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La liberté de la presse en péril #1
La Suède. Le premier pays à avoir instauré la liberté de la presse dans sa Constitution en 1766. Vient ensuite la France en 1789 : »la libre-communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». Une invention de l’Europe qui s’étend vite aux États-Unis dès 1791. Oui, la liberté de la presse est un des principes fondamentaux des sociétés démocratiques. Elle repose sur la libre confrontation des idées. Pourtant, aujourd’hui, elle ne s’exerce que dans un nombre limité de pays. Des enjeux politiques et économiques font obstacle à l’institution du contre-pouvoir que représentent les médias. Zoom sur trois pays où le combat est loin d’être gagné.
La Corée du Nord toujours recluse ?
« La Corée du Nord fait partie des pays les plus avancés au regard de la liberté de la presse ». Voilà une phrase que nous ne sommes pas prêts d’entendre ! Et pour cause : le pays se situe en avant-dernière position dans le classement 2013 de Reporters Sans Frontières.
La Corée du Nord est officiellement la République populaire démocratique de Corée. Mais on se doute bien que le pays n’a rien de démocratique. Un parti unique, une société noyautée par le pouvoir politique, un culte de la personnalité autour de Kim Jong-Un, les droits de l’homme à peine développés, une armée omniprésente. Et pour couronner le tout, le gouvernement qui réfute la moindre accusation. Cela ne vous rappelle rien ? La Corée du Nord est bel et bien un régime communiste, autoritaire voire totalitaire. On voit effectivement mal comment la liberté de la presse pourrait se développer dans ce contexte-là. Rien que pour avoir écouté une radio étrangère ou avoir téléphoné à l’étranger sans autorisation, des dizaines de milliers de Nord-Coréens sont emprisonnés ou mis dans des goulags modernes pour effectuer du travail forcé. 200 000 personnes seraient détenues dans ces camps de concentration, selon Amnesty International. Sans oublier les exécutions, si le dirigeant est un peu vexé.
La chasse aux sorcières
Les forces de sécurité sont là pour maintenir un isolement. La chasse aux journalistes est lancée. On sait que les autorités accordent des visas de presse lors d’événements sportifs ou culturels. Mais une fois sur place, les journalistes sont surveillés et ont l’interdiction de communiquer avec la population. La majorité des régions est totalement fermée à la presse étrangère. Par exemple, en 2009, les autorités ont arrêté deux journalistes américaines de la chaîne Current TV alors qu’elles menaient une enquête sur la situation des femmes nord-coréennes à la frontière avec la Chine. Elles ont été condamnées à douze ans de »rééducation par le travail ». Le pouvoir contrôle directement la presse, notamment la télévision nationale JoongAng Bang Song. Tous les journalistes sont endoctrinés et doivent louer la grandeur des dirigeants ainsi que montrer la supériorité du socialisme nord-coréen. Aucune erreur n’est tolérée : plusieurs journalistes ont été envoyés dans des »camps de révolutionnisation » pour une malheureuse faute d’orthographe.
Des ballons porteurs de bonnes nouvelles ?
Pourtant, le 15 janvier 2014, un espoir voit le jour. Des militants sud-coréens ont réussi à lancer 500 000 tracts par-dessus la frontière nord-coréenne, ainsi que des clés USB remplies d’informations sur les violations des droits de l’Homme en Corée du Nord, accrochés à des ballons.

Accrochés à des ballons, des tracts et autres clés USB se posent en Corée du Nord (Crédit photo : AFP)
Cette opération montre qu’il y a, en Corée du Nord, »une immense soif d’information extérieure » selon Thor Halvorssen, président de l’ONG américaine Human Rights Foundation (lien vers le site?). Malgré une frontière ultra-sécurisée, les militants ont également envoyé, depuis la ville de Paju, des DVD et des billets d’un dollar US. L’objectif est de »faire connaître aux Nord-Coréens la brutalité de Kim Jong-Un » et les pousser à »se révolter » pour »en finir avec la dictature », explique le chef des militants, Park Sang-Hak. Quand on sait que 95 % de la population n’a pas accès à un portable ou à Intranet (réseau intérieur qui existe depuis 2002), on comprend l’ampleur du problème. Les frontières deviennent tout de même relativement moins hermétiques puisque des portables chinois sont souvent introduits en contrebande et permettent à une partie de la population de téléphoner à l’international. A leurs risques et périls …
Camille Degano