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Champ libre au gaz de schiste
La commission européenne a donné le feu vert pour l’exploitation libre du gaz de schiste en Europe, lors de la présentation du « paquet énergie climat » le 22 janvier. La condition qui autorise les activités d’extraction est le respect des règles sanitaires et environnementales.
Cette décision oppose les écologistes qui réclament l’affermissement de ces « recommandations non contraignantes», et ceux qui utilisent le gaz de schiste pour des raisons économiques. Le Parlement européen préconisait la mise en place de mesures législatives sur les activités d’extraction du gaz de schiste. La commission européenne est allée à l’encontre de cette volonté. Désormais, chaque gouvernement européen est libre de ses choix.
Une calamité écologique
Le gaz de schiste fait partie des gaz non conventionnel. Contrairement au gaz naturel, le gaz de schiste est bloqué dans une roche argileuse. L’extraction est difficile, voire impossible. La fracturation hydraulique est la seule méthode valable. Le problème est que cette technique requiert une immense quantité d’eau : environ 13 000 m3 par puits. En moyenne, dans un puits long d’un kilomètre, il faut 30 opérations de fracturation dont chacune consomme 300 m3 d’eau.
Le manque de transparence sur l’utilisation des produits chimiques est une entrave à la protection de l’environnement. Le risque de pollution des nappes phréatiques et des rivières met en péril l’accès à l’eau potable et à la sécurité alimentaire. Janez Potocnik, le commissaire européen chargé de l’écologie voulait limiter ces dégâts. Il incitait à « tenir compte des aspects environnementaux et sanitaires ». Les eurodéputés et la France, qui interdit la fracturation hydraulique sur son territoire, le soutenait.
Aux Etats-Unis les extractions du gaz de schiste sont massives. Elles ont déjà détérioré le paysage. En juin 2013 des chercheurs américains démontrent la présence de méthane dans les nappes phréatiques proches des forages, en Pennsylvanie. Résultat l’eau n’est plus potable.
Josh Fox réalise en 2010 un film documentaire « Gasland ». Il montre l’impact environnemental de la fracturation hydraulique en Pennsylvanie. Le réalisateur américain y rencontre plusieurs familles. Les robinets sont en feu, l’eau est polluée, les animaux perdent leurs poils, la nature est défigurée.
Un avantage économique pour les pro gaz de schiste
La commission de Bruxelles veut amplifier les ressources en gaz, qu’il soit conventionnel ou non conventionnel. D’après l’IHS-CERA, un centre d’étude américain des entreprises mondiales de l’énergie, l’Union européenne aurait perdu un quart de sa production de gaz naturel entre 1999 et 2009. l’IHS-CERA assure que les réserves de gaz de schiste dans l’UE seraient bien supérieures à celles de gaz naturel. De l’avis de la commission, le gaz de schiste permettrait à l’UE de répondre à 10% de sa demande de gaz d’ici 2035.
La Pologne, la Roumanie, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, se sont opposés à la France et à l’Allemagne, qui militaient pour le durcissement du règlement. Le premier ministre Britannique David Cameron, a adressé des recommandations à la commission. Il semblerait que le poids économique de la Grande-Bretagne ait incité la commission européenne à ne pas légiférer sur l’exploitation du gaz de schiste. Le texte de la commission l’affirme : « Notre stratégie à court terme est de s’assurer que le paquet climat contienne des lignes robustes, inspirées par le Royaume-Uni, mais pas de proposition législative. » Pour le pays anglophone ce gaz non conventionnel est aussi prometteur que le pétrole.
Le gaz de schiste réduit la dépendance énergétique des pays. Depuis l’annonce de Bruxelles, la Pologne envisage d’exploiter le gaz de schiste dès 2014. Le pays aurait plus de 4000 milliards de mètres cubes de réserve de gaz. Ces ressources permettraient au pays de s’affranchir des importations Russes, notamment du charbon. Un autre atout économique, la baisse du prix de l’énergie. Les Etats-Unis sont le premier producteur mondial de gaz de schiste. Cette énorme exploitation a entraîné la chute des prix du gaz outre-Atlantique. Le coût est cinq fois moins élevé qu’en Europe.
Les dirigeants européens vont se réunir en mars prochain afin de définir une nouvelle orientation de la politique environnementale. En France, Arnaud Montebourg, le ministre du redressement économique, propose d’explorer une technique « propre » d’extraction du gaz de schiste. Cette annonce divise le gouvernement et relance le débat. Qu’elle que soit la technique d’exploitation, on ne connait pas les incidences écologiques à long terme et la capacité de l’homme à les surmonter. La prudence est de mise.
Gyotis Delsart
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Ce sujet est ‘à la mode » et fait froid dans le dos. Sous entendu, il y a une lutte implacable entre les capitaux des pétroliers (au sens large) et les politiques prudentielles que certains états voudraient mettre en place.
On peut s’étonner que, alors que l’on parle d’énergies renouvelables (qui peinent à voir le jour), certains, y compris des politiques, soient prêts à investir lourdement dans cette technique. Or le gaz, quelle que soit son origine, n’a rien de renouvelable, au moins à l’échelle humaine.
Mais malheureusement, une fois que l’on a dit cela, on n’a finalement rien dit! Car seule la recherche scientifique (publique, hors de tout soupçon partisan) pourrait nous éclairer et nous forger une opinion sur des bases réelles. Or, de la recherche française en ce domaine, et même si elle existe sans doute, on n’entend guère parler. Cela me fait penser à l’approche que l’on a eu sur les OGM. Les « pour », les « contre », le principe de précaution, puis plus rien! Et dans ces 2 domaines le manque de recherches sérieuses nous fait courir des risques dans tous les cas. Car soit on va être obligés de suivre la majorité des états dans un sens ou dans l’autre, soit on va passer à côté de révolutions technologiques, au détriment de notre économie.
J’aurais tendance à beaucoup plus faire confiance aux chercheurs qu’aux politiques de tous poils dans ces domaines encore bien méconnus. En tous cas, votre bel article n’est pas fait pour me rassurer !
Je reviens sur votre excellent article pour vous dire mon inquiétude actuelle. Le coup de force russe en Crimée va relancer en France et dans toute l’Europe les pressions pour développer le gaz de schiste, le gaz russe devenant trop incertain. Je ne donne pas 2 mois avant que cela ne devienne un sujet brûlant d’actualité. Et s’y opposer ne sera pas simple.