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Les grandes compétitions sportives incompatibles avec les Droits de l’Homme?
Les événements sportifs internationaux sont une vitrine inouïe pour les villes et pays hôtes. Une fois le lieu d’accueil désigné, des chantiers pharaoniques se mettent en place pour recevoir les athlètes et les caméras du monde entier. Le choix de l’Etat qui accueillera les festivités est souvent au centre des polémiques, comme pour les Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Sotchi et Doha n’y échappent pas, que ce soit en manière de corruption ou d’exploitation des ouvriers du bâtiment.
Sotchi, corruption et travail forcé
Les Jeux Olympiques d’hiver 2014 de Sotchi (Russie) se dérouleront du 7 au 23 février. Le choix de cette ville est pour le moins étrange. Sotchi a un climat subtropical, les températures descendent rarement en dessous de zéro et c’est l’une des rares villes russes où il ne neige quasiment pas.

Sotchi se situe sur les bords de la mer Noire, à proximité de la frontière géorgienne. La ville prépare les infrastructures pour accueillir les athlètes du monde entier. (D.R.)
Les Jeux de Sotchi vont devenir, selon les prévisions, les plus chers de toute l’histoire avec un budget de 50 milliards de dollars, soit un montant 500 % plus élevé que celui estimé par la Russie en 2007. Les relations entre les compagnies de construction et le gouvernement sont au beau fixe. Boris Nemtsov, figure de l’opposition russe, a déclaré que « les Jeux Olympiques de Sotchi sont d’une connivence sans précédent entre les représentants de l’Etat et les oligarques. »
De plus les conditions de travail des ouvriers sont précaires. Ce sont souvent des immigrés des pays voisins (Serbie, Ukraine, Kirghizistan) travaillant près de douze heures par jour pour un salaire de 500 dollars (362 euros). Un salaire qui n’est souvent payé que partiellement selon Human Right Watch. L’organisation humanitaire décrit « de sérieux retards de paiement ou des non-paiements de salaires, le refus de fournir des contrats de travail écrits et permis de travail tel que l’exige la loi ». Le procédé est bien connu. Les employeurs gardent les passeports des travailleurs pour qu’ils ne puissent pas partir quand bon leur semble. Le bilan de l’année 2012 est de 25 personnes mortes dans des accidents liés aux travaux.
Mondial de football au Qatar, l’enfer des travailleurs immigrés
Doha est un chantier titanesque pour la Coupe du monde de football de 2022. Dix stades (qui seront démontés à la fin de la compétition), des lignes de métro et des quartiers entiers d’habitations vont être construits pour l’occasion.

La FIFA a déclaré être « préoccupée » des conditions de travail au Qatar après les révélations du Guardian. (Photo AFP)
Paradoxe, les organisateurs semblent vouloir raboter les coûts alors que l’argent n’est pas un problème pour cette richissime monarchie. Pour cela, les compagnies de constructions engagent des immigrés pour la majorité venus d’Inde et du Népal. Le scandale sur les conditions de vie des ouvriers du bâtiment au Qatar a été révélé par le journal britannique The Guardian qui parle « d’esclaves. » Les travailleurs sont payés en moyenne 180 euros par mois pour des longues journées de labeur sous 50°C. Comme à Sotchi, il arrive régulièrement que cette somme ne leur soit pas versée et la confiscation des papiers est fréquente. La privation d’eau potable sur les chantiers et le non-respect de la loi qui interdit plus de quatre ouvriers par chambre sont légion. Suite à ces révélations, le directeur d’Antislavery International a déclaré que la situation « laissait indiquer du travail forcé. (…) Ce n’est pas vraiment un secret mais il n’y a pas d’effort concerté de la part des autorités qatariennes pour y mettre fin. » L’ambassade d’Inde à Doha chiffre à 237 le nombre de ses ressortissants morts en 2012.
Pékin 2008, la menace du boycott
Pour les Jeux Olympiques de 2008, le CIO (Comité International Olympique) avait choisi Pékin face à Paris, Toronto et Istanbul. Une décision vivement contestée. Les questions du respect des droits de l’homme et de la démocratie ont été au centre des débats sur la légitimé d’organiser les Jeux pour la capitale chinoise. Les autorités avaient promis des avancées sur le plan humain et social dans le pays au moment de sa candidature. De nombreux journalistes, intellectuels et étudiants sont encore en prison en raison de leur opinion politique. Les tensions entre la Chine et le Tibet sont revenues sur le devant de la scène médiatique. Des violences entre la police chinoise et les Tibétains ainsi que de nombreuses arrestations lors de manifestations avaient terni l’image des Jeux Olympiques. Face à cette situation, une question était au centre de l’actualité : faut-il boycotter les Jeux Olympiques de Pékin ? Des personnalités politiques ont choisi de ne pas faire le déplacement dont la chancelière allemande Angela Merkel, le Premier ministre polonais Donald Tusk ou encore le président tchèque Vaclav Klaus. Côté français, Nicolas Sarkozy avait fait planer le doute sur sa présence puis avait finalement bel et bien assisté à la cérémonie d’ouverture. Face à la polémique, Jacques Rogge, président du CIO avait alors déclaré que « les Jeux appartiennent aux athlètes, pas à la Chine, de plus il s’agit d’une association sportive et non politique. »

Des manifestations appelant au boycott des Jeux Olympiques de Pékin avaient éclaté en Occident notamment en France. (D.R.)
Alexia Samuel
Pourquoi attribuer des compétitions de ce type à des pays dont on connait les pratiques vis-à-vis des Droits de l’Homme ? Corruption ? Sans aucun doute.