Hollande : échec et mat ?

« Hollande poursuit sa descente aux enfers ». C’est ce que l’on peut lire jeudi 4 avril sur le site du Point. Quelques heures plus tard, le dernier sondage CSA pour Les Echos donne raison à l’article. Une chute de 4 points conduit le président à 29 % d’opinions favorables. Et ça ne va pas mieux pour son Premier ministre. Même baisse et 26 % d’opinions favorables. Un niveau quasi identique à celui de Dominique de Villepin et Edith Cresson juste avant leur départ de Matignon. Alors, comment la forme a-t-elle desservi le fond ? Et comment la République exemplaire voulue par François Hollande a-t-elle bien pu tourner au cauchemar en à peine onze mois ? Retour sur ces « boulettes », pour la plupart non imputables à notre président, mais qui pour l’heure ne cessent de ternir sa politique…

François Hollande décroche à nouveau dans les sondages. Photo : AFP/FRED DUFOUR

François Hollande décroche à nouveau dans les sondages. Photo : AFP/FRED DUFOUR

6 mai 2012 : le peuple de gauche a enfin un successeur à François Mitterrand. Mais dès le soir de son élection, François Hollande utilise un Falcon 900 B privé pour voyager de Tulle à Paris. Le tout aux frais du Parti socialiste ; ce qui n’est pas sans rappeler l’épisode du Fouquet’s de Nicolas Sarkozy. On ne peut pas penser à tout un soir d’élection, mais le symbole reste.

05 juin 2012 : le premier couac. Cécile Duflot, ministre du Logement issue du parti Europe Ecologie-Les Verts, s’est déclarée favorable à la dépénalisation du cannabis. Un projet auquel le gouvernement n’est pas favorable. Enfin presque tout le gouvernement puisque le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon s’est prononcé en faveur d’un débat sur la question le 15 octobre dernier.

30 octobre 2012 : le Premier ministre répond aux lecteurs du Parisien et lâche une petite bombe quand on l’interroge sur la suppression des 35 heures. « Il n’y a pas de sujet tabou. » Dans la foulée, il devra démentir toute remise en cause de l’actuelle durée légale de travail.

Et à propos des couacs gouvernementaux, le Premier ministre répond : « Je vous le dis, des fois que ça serait pas compris, mais maintenant ça l’est : c’est quelque chose qui ne peut pas se reproduire. Vous jugerez sur pièce. »

Et l’on peut juger sur pièce dès le 31 mars dans le JDD. Jean-Marc Ayrault confirme qu’Arnaud Montebourg l’a bien injurié au mois de décembre. « Tu fais chier la terre entière avec ton aéroport de Notre-Dame-des-Landes dont tout le monde se fout. Tu gères la France comme le conseil municipal de Nantes. » aurait notamment déclaré le ministre du Redressement productif.

9 novembre 2012 : Hollande envisage dans l’hebdo Marianne le départ des écologistes du gouvernement. Peu après, Jean-Vincent Placé, président du groupe EELV au Sénat en rajoute une couche. « Depuis le virage post-Gallois et les annonces très en faveur des entreprises […] je suis moi-même de plus en plus perplexe quant à cette participation gouvernementale. »

20 novembre 2012 : François Hollande s’exprime devant l’Association des maires de France. Et il rassure ceux qui sont hostiles au mariage pour tous en invoquant leur « liberté de conscience ». Avant d’ajouter : « Des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies. » Ce geste d’apaisement va rapidement faire polémique, obligeant le Président à un rétropédalage.

16 décembre 2012 : L’acteur Gérard Depardieu annonce dans une lettre ouverte publiée dans le JDD qu’il rend son passeport français. En cause : son évasion fiscale, jugée choquante par une majorité de Français, avait été qualifiée de « minable » par le Premier ministre.

30 décembre 2012 : le Conseil constitutionnel retoque la taxe à 75 % sur les revenus de plus d’un million d’euros. Une mesure qui avait relancé la campagne présidentielle de François Hollande.

24 février 2012 : François Hollande se souviendra de son premier Salon de l’Agriculture. Une plaisanterie lui a échappé, et elle concerne Nicolas Sarkozy. Alors qu’un jeune visiteur explique au président qu’il n’a jamais vu son prédécesseur, François Hollande répond spontanément : « Ah ben, tu ne le verras plus ! » La gauche s’en amuse, la droite s’en insurge.

13 mars 2013 : François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat, conseille à François Hollande de faire un exemple en virant l’un de ses ministres. Ambiance tendue !

19 mars 2013 : Jérôme Cahuzac, ministre délégué au Budget, démissionne de ses fonctions après l’ouverture d’une information judiciaire sur des soupçons de détention d’un compte bancaire caché en Suisse.

28 mars 2013 : François Hollande est invité sur le plateau de France 2. Alors que sa cote de popularité s’effondre, le Président doit rassurer les Français, et en particulier ses électeurs. Pourtant, il annonce une réforme courageuse mais des plus impopulaires. « Il faudra allonger la durée de cotisation pour financer les retraites. »

02 avril 2013 : Jérôme Cahuzac reconnaît détenir un compte bancaire à l’étranger et annonce le rapatriement de 600 000 € en France. Il est aussitôt mis en examen et exclu du Parti socialiste. François Hollande et Jean-Marc Ayrault condamnent fermement cet agissement.

Problème : le président assure avoir demandé à Jérôme Cahuzac de démissionner… Alors que le 19 mars, un communiqué de l’Élysée annonçait ceci : « Le président de la République a mis fin aux fonctions de M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, à sa demande. »

04 avril 2013 : le Monde publie des révélations sur les investissements douteux du trésorier de campagne de François Hollande. Jean-Jacques Augier serait actionnaire de deux sociétés offshore dans les îles Caïmans, un paradis fiscal. L’intéressé confirme mais n’y voit rien d’illégal. François Hollande en pâtit. Comme souvent, François Hollande paie « les pots qu’il n’a pas cassés ».

C’est dans ce contexte que Jean-François Copé, président de l’UMP, vient de réclamer un remaniement du gouvernement de grande ampleur. Rien de surprenant pour la droite. « Il faut que François Hollande assume une rupture totale. […] Il est en train de devenir le chef d’un clan. »

De manière plus timide, Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale propose un gouvernement plus restreint. Actuellement, le gouvernement est composé de 34 ministres, dont 17 femmes.

Cécile Duflot, ministre du Logement, appelle à « une réponse politique forte. » Sans surprise, Jean-Marc Ayrault déclare : « Travaillons d’abord […] avant de spéculer. » De quoi remettre en place certains de ses ministres impatients de prendre sa place.

On imagine que François Hollande va prendre encore le temps de la réflexion, et qu’une décision de cet ordre n’interviendra pas dans les prochains jours. Enfin, on n’est plus à une surprise près…

 Un article à retrouver sur societheoucafe

Jérôme Morin