Steel Pulse, le reggae engagé traverse les âges

Steel Pulse, l’un des groupes les plus influents du reggae, était en concert samedi 12 octobre, au Théâtre Lino Ventura à Nice. Après une première partie acoustique offerte par le guitariste de Hocus Pocus, Le Deunff, le groupe a su conquérir les fans de la première heure comme les néophytes en enchainant ses plus grands titres, tels que Roller Skates, Steppin’ Out ou encore Chant a Psalm. Retour sur un show haut en couleur, porté par des messages d’amour et de liberté.

Steel Pulse a joué devant 700 personnes au Théâtre Lino Ventura (Photo  : Juliette Redivo)

Steel Pulse a joué devant 700 personnes au Théâtre Lino Ventura (Photo  : Juliette Redivo)

Bière à la main, cigarette à la bouche et tee-shirt du groupe sur le dos pour la plupart : le public est prêt à recevoir Steel Pulse. Les britanniques sont connus pour livrer des prestations scéniques ahurissantes d’énergie communicative. Après 38 ans de carrière et douze albums, dont deux live, ce concert-là ne déroge pas à la règle. La bonne humeur des membres du groupe est contagieuse. Au fil du concert, l’alchimie s’établit entre les musiciens et le public, qui se met progressivement à se déhancher au rythme de ce « reggae roots ».

Un concert d’une forte intensité et virtuosité

Les solos magnifiques de saxophone et de clarinette, la guitare fluide, la batterie sans défaut de Steve « Grizzly » Nisbett et les allers retours incessants du chanteur David Hinds, fondateur du groupe, sont autant d’éléments qui ont permis au groupeSteel Pulse de chauffer la salle Lino Ventura. Un pari qui n’était pas gagné d’avance au vu de l’organisation de la salle, dénuée de fosse et encombrée par ses rangées de fauteuils rendant difficile la mise en place d’une complicité entre les artistes et le public.

 

Amlak "amBASSador" Tafari, bassiste du groupe depuis 2007 (Photo : Juliette Redivo)

Amlak « amBASSador » Tafari, bassiste du groupe depuis 2007 (Photo : Juliette Redivo)

David Hinds et Jerry Johnson, saxophoniste renommé mondialement sur la scène reggae. (photo : Juliette Redivo)

David Hinds et Jerry Johnson, saxophoniste renommé mondialement sur la scène reggae. (photo : Juliette Redivo)

On pourrait regretter l’absence de la chanson Ku Klux Klan, véritable brûlot antiraciste sorti en 1978 qui aura fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le milieu punk anglais et qui les a propulsés au festival « Rock Against the Racism », aux côtés des Clash notamment, devant plus de 100 000 personnes. Mais ne soyons pas trop gourmands…

 Une occupation totale de la scène, un show bien rodé et des valeurs humaines toujours vivaces auront fait de cette visite des Steel Pulse aux Niçois un véritable moment de bonheur et de partage. Quant à la fin du concert, malgré le départ précipité du chanteur, quelques membres (dont le claviériste Selwyn D. Brown) s’attardent sur scène pour signer des autographes, prendre des photos et serrer la main de leur public, tout en nous offrant leurs plus beaux « one love », on ne peut que dire merci.

Derrière l’écran de fumée, des valeurs inchangées

Dreadlocks et quelques cigarettes pas tout à fait légales, les habitués des concerts de reggae ont répondu présent au milieu d’une foule de tous âges, couleurs et horizons. Bien entendu, le reggae est un genre musical prônant régulièrement la consommation du cannabis. Pourtant, Steel Pulse est avant tout un groupe indigné et engagé.

 Notamment à leurs débuts contre le racisme de l’Angleterre des années 1970. Leur légendaire Handsworth Revolution, premier album paru en 1978, en témoigne très bien. David Hinds y chante « Le Ku Klux Klan : le viol, lyncher, tuer et mutiler ; Les choses ne peuvent pas rester les mêmes ». Un cri sur un son modeste et sans artifices.

Avec sa voix unique et ses textes révolutionnaires, David Hinds a offert un show exceptionnel (Photo : Juliette Redivo)

Avec sa voix unique et ses textes révolutionnaires, David Hinds a offert un show exceptionnel (Photo : Juliette Redivo)

Aujourd’hui le Ku Klux Klan a perdu de son pouvoir, mais le combat de Steel Pulse n’a pas cessé. Il a juste changé de cible. « Maintenant, il y a ceux qui ont et il y a ceux qui n’ont pas, il y a toujours des responsables de ça. On doit soutenir ceux qui n’ont rien vis-à-vis de ceux qui ont tout (…). Voilà ce que j’ai envie d’entendre et de chanter dans ma musique » explique David Hinds sur le site officiel du groupe.

Son groupe se soulève encore, à l’heure où l’homme est en train de se détruire au nom du progrès. « L’homme tue, vole, pille et exploite ses frères et sœurs ; il divise les gens en fonction de leurs couleurs, leurs classes, et leurs religions ! » s’indigne-t-il. Alors ils chantent et jouent pour essayer de faire une différence. « C’est ce que nous faisions à l’époque de Handsworth Revolution, et ce sentiment n’a pas changé à ce jour » ajoute le co-fondateur, Selwyn Brown. Voilà pourquoi, même dans la petite salle du Théâtre Lino Ventura, ils n’ont pas peur de chanter « Lève le poing et crie que tu es noir et fière de l’être ! » Et cette tournée 2013 est d’autant plus symbolique. C’est le cinquantième anniversaire de l’Organisation de l’Unité Africaine, mais aussi du discours de Martin Luther King, qui, grâce à ses travaux –comme chacun sait– a mis fin à la ségrégation raciale institutionnalisée aux Etats-Unis.

38 ans après, Steel Pulse nous livre toujours un concert entraînant (Photo : Juliette Redivo)

38 ans après, Steel Pulse nous livre toujours un concert entraînant (Photo : Juliette Redivo)

Ce n’est donc pas par hasard qu’ils créent la chanson Vote Barack , en soutien au candidat démocrate Barack Obama, aux élections présidentielles américaines de 2008. Et encore moins en appuyant sur les incidents qui ont eu lieu dernièrement en Tunisie, en Égypte ou en Libye. « Des gens ont compris qu’ils pouvaient se soulever contre n’importe quel gouvernement corrompu de cette planète. Ça c’est une bonne chose ! » se réjouit le chanteur.

Steel Pulse continue son combat avec humilité, en espérant voir un jour une vraie démocratie sur Terre, dépourvue de son hypocrisie latente. Des artistes comme eux continueront de le chanter avec amour, dans le monde entier, puisque comme ils le disent si bien : « Sans amour il n’y a pas de justice, et sans justice, il n’y a pas de paix ».

Juliette Redivo
Mathias Hubert