alex, Dani et Benjamin ne peuvent pas « avoir des filles normales ». Seulement ils ne veulent plus faire appel aux prostituées pour un peu d’amour ou d’intérêt. L’aveugle, « cerveau de l’histoire », propose au sourd et au muet un plan pour séduire les filles. Le non-voyant verra, le sourd entendra et le muet parlera ! Grâce à une caméra, des micros et un bracelet aux phrases pré-enregistrées. Mais les nouvelles technologies peuvent-elles vraiment combler leur handicap ? Dès le premier rendez-vous, le muet veut retourner « aux putes, c’est beaucoup plus simple », traduit le sourd à l’aveugle. Les rires fusent dans la salle. Les trois handicaps se complètent bien plus efficacement que les nouvelles technologies. Un message pour dire que le contact humain est essentiel. Les dialogues sont vifs et piquants mais Laurent Baffie a également su intégrer de la tendresse dans ses personnages. Les trois handicaps devant se compléter, le jeu de scène est exceptionnel. La prestation de Karine Dubernet, « flic aux stups » donne un coup de fouet à la pièce. Sa gestuelle et le stéréotype de la femme dominatrice psychorigide qu’elle incarne est exceptionnel.

Le théâtre pour sensibiliser aux problèmes de société

Par le rire, la représentation des Bonobos (petits singes très portés sur la bagatelle, tout comme nos trois handicapés) nous interroge. Quel est notre rapport à la différence ? Culpabilité, peur, rejet ou indifférence ? Plus de cinq millions de personnes sont handicapées en France, la plupart victimes de discrimination et d’exclusion. Les Bonobos sont un excellent moyen de sensibiliser, dès le plus jeune âge, à ce problème. A la fin de la représentation, une famille se rend à l’entrée des artistes pour rencontrer les comédiens. Accessibles, ils discutent avec les enfants, toujours hilares, en demandant un autographe. « Il faut continuer d’aller au théâtre », sourit Alain Bouzigues, le muet, à la famille.

La 20e représentation des Bonobos s’est déroulé à Cannes, vendredi 7 décembre au Palais des Festivals. Il n’en reste « plus que dix-sept » pour ces comédiens. Ils ont « tous des projets pour la suite » mais ne veulent pas en dire plus. Un an après la première représentation des Bonobos à Paris, la salle est comble, et le public comblé.

Casting :  Alain Bouzigues le muet, Marc Fayet l’aveugle, Jean-Noël Brouté le sourd, Caroline Anglade la jolie fille, Camille Chamoux la bourgeoise nunuche, et Karine Dubernet la policière.

Marie Gonzales