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La montée du FN en France
Il y a à peine quelques mois, un sondage mené par l’Ipsos montrait le FN en tête des intentions de vote pour les élections européennes du 25 mai prochain. Aujourd’hui, il est second (20%) derrière l’UMP (22%). Et c’est un Français sur trois qui se dit en accord avec les idées du Front National (source : TNS)
Voter FN n’est plus tabou
Il y a quelques mois, on a appris non seulement que l’acteur Alain Delon défendait le Front National, mais qu’en plus il est très content de la progression de ce parti dans les sondages. Ce qui étonne, c’est que de plus en plus de personnalités publiques (et privées) affichent ouvertement être en faveur du FN. La publicité, c’est (presque) nouveau.
Dans un entretien accordé au quotidien suisse Le Matin, Alain Delon ne s’est pas encombré de « politiquement correct » : « Depuis des années, Le Pen père et fille se battent, mais ils se battent un peu seuls. Là, pour la première fois, ils ne sont plus seuls. Ils ont les Français avec eux. C’est important. Et que cela déborde sur Genève, c’est vachement important. Là-bas aussi il y a un ras-le-bol, souligne l’acteur franco-suisse. Je n’ai pas dérapé et je ne dérape pas. Je suis gaulliste depuis quarante ans, mais il faut vivre avec son temps. On ne peut pas être gaulliste dans un monde hollandiste (…) Il faut s’adapter. Je suis gaulliste et je suis sarkozyste. Avec le FN, nous n’en serions pas là si Nicolas Sarkozy était au pouvoir. Point.«

Manifestation en faveur du Front National à Paris lors des présidentielles 2012. (Crédit photo : afp.com/Joel Saget)
Comment en est-on arrivés là ?
Le changement d’image du parti entrepris par la fille Le Pen, Marine, est une des raisons qui expliquent la montée du Front National et le changement de son image. C’est une femme politique « pro gay, pro avortement, mère de trois enfants, divorcée, qui a travaillé pour débarrasser le parti de son père de ses oripeaux d’extrême droite traditionnelle, utlra-catholique, royaliste et raciste ». Exit les skins, les discussions douteuses sur la Seconde Guerre mondiale ou sur la guerre d’Algérie.
« Marine Le Pen n’a eu de cesse de brouiller les pistes. Pas un jour ne se passe sans qu’elle ne vante les valeurs de la République. Elle a même détourné les idées traditionnellement défendues par la gauche telles que la laïcité (…). Et elle va aujourd’hui jusqu’à menacer de poursuites judiciaires toute personne qui qualifierait son parti d’extrême droite » (The Times).
Difficile donc de mettre une étiquette sur le FN. Si, sur l’économie, sa rhétorique très protectionniste ne convainc pas, sur les questions d’identité nationale, elle touche un large spectre politique. Que les féministes se réjouissent, il n’est pas impossible qu’une femme devienne présidente.
Sophie Lafranche
Ce parti bénéficie d’un mouvement général en Europe qui voit les nationalistes émerger un peu de partout.
On a beaucoup agité le chiffon rouge en parlant du FN, ce qui en quelques sortes, lui a fait de la publicité à bon compte ! Les partis traditionnels de gauche ou de droite s’interdisant tout accord électoral avec le FN, on en fait un marginal, un « vilain petit canard », que certains rêvent de voir devenir bel oiseau! Or en voulant marginaliser le FN, ces partis d’alternance marginalisent aussi les électeurs du FN. Et ça, pour la démocratie, c’est plus grave. Plutôt que de crier au loup avec les ténors de la République, j’ai personnellement une vision beaucoup plus binaire : soit ce parti est fasciste, alors il faut l’interdire, soit il ne l’est pas, alors il doit vivre sa vie démocratique de parti d’extrême droite.
Tous les problèmes sociaux actuels, plus l’immigration et le déni des incidences de cette immigration le favorisent. Mais voilà, vous l’avez susurré, le programme économique ne tient pas la route. Sortir aujourd’hui de la zone euro quoique en pense ce parti (et d’autres d’ailleurs regrettant amèrement le droit régalien de battre monnaie) n’est qu’un leurre, qui ipso facto marginaliserait la France et lui causerait des soucis économiques bien supérieurs à ceux aujourd’hui constatés.
Sur le plan purement politique, le désamour du PCF a aussi permis l’ascension du FN. des zones entières qui, historiquement votaient PCF (par exemple le midi viticole dit « rouge » à l’époque), font aujourd’hui une large place au FN. Mais ce n’est pas étonnant car on dit habituellement qu’en politique les extrêmes se rejoignent toujours.
Quant à Mme Marine le Pen, il est vrai qu’elle a réussi à changer, si ce n’est les principes même du parti, au moins son discours, aujourd’hui policé, et conforme globalement aux discours ambiants.