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Les Victoires de la controverse
La 29ème édition des Victoires de la Musique s’est déroulée ce vendredi 14 février, au Zénith de Paris. Retour sur cette soirée tout en musique francophone, qui fait débat à chaque édition.
Ça commence mal, pour les Victoires 2014, des problèmes de son gênent ostensiblement les téléspectateurs, qui font savoir leur mécontentement. Cette année, France 2 avait exprimé la volonté de proposer « un vrai show » aux téléspectateurs. Résolution 2014 : plus de spectacle, moins de parlotes et de remerciements interminables. Sur Twitter, l’évènement des Victoires sera suivi du début à la fin. Mais avec des tweets exaspérés pointant sévèrement ces problèmes sonores, considérés comme un comble pour une émission consacrée à la musique. Il semble tout à fait légitime d’exiger une certaine qualité sonore de la part d’une chaîne de télévision publique. Mais il faut toutefois noter l’absence totale de playback durant l’émission, une caractéristique qui ne peut qu’être saluée à l’heure où presque n’importe qui devient chanteur. Chaque année, les Victoires sont critiquées. 2014 n’aura pas contredit cette tradition.
Ce sont des stagiaires au son ???! #victoires2014
— sml dvs (@s_dafi) 14 Février 2014
#Victoires2014 et bien commentons : une émission a l’effet somnifère avec un son désastreux sur les presta musicales !
— Cindy67 (@Skywii67) 14 Février 2014
Evidemment, c’est Stromae qui ouvre la soirée avec son titre Ta fête ; une énergie débordante, un véritable arrangement scénique du titre pourtant électronique, une performance… Difficile de faire le poids pour les artistes qui se produisent après (Christophe Maé et Hollysiz), et qui apparaissent alors d’une terrible banalité de genre.

Stromae et Vanessa Paradis ont été sacrés artistes masculin et féminin de l’année. (Crédits : AFP/BERTRAND GUAY)
Sur France Inter, l’évènement est suivi et commenté en direct par Collin et Mauduit, duo désormais célèbre (notamment avec l’ancienne émission culturelle « Dowtown »). A noter que la radio publique est partenaire des Victoires. Dans le studio, les commentaires sont positifs. Etrange, pour une radio qui porte au quotidien une grande attention à la musique et dans sa définition la plus pointue. Une chose est cependant remarquable : l’Orchestre des Victoires accompagne les chanteurs toute la soirée. On ne peut réfuter le grand travail d’orchestration entrepris pour chaque chanson. Une orchestration réussie, qui plus est.
Stromae rafle tout ce qu’il peut : artiste masculin de l’année, album de chansons de l’année (pour l’excellent Racine Carré) et vidéo-clip de l’année pour Formidable. Récompenses méritées pour un travail qui a révolutionné la musique. C’est certain, il y aura un avant et un après Stromae. Ses prestations ne sont jamais que musicales ; sur scène, celui que l’on appelle « génie » est aussi très bon comédien. Chaque chanson ouvre un nouvel univers, une nouvelle histoire plus vraie que la précédente. Une bête de scène, dira-t-on.
Heureusement, il n’est pas le seul. Les déjantés Shaka Ponk ont fait concurrence en matière d’énergie, lors de leur prestation scénique , ainsi qu’Ibrahim Maalouf , qui a largement rehaussé le niveau technique musical de la soirée.
Les choses qui fâchent
C’était attendu et ils l’ont fait : les intermittents du spectacle ont exprimé, comme prévu, leurs revendications. Ou plutôt, un texte a été lu par la présentatrice Virginie Guilhaume. Certes, il s’agissait d’une déclaration sincère et qui la concernait directement. Mais en deux minutes top chrono, tout était bouclé. Le court message glissé en plein milieu du « show » restera-t-il dans les esprits ? La Ministre de la Culture Aurélie Filippetti a en tout cas répondu d’un sourire quelque peu gêné…
Dans la semaine précédant les Victoires, l’organisation patronale du Medef avait annoncé son souhait de revoir les régimes d’assurance chômage des intermittents du spectacle.
Vendredi matin, jour des Victoires, le nouveau président de la cérémonie Christophe Palatre s’est exprimé au micro d’Europe 1, au cours de l’émission « Le Grand Direct des Médias » de Jean-Marc Morandini : « Les intermittents sont essentiels à la production d’une émission telle que les Victoires de la musique. S’ils souhaitent prendre la parole, bien évidemment on la leur donnera. C’est un droit, pour des gens qui sont des partenaires au quotidien. ». Un droit de courte durée.
A quoi servent les Victoires de la Musique ?
C’est une bonne question, quand on constate les nombreuses absurdités et bizarreries qui découlent de cet évènement. Tout d’abord, des catégories étrangement formées, et surtout formulées : les artistes Stromae et Maître Gims concouraient, pour la « chanson originale » de l’année, contre… Johnny Halliday, qui a d’ailleurs obtenu la Victoire pour son titre 20 ans . La constitution des catégories semble étrange (Johnny n’est sûrement pas un grand « original »), surtout quand on mesure la richesse de la scène française en dehors de la sélection. Ainsi, Albin de la Simone a concouru dans la catégorie « Révélation » de l’année, alors même qu’il vient de sortir son quatrième album. On pense aussi à Lilly Wood & The Prick , nommé dans la catégorie « Artiste interprète féminine » alors qu’il s’agit d’un groupe, mixte qui plus est. Un grand fouillis pour une sélection que l’on pourrait qualifier de commerciale.
Mais si l’on veut trouver du positif, on peut dire que la catégorie Révélation de l’année est un gros coup de projecteur (c’est le cas de le dire) sur des visages encore inconnus pour certains. Le choix est encore une fois assez étrange. Le grand public s’extasie devant les Cats on Trees , mais c’est quelque peu du déjà-vu. Finalement, c’est à La Femme que revient la Victoire de la Révélation de l’année. Là on peut le dire, c’est du nouveau.
Alors à quoi servent les Victoires de la Musique ? Peut-être à conforter dans un succès déjà existant. Si le but est vraiment de récompenser la qualité musicale, il faudrait revoir toute l’idée, tout le concept qui fait fuir les noms les plus connus et généralement les plus attendus ; on pense évidemment aux Daft Punk, les grands absents de cette année. Les Victoires, c’est une gigantesque mise en scène du succès commercial, qui aveugle par ce besoin de « show », comme s’il y avait nécessité d’enrober de papier cadeau pour cacher le creux. Les nominations et les prix étant souvent distribués sans réelle justification, les Victoires sont sources de déceptions et de frustrations. Alors, les Daft Punk auraient-ils eu raison d’avoir boycotté les Victoires 2014 ? C’est fort probable.
Suzanne Shojaei
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