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«Le système de Ponzi», quand l’argent était incolore
Le film est tiré d’un fait réel. L’intrigue a fait rêver des milliers de personnes avides d’argent facile. L’affaire fit écho jusque dans les couloirs de la Maison Blanche. Le coupable –ou l’avant-gardiste brillant, c’est selon-, est devenu une légende de l’escroquerie.Le dernier film de Dante Desarthe relate l’ascension fulgurante du plus grand usurpateur de l’Amérique des années 20 : Charles Ponzi.
Madoff. Qui n’a jamais entendu parler de cet arnaqueur, garantissant aux investisseurs 50% d’intérêts en un mois et demi ? Sa technique se base sur les usurpations d’un malfrat célèbre de Boston. D’origine italienne, Charles Ponzi -interprété par Scali Delpeyrat- immigre aux Etats-Unis au début du siècle dernier. De Montréal à l’Alabama, de coursier à garçon de café, le jeune homme avide de reconnaissance mais surtout de dollars enchaine les petits boulots. Après quinze ans de galères, il découvre Boston et les opportunités d’investissement de cette ville mondaine.

Céline Milliat-Baumgartner et Scali Delpeyrat partage l’affiche dans l’adaptation cinématographique du « Système de Ponzi ». (D.R)
La technique de la « cavalerie »
Arrivé sans le sous, il monte une affaire dans le trafic de timbres postaux internationaux, usant d’une méthode aussi fructueuse que risquée. Les beaux discours alimentent la crédulité des hommes, et inversement. Il offre à tous les nouveaux exilés de doubler leur épargne en 45 jours puisque les intérêts et remboursements sont assurés par les apports de nouveaux souscripteurs. Son système : la spéculation de coupons internationaux diffusés par l’Union postale internationale, de valeur d’achat variable suivant les pays et échangeables aux Etats-Unis à un taux supérieur. Sa réussite ne dure pas. Un an seulement après la mise en place de sa « chaine », le système capote. Condamné à la prison, il retournera servir son pays, auprès de Mussolini notamment.
Ni tout blanc, ni tout noir
Un film en noir et blanc en 2013, il faut oser. Avec « Le Système de Ponzi », Dante Desarthe s’initie à ce genre si particulier. Une heure et demie de qualité, même si certaines séquences sont décevantes. En multipliant les clins d’œil à Charlie Chaplin, la performance de l’acteur principal Scali Delpeyrat laisse à désirer. Une interprétation dans la retenue, des dialogues parfois hésitants et quelques incohérences concernant la tram : le scénario alléchant est rapidement remplacé par l’œuvre esthétique décevante. Volonté de la part du réalisateur ou soucis de montage, la longueur de plusieurs plans casse le dynamisme du pitch.
Tout n’est pas à jeter, à commencer par le jeu d’acteur des personnages secondaires –notamment Cassulo, ivrogne sans scrupule qui a partagé la cellule de prison avec Charles Ponzi. Devenue une affaire publique, « Le Système de Ponzi » se suffit à lui-même pour comprendre aisément le fonctionnement complexe d’une arnaque financière –presque- parfaite. A souligner également le réalisme des décors, fidèles aux milieux embourgeoisés du Nouveau Continent des années 20. Les affabulateurs sont perçus dans ce film comme des hommes opportunistes, sans perdre pour autant un trait mystérieux et attachant.
Cinéma conscient et engagé
Le long-métrage fait évidemment référence à la crise des « subprimes » de ces dernières années. Plus qu’une simple critique du système capitaliste gangréné par la spéculation financière des marchés internationaux, il dresse le récit d’un modèle d’escroquerie qui connaîtra ses heures de gloire jusqu’à la fin du XXème siècle. Choisir comme protagoniste Charles Ponzi, c’est donc parler des dérives d’aujourd’hui en se servant de l’Histoire. Le message véhiculé devient une évidence à la fin du film : et si le monde actuel se résumait simplement au système de Ponzi ?
Vincent Bourquin