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Ukraine: «Le parti au pouvoir est un parti néo-nazi»
Angelina est originaire de Yalta, en Crimée. Étudiante à la Faculté de droit à Nice, elle souhaite donner son avis sur la situation et sur les changements auxquels est confronté son pays.
– Tout d’abord, quel est ton sentiment sur cette révolution ukrainienne et sur les derniers événements qui ont eu lieu en Crimée?
Je pense que l’on nous cache beaucoup de choses sur la façon dont les événements se sont réellement déroulés. Il y a une désinformation et on ne nous révèle pas la véritable identité de ceux qui sont maintenant à la tête de l’Ukraine. Il y a un exemple précis : Urmas Paet, le Ministre des affaires étrangères estonien et le chef des affaires étrangères pour l’Union Européenne Catherine Ashton, lors d’une conversation téléphonique, ont révélé que les snipers de Maidan étaient en fait embauchés par la coalition d’opposition.
Ainsi, ils ont pu faire croire que les gens qui manifestaient pacifiquement étaient tués par les snipers du gouvernement Ianoukovitch et c’est scandaleux. Ils ont des méthodes complètement illégitimes.
C’est tout de même reconnu par des personnes qui sont dans la politique européenne ! Ce n’est donc pas de la propagande russe. Le parti au pouvoir, par ses actions, prouve qu’il est un parti nazi.

Scène d’affrontement à Kiev, où un manifestant brandit une arme à feu, le 22 janvier 2014. (crédit photo : Vasily Maximov)
– Y a-t-il d’autres illustrations de cette illégitimité ?
Oui. La première loi qu’ils ont votée en arrivant au pouvoir est une loi anti-russe. Maintenant, ils veulent prohiber la langue russe alors que c’est la langue de tout le territoire de Crimée. Ils veulent interdire la langue natale de tous ces gens alors qu’ils n’ont aucun droit, c’est irrespectueux, ce territoire ne leur appartient pas !
– Si la Crimée est une République autonome, elle fait tout de même partie de l’Ukraine…
Oui car les passeports et le territoire ont été cédés en geste d’amitié par les russes aux Ukrainiens en 1954. Mais tout en espérant que la langue, par exemple, soit respectée. En plus, à ce moment, rien n’a été fait de manière formelle. Il n’y a même pas eu de référendum et les gens n’étaient pas d’accord pour changer de nationalité. On a imposé à ma mère de changer son passeport russe en passeport ukrainien sous la menace d’amende. Cela a donc vraiment été imposé. D’abord, la langue ukrainienne était facultative, puis elle est devenue obligatoire mais on pouvait continuer d’étudier en russe. L’année qui a suivi mon départ d’Ukraine (à 14 ans), les livres d’histoire ont été supprimés et Hitler a été érigé comme héros national, puis tous les faits historiques ont été détournés. Cependant, certaines écoles, en Crimée notamment, ont réussi à garder une certaine indépendance par rapport à cela.
– Tu as de la famille en Crimée, comment ont-ils vu l’arrivée massive de militaires ?
Toute ma famille habite Simferopol et là-bas, les gens accueillent ces militaires comme des sauveurs. Regarde, ils sont avec des enfants, ils sourient (ndlr : en montrant des photos). On dit que l’armée russe a envahi les villes de Crimée, mais je suppose que ce sont les 15 000 marins qui sont implantés dans le port de Sebastopol et qui essaient de protéger le territoire.
– En revanche, les pro-ukrainiens (favorables au nouveau gouvernement), sur ce même territoire, réagissent différemment ?
S’ils sont en faveur du nouveau gouvernement, c’est parce que celui-ci a coupé les chaînes de télé russes. Toute information allant à l’encontre de la propagande du nouveau pouvoir a été coupée.
Et l’Europe est juste un prétexte. Car derrière cela, il y a les néo-nazis ukrainiens qui battent les journalistes russes possédant des passeports ukrainiens et qui essaient de véhiculer une autre information. L’Ukraine est présentée d’une toute autre manière qu’elle ne l’est réellement. C’est donc très facile de détourner l’information. Par conséquent, les gens sont dans le doute. Pour moi, les pro-ukrainiens ne comprennent pas ce qui se passe.
– Penses-tu, ou as-tu déjà pensé qu’une guerre puisse éclater entre l’Ukraine et la Russie ?
Non, jamais car ce sont des peuples frères. Je pense que jamais ces deux pays ne pourront se faire la guerre.
– La présence de tous ces militaires doit tout de même rassurer la Russie et donc Poutine, dans la mesure où il a tout intérêt à protéger, à garder cette partie du territoire pour pouvoir commercer.
C’est plutôt pour l’Ukraine que c’est important au niveau commercial.
– Ce sont tout de même des navires russes qui garnissent le port de Sebastopol.
Bien sûr, mais ils sont là depuis deux siècles. Poutine n’a pas agi, c’est le peuple de Crimée qui a manifesté (contre le nouveau gouvernement) et le parlement de Crimée a demandé l’aide officielle du chef du Kremlin. Les gens ont eu peur des bandes de néo-nazis qui se dirigeaient vers la Crimée, pour prendre le pouvoir comme ils l’ont fait à Kiev. Et on n’a rien montré de tout ça! Pourtant, je sais ce qui se passe puisque ma famille en Crimée m’en a parlé et mon copain qui habite en Russie également. Les militaires sont là pour protéger les points stratégiques et la population.
Ce qui n’ a pas été montré également, c’est le fait que les manifestants soit disant « pacifiques » de Maidan battaient les policiers avec des chaînes métalliques. Et avant les deux jours de tuerie, les policiers n’avaient même pas d’armes. Et même si les policiers ont également été très violents, il ne faut pas montrer un seul coté des choses. Dans la globalité, ces manifestants n’étaient pas pacifiques dès le début puisque l’opposition fournissait des fusils aux manifestants.
– D’après ta famille, y a-t-il beaucoup de violence ? La situation est-elle aussi tendue qu’on peut le voir ou l’entendre ? On parle d’une prolifération des milices, aussi bien pro-russes que pro-ukrainiennes.
S’il y a des manifestations violentes à Donetsk, il n’y a pas du tout de tension en Crimée, grâce à ces marins qui sont sortis des ports.
– Leur quotidien a-t-il changé ?
Non, ils continuent d’aller travailler normalement. À l’inverse, c’est lorsque les manifestations pro-ukrainiennes ont eu lieu, avant l’arrivée des militaires, qu’ils ont eu peur du lendemain.
– Que penses-tu du référendum qui sera organisé le 16 mars prochain ?
La Crimée doit-elle être entièrement rattachée à la Russie ou bénéficier d’une autonomie renforcée ?
Peu importe.
– Si la Crimée est rattachée à la Russie, cela induit la nécessité de redessiner les frontières. Ce qui est différent de l’autonomie. N’est-ce pas là une violation du droit international ?
L’important pour moi, c’est que les gens puissent décider de leur sort de manière démocratique avec ce référendum. Et pas comme cela s’est produit à Kiev. Poutine a dit qu’il ne voulait pas redessiner les frontières car le droit international l’interdit. Mais les gens en Crimée espèrent de quelque manière que ce soit, pouvoir être reliés à la Russie. De toute manière, elle est contre le pouvoir néo-nazi du nouveau gouvernement ukrainien. D’ailleurs, il faut savoir que les Russes, les juifs, étaient toujours mal vus par les Ukrainiens de l’Ouest. On en apprend beaucoup dans les histoires de familles. Par exemple, quand les soldats de l’armée russe, après la Seconde Guerre mondiale revenaient en Russie en traversant l’Ukraine de l’Ouest en train, les Ukrainiens de l’Ouest battaient et volaient ces soldats. C’est donc toujours le même esprit.
– Moscou a décidé de faciliter les procédures d’obtention du passeport russe pour les Criméens. Que pensent-ils de cette mesure ?
Globalement, je pense que les gens s’en moquent un peu. L’important pour eux étant la paix dans leur pays, dans leurs villes. Les gens ne veulent pas redevenir russes à tout prix. Ils cherchent juste la sécurité auprès de la Russie à cause du danger qui vient de l’Ouest. Et c’est normal !
– Parlons de la Russie et des risques de sanctions économiques qui planent sur Moscou.
Si des sanctions étaient appliquées, ne serait-ce pas une sérieuse menace pour l’économie du pays? Il y a notamment une crise de confiance de la part des investisseurs sur les marchés russes.
Non. Car je pense que l’économie russe progresse tous les ans. Il y a une vraie classe moyenne en Russie. Avant d’aller pour la première fois dans ce pays, je pensais qu’il y avait les oligarques d’un coté et les pauvres gens qui n’ont rien à manger de l’autre. Or ce n’est pas du tout comme cela. Je pense que Poutine est un président extraordinaire car il arrive à apporter le progrès et il a une telle influence sur la scène internationale…! D’ailleurs, si les pays occidentaux sont tous contre lui, je pense que c’est une forme de vengeance par rapport aux négociations sur le dossier syrien, dans lequel il était ressorti grand gagnant. On peut tout imaginer, vu le nombre de conflits qui ont existé entre la Russie et les États-Unis notamment.
– Dernière question. Être pro-russe, c’est être contre l’Europe ?
Non, il n’y a pas de paradoxe. Je ne suis pas contre l’Europe, je fais ma vie ici. En fait, l’Europe soutient l’Ukraine car elle a exprimé l’envie d’aller vers elle. Mais je pense que l’Europe ne se rend même pas compte de qui elle soutient. Je suis pour la politique européenne mais pour moi, l’Ukraine n’est pas prête à s’adapter à cette politique. C’est pour cela que pour le moment, elle doit encore avancer avec la Russie, petit à petit.
Propos recueillis par Erwan Schiex
Un entretien très bien mené. Quant aux réponses, c’est « un son de cloche ». Ça demanderait à être confirmé car cela fait très et même trop propagande.