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Pourquoi il faut encore être féministe en 2013
Et si le XXIème siècle était celui des femmes ? Le siècle d’Aung San Suu Kyi, des Pussy Riot et de Malala. Celui de Marjane Satrapi comme celui de Nabilla (la jeune Pakistanaise qui redoute les drones américains, pas la Suissesse de la télé). Suivant les traces des grandes figures féminines du XXème siècle, de Simone de Beauvoir à Simone Veil, les femmes du troisième millénaire ont encore des choses à dire, et elles comptent bien les faire entendre.
Le machisme continue en effet de gangréner notre société. Les femmes, à quelques exceptions près, ont toujours moins de crédit que l’homme. Et n’ont pas toujours leur mot à dire. Sous le couvert de l’humour, la cause des femmes est tournée en ridicule, minimisée, tout sauf prioritaire.

PHOTO 1 : Manifestation à l’occasion des 40 ans du mouvement féministe à Paris le 26 août 2010 Crédit : AFP
Non, on ne peut pas « choper » une inconnue dans la rue
Vous avez probablement vu la vidéo de Guillaume Pley, l’animateur de NRJ qui embrasse des jeunes filles dans la rue parfois de force, parfois par surprise. Vous avez probablement eu vent de la polémique que ces images ont provoqué. Le webzine Mademoizelle.com parle d’agression sexuelle. Certains pensent que l’expression est trop forte. Guillaume Pley a présenté de vagues excuses, mais il dit ne pas regretter. Quoi qu’il en pense, il s’agissait bien d’agression. Mais le problème ne réside pas tant dans le fait qu’il ait embrassé ces jeunes filles –qui d’après lui ont signé des autorisations de tournage, de toute façon. Le problème est bien que ces actes soient montrés dans une vidéo en ligne, vue par des millions d’internautes (un peu plus de quatre millions à l’heure actuelle). Que ce soit ou non l’intention de l’auteur, le message est clair : on peut « choper » une inconnue même si elle n’en a pas envie. C’est ce qui est très grave. Les agressions de rues sont très fréquentes, les vulgarités à l’égard des femmes sont quotidiennes. Certaines ont peur, certaines se cachent, certaines sont lassées de se faire insulter et ne réagissent plus. Vu comme ça, ce n’est plus très drôle.
Des crocos pour nous défendre
On peut féliciter l’auteur du tumblr « Projet Crocodiles », qui a décidé de mettre en bande dessinée des situations racontées par des internautes, reflétant les incompréhensions plus ou moins graves entre les hommes et les femmes. Le dessinateur, semble-t-il, est un homme. Son engagement confirme que, décidément, le combat des femmes n’est pas vain. Par le biais de ce type d’initiative, il faut faire comprendre à nos pères, nos frères, nos amis, ce que les femmes vivent au jour le jour. Leur raconter ces détails qui n’en sont pas. Pas pour faire appel à leur compassion ou leur pitié, mais pour que ces hommes qu’on croise tous les jours dans la rue changent de comportement.
Les 343 machos
Car le problème c’est bien que les hommes ont du mal à envisager les raisons et les enjeux du féminisme. En 1971, les 343 salopes signaient leur manifeste, avouant avoir avorté bien que la loi l’interdise. Elles ont pris des risques, elles ont fait preuve de courage, pour contribuer à l’acquisition du droit à l’avortement, probablement l’un des plus beaux combats gagnés par les femmes. Voilà qu’aujourd’hui, Begbeider et compagnie lancent le « Manifeste des 343 salauds ». Leur idée ? Avouer qu’ils « vont aux putes » pour que les clients de la prostitution ne soient pas pénalisés comme le désire le gouvernement. Enfin, plutôt que « certains » d’entre eux « vont aux putes », que d’autres ont arrêté, qu’ils soutiennent leurs amis clients. Courageux mais pas trop. « Non mais moi, j’y vais pas, c’est les autres. » Un peu facile, non ? Sans compter que Nicolas Bedos, un des premiers signataires surtout des plus médiatiques, a rapidement fait marche arrière. Le plus triste dans cette démarche : ils osent se comparer aux 343 salopes de 1971. Leur initiative semble quelque peu ridicule comparée à l’un des combats les plus difficiles que les femmes aient eu à mener.
Sans compter leurs contradictions. Nommer une pétition vouée au respect des prostituées « Touche pas à ma pute ! », c’est un peu paradoxal. De l’hypocrisie et de la condescendance. Si les 343 machos s’imaginent que les prostituées ont besoin d’eux, ils se trompent. Au bout du compte, c’est bien eux qui ont besoin d’elles.
Romane Idres