Difficile de prendre parti dans la crise vénézuélienne

Depuis un mois, les manifestations et contre-manifestations se succèdent dans tout le pays, avec un bilan néfaste de 20 morts.

Un an après la mort d’Hugo Chávez, la popularité du régime est pour la première fois contestée et la menace d’une intervention étrangère plane. Tout a commencé le 4 février, lorsque des étudiants de l’université de Táchira, dans l’Ouest du pays, ont manifesté contre une agression sexuelle sur une de leurs collègues, provoquée sûrement par l’insécurité générale de la vie quotidienne. D’autres étudiants se sont mobilisés dans l’ensemble du territoire contre l’insécurité, l’inflation galopante et les pénuries. Une partie de la droite, sans la direction de la MUD (Table d’unité Démocratique, la coalition de tous les partis d’opposition) et son leader le plus populaire, Henrique Capriles, au moins dans un premier temps, a alors saisi l’occasion pour lancer des protestations sous le slogan « La Salida » (la sortie). Le gouvernement, en réaction, ordonne la détention de certains leaders et la tension monte. Le 12 février, on compte 3 morts et certains opposants accusent le gouvernement d’utiliser des milices chavistes pour collaborer avec la police dans la répression. Aujourd’hui, avec l’ensemble de l’opposition qui participe aux manifestations, le pays retrouve la division des élections présidentielles d’avril 2013 lorsque Nicolás Maduro, le successeur de Chávez, avait remporté la présidence avec à peine 1,5 point d’avance sur Henrique Capriles.

« Le 5 mars dernier, le Venezuela commémorait la mort d’Hugo Chávez, un an après. » Crédit photo : humanite.fr

« Le 5 mars dernier, le Venezuela commémorait la mort d’Hugo Chávez, un an après. » Crédit photo : humanite.fr

« On sait comment ça commence mais pas comment ça se termine »

« Capriles était très réticent face à la mobilisation, parce qu’on sait comment cela commence mais pas comment cela se termine. Mais c’est la seule voie, cela s’est propagé à tout le pays et il l’a compris », a commenté à l’AFP Mercedes Pulido de Briceño, analyste politique à l’Université catholique, sur l’engagement récent du gouverneur de l’État de Miranda dans les mobilisations.

Alors que le président Maduro traite les opposants de « fascistes » et « putschistes », il est important de ne pas prendre à la légère à ces accusations car le chavisme, régime qui remporte démocratiquement le pouvoir depuis 1999, a bel et bien subi une tentative de coup d’Etat en 2002. Dans un contexte de grève générale et de manifestations dans les rues de Caracas, le 11 avril 2002, un affrontement à coups de feu éclate entre chavistes et anti-chavistes. Cela provoque la démission de Chávez, annoncée par l’État-major de l’armée. Le dirigeant de la principale organisation patronale est alors placé au pouvoir. Le coup d’Etat échoue à cause de l’opposition populaire et de certaines pressions internationales. Le 14 avril, Chávez récupère le pouvoir. On comprend donc la méfiance de la droite démocratique envers ces mouvements spontanés.

Le charisme de Maduro n’égale pas celui de Chávez

Dans ce pays disposant des plus importantes réserves pétrolières au monde, où l’on peut remplir son réservoir d’essence pour quelques centimes d’euros, l’inflation est de 56% et il est difficile de trouver des produits de base comme du papier-toilette, de la farine, du lait, ou des pièces détachées automobile. Le Venezuela est un des pays les plus violents au monde avec 65 meurtres par jour selon l’ONG locale Observatoire de la violence.

« La répression a fait au moins 20 morts et des centaines de blessés » Crédit photo : lesechos.fr

« La répression a fait au moins 20 morts et des centaines de blessés » Crédit photo : lesechos.fr

Maduro, dans une interview qu’il a concédée à la CNN après que des correspondants de cette chaîne aient dénoncé des poursuites du gouvernement envers eux, reconnaît que « le Venezuela traverse une crise économique, comme tous les autres pays », crise provoquée par le capitalisme sauvage contre lequel il entend lutter. Incapable de récupérer la popularité de Chávez, qu’il avait acquise dans sa lutte contre l’inégalité sociale, il radicalise son discours.

Le harcèlement international envers le gouvernement

Un autre élément important qui fait que l’on a du mal à savoir ce qui se passe au Venezuela est le manque d’objectivité des médias. Les médias chavistes ne parlent pas de ces mouvements. Et le reste de la presse prend franchement parti pour l’opposition. C’est le cas du très influent quotidien espagnol El País. Le prix Nobel de littérature péruvien Mario Vargas Llosa, collaborateur habituel, signe cet article, où il affirme que « le Venezuela n’est plus un pays démocratique ».

L’OEA (Organisation des États Américains), réunie jeudi pour traiter de la crise vénézuélienne, a condamné toute violence et a appelé au dialogue. Le Canada, les USA et le Panama considèrent cette déclaration trop modérée et des rumeurs d’intervention étrangère circulent à Washington, d’après le président Maduro. Le Venezuela et le Panama ont rompu leurs relations diplomatiques et économiques avec le Venezuela, signe d’une forte désapprobation de la gestion de la crise par les autorités du pays.

César Prieto Pérochon