Appuyez sur la touche étoile de votre téléphone pour continuer

A l’heure où les répondeurs vocaux ont remplacé les opérateurs téléphoniques au bout du fil, Jean Michel Besnier publie chez Faillard un essai intitulé L’homme simplifié ou le syndrome de la touche étoile. Philosophe reconnu, professeur à la Sorbonne et à Sciences Po, Jean Michel Besnier pousse un coup de colère contre cette touche étoile que des voix synthétiques nous demandent systématiquement de composer.

« Pour accéder au service demandé, appuyez sur la touche étoile. » Cette phrase n’est étrangère à personne. La problématique soulevée par Jean Michel Besnier est contenue dans le titre de son ouvrage « Allons-nous devenir des hommes simplifiés? ». Autrement dit, la machine nous rendelle incompétents et inutiles ? Cette touche étoile n’est qu’un point de départ des craintes exprimées par Jean Michel Besnier quant à l’idéalisation du transhumanisme. Le mouvement transhumain est un courant de pensée moderne ne jurant que par les progrès scientifiques et techniques. Les transhumanistes voient dans ces progrès une possibilité d’améliorer les caractéristiques de l’être humain, au delà du statut de simple mortel. « Cette touche est devenue emblématique. Aujourd’hui, pour interagir avec nos machines, nous sommes obligés de faire la bête. » L’auteur soulève ici le problème majeur du mouvement transhumain, à savoir que les progrès technologiques et scientifiques jusqu’alors bénéfiques pour l’individu et le groupe sociétal annihilent aujourd’hui les capacités propres à chacun. L’homme est forcé d’utiliser des machines au quotidien : distributeurs, parcmètres, cafetières, etc, mais n’en comprend pas le fonctionnement et perd in extenso le savoir-faire lié au service rendu par la machine. Selon le philosophe, « l’homme devient la machine paradoxalement. »

Jean Michel Besnier présente son livre. Crédit photo D.R.

Jean Michel Besnier présente son livre. Crédit photo D.R.

Assouvir un vieux fantasme : améliorer l’homme

La robotique, l’intelligence artificielle, les nanotechnologies, la génétique… Les progrès technologiques rendent possible un vieux fantasme : améliorer l’homme. Jean Michel Besnier prend soin de donner la parole aux mêmes transhumanistes qu’il vise dans son essai : « Nous sommes la première espèce à prendre contrôle de notre évolution, pas dans un futur de science-fiction, mais maintenant. » Une phrase opposée aux convictions de Jean Michel Besnier qui considère au contraire que cette prise de contrôle de l’évolution est un danger. L’auteur agrémente son ouvrage d’avis divers liés aux problématiques transhumanistes. Une multitude de citations qui permet au lecteur novice en la matière de comprendre et de se faire une idée rapidement. D’ailleurs, Jean Michel Besnier procède à une vulgarisation efficace des polémiques soulevées par les nouvelles technologies avec des exemples de notre quotidien, et ça fait mouche : « Prenons l’exemple de cette publicité pour console de jeu interactive où il n’y a plus besoin de manettes pour jouer. La manette, c’est vous ! L’humain devient manette. Le publicitaire laisse sous-entendre qu’il s’agit d’un progrès considérable, en d’autres termes on devient la machine. La manette qui servait d’interface entre le joueur et l’écran est supprimée, aujourd’hui on entre dans une situation fusionnelle, ce qui est terrifiant » détaille-t-il dans un entretien accordé à France Inter.

Vincent Dromard