« Wadjda », un film sur les femmes fait par une femme

A l’occasion de la semaine de la femme du 4 au 10 mars, Buzzles vous parle de Wadjda, le premier film réalisé par une femme saoudienne, en salle depuis le 6 février 2013. Wadjda, c’est l’histoire d’une fillette saoudienne qui rêve d’acheter un vélo pour faire la course avec son ami Abdallah.

Les lumières s’éteignent dans la salle, et tout à coup, on entre dans l’univers de la petite Wadjda. Une fillette un peu rebelle qui a du mal à comprendre la société saoudienne dans son ensemble. Sa maîtresse ne sait plus quoi faire d’elle. Elle qui désobéit, ou simplement qui sort du lot. Elle porte des baskets, elle écoute du rock, et ce qu’elle veut par-dessus tout, c’est acheter un vélo pour faire la course avec son ami Abdallah. Mais les vélos, les filles n’y ont pas droit. Cela pourrait porter atteinte à leur vertu. Autrement dit, percer leur hymen. Mais Wadjda est prête à tout pour réunir l’argent nécessaire, même à tenter l’impossible, à savoir gagner un concours de récitation coranique bien qu’elle n’y connaisse rien.

Bande annonce du film:

La société saoudienne vue de l’intérieur

Nous, occidentaux, avons souvent une vision de cette société qui relève du fantasme. Haifaa al-Mansour, première Saoudienne réalisatrice, nous décrit la réalité très simplement. Sans misérabilisme et sans exagération. Elle nous dit : voilà comment les gens pensent, voilà comment les gens agissent. Pas d’accusations ni de reproches. Du moins, en apparence. Libre au spectateur de voir ou non les revendications sur la place que la femme occupe –ou n’occupe pas, d’ailleurs- dans la société wahhabite. La place de ces femmes qui se voilent des pieds à la tête, qui doivent parler bas pour que les hommes n’entendent pas leurs voix, qui ne peuvent pas conduire une voiture, ne serait-ce que pour se rendre au travail. Pourtant, chez elles, elles portent des jeans et fument des cigarettes. Haifaa al-Mansour pointe du doigt ces incohérences sans en avoir l’air. C’est pourquoi Wadjda est un film aussi émouvant qu’audacieux.

Wadjda article

Waad Mohammed dans le rôle de Wadja, un jeu d’une justesse déconcertante et envoûtante.

Enfance

Wadjda, c’est aussi la peinture de l’enfance. Même dans une société aussi dure, on trouve des petites filles têtues et courageuses. D’après la directrice de son école, Wadjda est insolente, impertinente. Parce qu’avoir des rêves quand on est une petite Saoudienne, c’est déjà insolent. Mais les poursuivre, c’est pire encore. D’autant que Wadjda semble ne pas comprendre la société dans laquelle elle vit. Pourquoi son père épouse-t-il une seconde femme ? Pourquoi n’a-t-elle pas le droit de porter ses baskets aux lacets violets ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ne peut-elle pas faire de vélo avec Abdallah ? L’innocence et la nonchalance de Wadjda nous émeut autant qu’elle nous fait rire. Et c’est grâce à Waad Mohammed, l’actrice qui interprète Wadjda. Elle nous fait oublier que c’est du cinéma, tant son jeu est juste et réaliste. Waad et son personnage ne font qu’un.

En bref, Wadjda, c’est un grand moment dans l’histoire saoudienne, car pour la première fois, une femme a réalisé un film, qui plus est sur la société wahhabite. Et la force d’Haifaa al-Mansour, c’est qu’elle ne nous impose pas un combat, elle préfère nous laisser tirer nos propres conclusions.

Romane IDRES