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Pourquoi le référendum sur l’indépendance de la Catalogne n’aura pas lieu
Le Parlement catalan a voté le 16 janvier en faveur de l’envoi d’une requête au Parlement espagnol pour organiser une consultation sur l’avenir de la région. Une très large majorité des Catalans soutient l’initiative. Immédiatement, le gouvernement espagnol a répondu qu’elle « n’aura pas lieu ». La plupart des Espagnols appuient leur gouvernement sur ce point.

Artur Mas et les représentants des autres partis politiques favorables au »droit à décider » rendent publiques la question du référendum et sa date. (crédit photo : D.R.)
« Voulez-vous que la Catalogne soit un État ? Si oui, voulez-vous que cet État soit indépendant ? ». C’est la question que le gouvernement de la Catalogne devrait poser à tous les citoyens catalans le 9 novembre 2014. C’est le président de la Generalitat (gouvernement de la région), Artur Mas (CiU, parti conservateur) qui l’a formulée, en accord avec les autres formations favorables à la consultation.
« La loi va s’appliquer, et tant que je serai président du gouvernement, aucun territoire n’accédera à l’indépendance et aucune consultation ne sera autorisée », c’est la réponse de Mariano Rajoy (PP, conservateur), premier ministre espagnol, dans une interview accordée à la chaîne Antena 3, une de ses rares apparitions télévisées depuis le début de son mandat en novembre 2011. Contrairement au référendum qui va se dérouler en Écosse, et que le gouvernement du Royaume-Uni autorise, même s’il est opposé à l’indépendance, en Espagne il n’est pas question de reconnaître le « droit à décider » des peuples que réclament les nationalistes.
Madrid-Barcelone, une relation rompue depuis septembre 2012
Les revendications nationalistes existent depuis plus d’un siècle, et la Catalogne a déjà été un État, quoique rattaché à l’Espagne, en 1934. Mais, tout au long de son histoire, c’est sans doute aujourd’hui qu’elle se situe le plus près de son indépendance. Les sondages montrent que plus de 70% des Catalans sont pour un référendum et qu’un peu plus de la moitié voterait pour l’indépendance.
Pourtant cette préoccupation pour l’indépendance est récente. Le tournant s’est produit lorsque CiU, le parti catalaniste et conservateur, vainqueur des élections de 2010, est devenu ouvertement indépendantiste et a appelé à manifester le 11 septembre 2012, fête nationale de la Catalogne, sous le slogan « La Catalogne, un nouvel État d’Europe ». Il s’agissait d’un bras de fer avec le gouvernement de Rajoy pour obtenir une nouvelle fiscalité pour la région. Les négociations ont échoué. Artur Mas a alors convoqué de nouvelles élections en Catalogne où les partis pro-indépendance ont largement pris le dessus. Mais pour pouvoir former un gouvernement, il a dû s’allier à la gauche nationaliste. Un des points clés du pacte était justement que le référendum soit convoqué pour 2014 au plus tard.
La droite espagnole, mobilisée contre le référendum
« C’est à l’ensemble des Espagnols de décider du futur de la Catalogne, car la Catalogne est une partie de l’Espagne ». Ce sont les propos habituels des membres du Parti Populaire (Rajoy) quand on leur demande si ce n’est pas une atteinte à la démocratie que d’empêcher un référendum sur l’indépendance. L’unité de l’Espagne, imposée par le franquisme, et scellée par la Constitution espagnole de 1978, reste un sujet compliqué sur le plan politique national.
En 2005, le Pays Basque a vécu une expérience similaire. Le parlement basque avait approuvé, avec une large majorité, un plan pour donner un statut de quasi indépendance à cette région. Il a été rejeté par le parlement espagnol (313 voix contre 31) et le président basque, instigateur du plan, a été menacé de prison s’il poursuivait son objectif de convoquer un référendum. L’argument utilisé était l’anticonstitutionnalité de sa consultation.
C’est au nom de la Constitution que plusieurs militaires ont évoqué la possibilité d’une intervention militaire en Catalogne si le processus indépendantiste se poursuivait. Ils ont été rapidement sanctionnés. Le roi, qui est le chef des armées, a rappelé le 6 janvier, lors de son retour sur la scène politique après des mois de convalescence, que la Constitution assigne à l’armée la fonction de veiller à l’intégrité du territoire. L’Église catholique également, très influente en Espagne, s’est montrée défavorable à une division du pays. La Commission européenne, sur demande du gouvernement de Rajoy, a plusieurs fois précisé qu’une Catalogne indépendante serait immédiatement exclue de l’Union, avec toutes les conséquences économiques que cela entraînerait.
Artur Mas a d’ailleurs reconnu récemment qu’il ne pensait pas que son référendum puisse avoir lieu car le Parlement espagnol ne va pas l’autoriser et la possibilité d’un référendum illégal reste très dangereuse. Dans ce cas-là, le gouvernement espagnol pourrait suspendre l’autonomie catalane, ce qui serait une première dans l’histoire de l’Espagne. C’est pour éviter cette situation qu’Artur Mas a annoncé qu’il convoquerait de nouvelles élections régionales (les troisièmes en quatre ans) si la consultation était interdite.
César Prieto Pérochon