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Thomas Carreras : «Aux réunions entre écrivains, je devrais me pointer avec un biberon »
Ne vous fiez pas à la « gueule de bébé » de Thomas Carreras, derrière des traits juvéniles se cache un auteur exceptionnel de maturité. A 18 ans, la recette du plus jeune auteur du Festival est simple, à base de trash et d’humour. Son univers, complètement barré, il le dépeint dans son ouvrage 50 cents (Éditions Sarbacane collection eXprim’), paru en mai dernier. Ses inspirations, allant de Rabelais à Tarantino, résument à elles seules tout un personnage. Avec humilité, il vient à Mouans-Sartoux pour apprendre, entreprendre, rencontrer, s’éclater.

Le sourire toujours aux lèvres, Thomas Carreras manie l’humour à la perfection, dans son livre comme dans la vie. (Photo D.R.)
Comment se sent-on avant de plonger pendant 3 jours dans l’ambiance de Mouans-Sartoux ?
Je suis super excité, c’est mon premier festival ! Comme j’y vais seul, je compte bien faire des tas de rencontres, des gens qui ont aimé mon livre, ou des auteurs. C’est l’occasion de parler, ça tombe bien, j’adore ça. Mais je n’ai aucune pression quant à ce festival, je suis quelqu’un de très naturel, et de toute façon dès qu’il y a de la bouffe gratuite… (rires). J’ai hâte également de participer au débat de dimanche (Ndlr : Café littéraire de 10 h 30 à 12 h), pour voir ce que ça donne.
Qu’est ce que ça fait d’être déjà publié par une grande maison d’édition quand on a 18 ans ?Avez-vous déjà rencontré des problèmes du fait de votre jeunesse ?
On néglige souvent les jeunes qui publient à compte d’auteur (Ndlr : qui paient pour publier leur livre). Ce n’est pas mon cas, et je suis assez fier de faire partie d’une maison d’édition. J’ai commencé à écrire à 3 ans, j’ai toujours aimé ça, c’est pour ça que je vis un rêve actuellement avec la sortie de 50 Cents. Quand j’ai envoyé le manuscrit, je n’avais que 16 ans, et je ne l’ai pas mentionné explicitement dans mon courrier, j’ai juste mis ma date de naissance, 1994. Deux semaines après, Tibo Berard (directeur de la collection eXprim’) m’appelle emballé, mais me dit « Par contre t’as fait une faute de frappe, t’as écrit 94 », il ne pensait pas que j’étais si jeune. Je ne suis pas seul, récemment, j’ai vu qu’un mec en Angleterre avait sorti une trilogie à 12 ans, c’est la gamme au-dessus. Après, c’est vrai qu’aux réunions entre écrivains, je devrais me pointer avec un biberon. La dernière fois, on faisait une fête, on m’a dit de ralentir sur le champagne (rires).
Votre livre 50 cents est salué par les critiques : heureux ?
Forcément. Jusqu’à présent, le seul mauvais avis que j’ai eu vient d’une blogueuse, j’ai eu l’impression de sortir d’une vasectomie. Mais autrement, je nage dans le bonheur. Enormément de gens m’ont écrit. Le meilleur compliment vient d’un habitant de 75 ans de ma ville, Sisteron, qui m’a affirmé qu’il n’avait rien lu de mieux depuis Orange Mécanique. Mon livre, c’est presque exclusivement du second degré. Les gens ont compris ce sens humoristique, et ça me rend magnifiquement heureux. De voir que les lecteurs sont entrés dans mon délire, c’est flatteur.
Qu’est ce qui différencie 50 cents des autres ouvrages selon vous ?
Dans le livre, personne ne se sent vraiment seul. On passe par le fantastique, la violence, le gangster, l’humour. C’est un roman d’action particulier, comme si on passait d’une scène avec Denzel Washington et Russell Crowe, à un sketch de Gad Elmaleh, même si je ne prétends pas être aussi drôle que lui. Cet alliage entre humour et action est assez unique. Aussi, je m’adresse directement à mon lecteur, des fois je n’hésite pas à me foutre de sa gueule, parfois je lui ordonne de lever la main, etc. Beaucoup de gens m’ont dit qu’ils avaient aimé le procédé. D’habitude, c’est souvent un monologue de l’écrivain, et le lecteur n’a pas de droit de réponse. Là, je veux absolument qu’il l’ait.
Est-ce aussi pour cela que vous avez créé votre site web www.thomascarreras.fr ?
Totalement. Je poste les articles qui parlent du livre, et j’encourage les lecteurs à laisser un commentaire. J’ai aussi créé dans le livre une ville imaginaire, Paradise City, que je veux développer. Le but est que chacun laisse un message pour dire ce qu’il aimerait voir évoluer dans Paradise City, et j’utiliserai ces avis dans mes prochains ouvrages. Je veux faire participer mes lecteurs à mon écriture.
Quels auteurs vous inspirent ?
J’aime beaucoup le cinéma. Je suis un grand fan de Quentin Tarantino, Robert Rodriguez, Christopher Nolan, et Clint Eastwood. Point de vu auteur, j’adore Rabelais. Pour moi, frère Jean des Entommeures dans Gargantua, c’est le personnage le plus fun de la littérature française. C’est le premier frère ninja de l’Histoire. Dès que des soldats touchent à son vignoble, il va les embrocher par le derrière. C’est juste énorme. Autrement, j’aime beaucoup les œuvres de George R. R. Martin, Stephen King, et je suis fan absolu de Fight Club de Chuck Palahniuk.
Dans votre livre, les personnages sont tous plus fous les uns que les autres. D’où viennent toutes ces idées ?
Non, si telle est la question, je ne prends rien à côté (rires). La plupart de mes idées viennent de gens que je rencontre. Je les modifie parfois un peu. Je suis un inlassable voyageur, et des farfelus, j’en ai croisés. Par exemple, je me souviens d’un vendeur de lunettes africain avec un bonnet rasta à Florence. Il renvoyait une image de gros dur, alors qu’il vendait des lunettes hilarantes. Dans mon prochain bouquin, je lui rajoute une machette, et c’est parti (rires).
A propos de futur, il se murmure que votre second livre est en cours d’écriture. Peut-on en savoir plus ?
Oui, je l’ai bientôt terminé, il doit sortir au printemps 2014. L’histoire se déroule deux mois après la fin de 50 Cents, mais ce n’est pas une suite, seul un des personnages secondaires sera reconduit. Pour l’instant, le titre c’est 100000 canards par un beau jour de tonnerre. En fait, tout le récit est basé sur l’anatidaephobie, la peur d’être observé par un canard dans n’importe quel endroit. L’héroïne est une fille de Paradise City qui va en Angleterre pour un festival de musique, et au fur et à mesure, elle va sombrer dans cette paranoïa. C’est encore plus déjanté que 50 Cents.
Nathan Gourdol
Esperons que vous avez d autre article de cette trempe en stock !