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Prostitution en Allemagne: l’État premier maquereau ?
En France, le débat sur la proposition de loi « de lutte contre le système prostitutionnel » visant à pénaliser le client des prostituées anime actuellement les institutions législatives. Outre-Rhin notre voisin a franchi le Rubicon en 2002. Depuis, l’Allemagne est devenue le pays qui compte le plus de maisons closes et de prostituées en Europe. Zoom sur un pays dont l’abolition de la prostitution rapporte gros à l’Etat et n’a, dix ans après, toujours pas convaincu.
Depuis la loi de légalisation de la prostitution adoptée en 2002 en Allemagne, les prostituées sont devenues des travailleuses (presque) comme les autres, dont le statut est « indépendant ». Le sexe est exercé en freelance et ouvre des droits à l’assurance chômage et à la couverture maladie. Près de 450 000 prostituées sont comptabilisées dans tout le pays, contre 15 000 à 30 000 en France. Autre spécificité de l’Allemagne, les péripatéticiennes sont représentées par un syndicat. En France, seul le STRASS, syndicat du travail du sexe créé en 2009, représente les travailleurs du sexe. Il inclut des prostituées, des acteurs et actrices porno, des masseurs et masseuses érotiques, des dominatrices professionnelles, des opérateurs et opératrices de téléphone/webcam rose, des strip-teaseurs et strip-teaseuses ou encore des accompagnants sexuels. Étant donné l’état actuel du droit français en matière de prostitution, il semble difficile pour le STRASS de défendre efficacement les prostituées.

Outre-Rhin, les prostituées possèdent un statut « indépendant » de travailleuses légales. (Crédit photo D.R.)
L’État allemand s’en met plein les poches
La légalisation du plus vieux métier du monde est une révolution politique et culturelle mais c’est aussi une bonne affaire pour les finances publiques de l’Allemagne. La prostitution est devenue une manne financière considérable pour un État allemand qui a longtemps fermé les yeux sur les dérives du secteur. En Allemagne, selon le syndicat des services Ver.di, les prostituées génèrent chaque année un chiffre d’affaire d’environ 14 milliards d’euros. A la fin de chaque mois, le gérant d’une maison close doit remettre aux institutions fiscales le registre qui fait office de minutieux compte-rendu des activités des professionnelles du sexe. De plus, les patrons doivent s’acquitter de l’impôt sur les sociétés et de nombreuses charges sociales. Ce sont les collectivités territoriales ainsi que l’Etat qui empochent une grande partie de ces prélèvements fiscaux.
Une abolition encore contestée
Au moment où paraît en France un manifeste dit des « 343 salauds », prônant la légalisation de la prostitution, la journaliste et auteure allemande Alice Schwarzer mobilise 90 personnalités dans le but inverse. Âgée de 70 ans, celle qui fut jadis proche de Simone de Beauvoir entame ainsi sa croisade contre la légalisation de la prostitution dans son pays. Avec pour argument principal que le profit de la prostitution, qu’elle associe au trafic des femmes, ne bénéficie pas à ces dernières. Exigeant du gouvernement, dans les colonnes du magazine Emma, qu’il « mette un terme le plus rapidement possible à la libéralisation du commerce des femmes et de la prostitution », la militante féministe demande également des moyens pour que ces femmes mais également la minorité d’ hommes prostitués puissent sortir de la prostitution. Utopique ? Probablement, car on voit mal l’État allemand faire machine arrière plus de dix ans après cette légalisation encore et toujours controversée.
Simon Hue
Je suis assez d’accord dans l’ensemble