Fallait-il boycotter Sotchi ?

Les polémiques qui tournent autour des Jeux Olympiques d’Hiver de Sotchi ont trouvé le chemin d’un éventuel boycott. Un phénomène qui a souvent et tristement rapproché sport et diplomatie.

Certains chefs d’état, dont François Hollande, ont boycotté la cérémonie d’ouverture. Fallait-il boycotter Sotchi ? Pas sûr. Les revendications sont nombreuses. La politique répressive contre les homosexuels en est une des raisons, la menace d’atteinte à une biodiversité exceptionnelle à Sotchi en est une autre, sans aborder les menaces évidentes en termes de sécurité. La politique de Vladimir Poutine dérange. Le chef d’État russe se sert de ces olympiades pour affirmer la place de la Russie sur l’échiquier diplomatique, n’hésitant pas à dépenser sans compter, au point de faire de ces jeux les plus chers de l’Histoire.

Seulement voilà, malgré la légitimité des revendications, il semble inconcevable d’envisager un boycott de l’événement.

La politique n’a rien à faire dans le sport

Videla remet au capitaine argentin le trophée de champion du monde en 1978. (Crédit photo : D.R.)

Videla remet au capitaine argentin le trophée de champion du monde en 1978. (Crédit photo : D.R.)

 

Les exemples d’intrusion politique dans le sport ne manquent pas. Hitler qui transforme les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin en propagande politique, ledictateur argentin Videla qui prend la coupe du Monde de football 1978 à son compte pour justifier sa dictature … Souvent, la politique s’est introduite dans le sport, s’accaparant ses répercussions internationales, le sport devenant dès lors un outil de propagande.

Mais le Baron de Coubertin n’a-t-il pas modernisé les Jeux pour transformer les pratiques guerrières en joutes sportives saines ? Atténuer les rivalités et non pas les promouvoir ?

Le boycott, la solution de facilité

Le boycott a souvent été une solution de contestation pour souligner des problèmes politiques.

En 1980, en pleine Guerre froide, beaucoup de pays décident de boycotter les Jeux Olympiques de Moscou, avec les Etats-Unis en première ligne évidemment. Quatre ans plus tard, ce sont les Jeux de Los Angeles qui sont boycottés par les soviétiques, un juste retour des choses dans un monde diplomatique séparé en deux blocs. Les JO de Séoul en Corée du Sud (1988) connaissent leur propre abstention avec la Corée du Sud qui refuse de co-organiser, avec leurs meilleurs ennemis du Nord, lesquels ont riposté par la solution de facilité : le boycott.

Mais jamais un boycott n’a permis de faire avancer le monde ou quelconque revendication. La Guerre froide n’a pas trouvé son épilogue en 1984. Le différend coréen n’a pas été résolu depuis les Jeux de Séoul. Alors à quoi bon boycotter les JO ?

Le boycott peut aussi être considéré comme un mépris assumé envers le sport et les athlètes. Comment faire fi d’athlètes qui préparent les Jeux pendant quatre ans, à coup de surcharges d’entraînements et de sacrifices personnels, d’athlètes qui ne demandent qu’à réaliser leur rêve olympique ?

Si on boycottait chaque événement sportif dans lequel le pays hôte a des intérêts politiques, il n’en existerait plus. Voir Martin Fourcade remporter l’or en poursuite de biathlon ne permet-il pas justement de ne plus parler de politique, mais d’humanité, valeur initiale du sport ?

Plusieurs solutions

 

Tommie Smith et John Carlos, sur le podium du 200m à Mexico en 1968, lèvent leur poing ganté de noir. (Crédit Photo : D.R.)

Tommie Smith et John Carlos, sur le podium du 200m à Mexico en 1968, lèvent leur poing ganté de noir. (Crédit Photo : D.R.)

 

Plutôt que de réclamer le boycott, comme ont pu le faire les Pussy Riots notamment, une autre solution serait de remonter à la source du problème.

Il faudrait que les revendicateurs protestent dès la constitution des dossiers de candidature. Leurs requêtes seraient vraisemblablement plus écoutées, et surtout la donne pourrait changer : faire pression sur un dossier comme celui de Sotchi serait même une bonne idée. Car une fois le verdict rendu par le CIO (Comité International Olympique) et l’attribution effective des Jeux à une ville organisatrice, il est tout simplement impossible de revenir en arrière.

Le boycott n’est pas la réponse politique la plus importante et la plus mémorable à l’échelle du temps ; on a tous en mémoire les JO de Mexico en 1968, où Tommie Smith et John Carlos, sur le podium du 200m, lèvent leur poing ganté de noir vers les cieux, en soutien à la culture noire-américaine engagée dans un combat pour l’égalité aux Etats-Unis. Lors de ces olympiades, ils n’ont pas boycotté. Ils ont vaincu, et ont profité du rayonnement de leur victoire sportive pour envoyer un message politique, ou plutôt humain.

Et c’est bien ce genre de revendications que l’histoire retiendra.

 

Jérémy Satis