L’abstention présente aux municipales

Celle que certains politiques appellent fléau ou qualifient même « d’acte anti-démocratique » représente un véritable enjeu pour ces élections municipales. Tour d’horizon des prévisions et des raisons de cet effet de société pour ces municipales 2014.

 « Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique ». Cette inscription que chacun peut lire sur sa carte d’électeur préoccupe en ce mois de mars, aussi faut-il rappeler à chaque lecteur-électeur ce « devoir moral et démocratique ».

Il y a quelques semaines, médias, politiques, citoyens annonçaient compter sur les prochaines élections municipales pour faire entendre leur mécontentement envers les politiques conjoncturelles. La droite entière espérait alors tirer profit de ce désamour. Mais comme le hasard fait bien les choses, la droite, l’UMP pour ne pas la citer, s’est retrouvée au cœur d’une tempête médiatique : affaire Copé-Bygmalion, LES affaires Sarkozy… mettent en difficulté l’alternative UMP attendue pour ce scrutin. Les abstentionnistes sont alors craints par les deux principaux partis… tandis que le Front National et d’autres partis moins soutenus comptent récupérer des voix.

Profil de l’abstentionniste

Outre le désintérêt de la politique, connu de tous, nourri par le « tous des pourris, puis j’y comprends rien à la politique », l’abstentionnisme peut aussi être le fruit d’une déception de la politique nationale et/ou locale. Les raisons de l’abstention sont nombreuses.  Ces derniers temps une mode s’est aussi développée : celle des listes « sans étiquette », comprenez sans appartenance politique déclarée, freinant certains électeurs qui ne pensent pas retrouver leurs idées ou sensibilités. Notons toutefois que dans les petites communes, les listes ne représentant pas un parti sont plus compréhensibles : difficile de trouver vingt sympathisants d’un même parti voulant s’insérer dans la vie politique locale dans un village de 2 000 âmes. Puis il y a le problème des citoyens qui ne seront pas chez eux, comme les étudiants, et ne voteront pas faute d’avoir pu faire une procuration. Il faut savoir qu’environ 10 % des abstentionnistes sont des personnes ayant eu un empêchement quelconque : maladie, voyage, études, absence de transports… Ainsi seulement 40 % des 18-24 ans ont voté aux dernières élections et les non-actifs, sans doute désintéressés, votent aussi très peu. Certains militent heureusement pour le vote :

Des campagnes de lutte contre l’abstention avaient été menées en 2012.  Crédit photo : ACCA

Des campagnes de lutte contre l’abstention avaient été menées en 2012. Crédit photo : ACCA

Ces élections municipales marquent un tournant en ce qui concerne la législation électorale. Panachage, parité, vote blanc explications. En effet toutes ces modifications vont sûrement contraindre les électeurs, les freinant même à aller voter. Commençons par les communes de moins de 1 000 habitants : les citoyens ne pourront plus inscrire le nom de quelqu’un qui ne se présente pas, le bulletin ne comptera pas. Finies les petites blagues où certains villageois obtenaient un pourcentage sans se présenter. Toujours pour ces mêmes petits bourgs, il faudra se munir d’une pièce d’identité pour voter comme c’est déjà le cas dans les villes de plus de 3 500 habitants. Le mode de scrutin ne change donc pas pour les villages de moins de 1 000 votants. De plus l’abstentionniste est connu de tous dans ces communes très peu politisées, où beaucoup se connaissent. En revanche il n’y a souvent qu’une seule liste comprenant les mêmes noms « au pouvoir » depuis plusieurs mandats, ce qui génère (logiquement ou non) beaucoup d’abstention.

Les campagnes contre l’abstention seront-elles efficaces? Crédit Photo: D.R

Les campagnes contre l’abstention seront-elles efficaces? Crédit Photo: D.R

Pour les bourgades comprenant entre 1 000 et 3 500 habitants le mode de scrutin change. Principale mesure : le barrer ou ajouter des noms sur une liste. Si vous transgressez cette loi, votre vote sera comptabilisé comme nul. Vous devrez aussi glisser deux listes dans votre enveloppe: une liste comptant pour les municipales l’autre pour les conseillers communautaires. Vous pouvez voir ce qui change pour votre commune, selon sa taille sur ce dépliant de Association des Maires de France.

Les grandes villes n’innoveront qu’en votant pour les conseillers communautaires. Sinon rien ne change pour vous qui vivez dans les communes de plus de 3 500 habitants. En ce qui concerne le vote blanc il ne sera reconnu qu’à partir des élections européennes de juin prochain. Enfin l’abstention par manque de véritable alternative ne sera plus une excuse. Si l’on ne se sent pas représenté par un parti, le vote blanc permettra d’exprimer son mécontentement tout en jouissant de son droit démocratique. Les extrêmes perdront peut-être même des électeurs.

Enfin n’oublions pas l’abstention par excès de confiance. Lorsque la bataille entre deux candidats d’un même parti fait rage et qu’ils sont ultra-favoris tous les deux comme à Cannes (profil des candidats). Les sympathisants peuvent être « dégoutés » de cette bataille qui incarne la désunion nationale, et s’abstenir, persuadés que l’un des deux va de toute façon l’emporter. Les villes où le candidat est le grand favori subiront cette même logique, comme par exemple à Bordeaux. Les électeurs de la majorité vont aussi moins aller voter que les électeurs soutenant l’opposition, comme le FN.

Elie Julien