Bangladesh : enfin la hausse des salaires

Le gouvernement bangladais s’apprête à augmenter de 50 à 80 % le taux horaire des 3,6 millions d’ouvriers du textile ; une décision qui fait suite aux soulèvements de ces derniers en septembre. Ils travaillent pour un salaire de base mensuel de 28 euros, qui n’a pas augmenté depuis août 2010, malgré la hausse importante du prix à la consommation (+ 8,7 % entre 2008 et 2012). Retour sur un combat qui nous concerne de près ; la plupart de nos vêtements comportant l’étiquette « made in Bangladesh ».

Fin septembre, cinq jours de grève, qui ont parfois tourné à l’émeute, ont mobilisé 50 000 à 200 000 ouvriers dans les rues de Dacca, la capitale. Une centaine d’usines textiles ont été touchées par le mouvement, sur les 4 500 à 5 000 que compte le pays. Les manifestations ont fait une cinquantaine de blessés ; la police ayant usé de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour disperser les nombreux points de blocage sur les routes. Violence également du côté des manifestants qui ont, quant à eux, vandalisé une gendarmerie à Gazipur (au nord de Dacca) ainsi que quelques entreprises.

Si la grève a débuté dans le pays, c’est d’abord à cause du gouvernement, incapable de mettre d’accord patronat et syndicats ouvriers sur l’augmentation du salaire minimum dans le textile. L’exécutif avait pourtant mis en place un groupe de travail tripartite engageant l’Etat, les patrons et les salariés, le 6 juin dernier. Mais le patronat s’est toujours refusé à proposer plus de 20 % d’augmentation de salaire – avant comme après les manifestations.

50 000 à 200 000 ouvriers ont manifesté fin septembre au Bangladesh pour obtenir une augmentation de salaire. (Crédit : AFP)
50 000 à 200 000 ouvriers ont manifesté fin septembre au Bangladesh pour obtenir une augmentation de salaire. (Crédit : AFP)

Que veulent les ouvriers ?

Un salaire de base mensuel de 79 euros par mois. Mais les patrons ne proposent que 33 euros, pas plus, par peur de froisser les grandes marques qui produisent ou sous-traitent au Bangladesh, deuxième exportateur mondial de vêtements. Les syndicats ouvriers – peu tolérés par la plupart des usines textiles du Bangladesh – rejettent la proposition. Un représentant syndical la qualifie d’ « inhumaine et humiliante ». Mais les manifestations peinent à se poursuivre. En cause, la menace du ministre de l’Intérieur au soir du cinquième jour de mobilisation. « Ceux qui [manifestent] seront considérés comme opposants à la Nation. Toute tentative de déstabiliser le secteur sera empêchée par la force. » Dès le lendemain, des gardes font leur apparition à proximité des usines textiles de Dacca. Les ouvriers devront donc se contenter de la hausse promise par le patronat et applicable dès novembre.

Le Monde a diffusé sur son site web une vidéo qui donne à voir l’ampleur des mobilisations.

Nouvelles émeutes des ouvriers du textile au… par lemondefr

Coup de théâtre ! Près de cinq mois après le début des négociations, le gouvernement s’apprête à trancher en lieu et place du patronat. De bon gré mal gré, les entreprises devront vraisemblablement verser un salaire de base mensuel compris entre 43 et 53 euros, soit une hausse de 50 à 80 %, selon Marianne.net. Et le site en ligne de rapporter les propos d’un représentant du groupement de syndicats nationaux Garment Workers Federation : « Le monde entier parle des conditions de travail de ces ouvriers, ce qui rend le gouvernement nerveux. » Et l’oblige, en somme, à agir, pour faire oublier aux consommateurs occidentaux les nombreuses bavures de ces derniers mois. Notamment le drame du Rana Plaza. 1 224 ouvriers avaient perdu la vie le 24 avril dans l’effondrement du bâtiment qui abritait plusieurs usines textiles. En novembre 2012, 112 travailleurs sont également décédés dans l’incendie d’une usine. Sept personnes sont mortes dans les mêmes circonstances ce 9 octobre.

Pour mettre fin à cette série noire, les autorités du pays et l’Organisation internationale du travail (OIT) ont par ailleurs débuté mardi l’inspection de plus de 1000 ateliers de confection afin d’y améliorer la sécurité et les conditions de travail. Tous les espoirs sont donc permis pour ces ouvriers qui travaillent à nous habiller tout en étant va-nu-pieds.

Jérôme Morin