
Étiquettes
« 80% d’étrangers, des SDF, quelques Cannois »
À Cannes, la Croix Rouge a un petit local, situé derrière la Croisette et son décorum luxueux. Une vingtaine de bénévoles y participent. Chaque jour, ces héroïnes de l’ombre, des femmes retraitées, accueillent, écoutent des démunis.
Jeudi, quinze heures, rue Marceau à Cannes. Une douzaine de personnes attendent devant le local de la Croix Rouge. Personne ne parle français. Beaucoup d’étrangers. Un grand homme noir est adossé au mur. Un vieil homme de petite taille, bonnet enfoncé sur la tête, guette l’ouverture de la porte. Fernando Antunes* est Portugais, il patiente avec les autres. Fernando s’exprime dans un anglais maladroit, il ne connait pas un mot de français. Il vit à Cannes depuis un an. Il y a dix ans, quand sa famille a quitté le Portugal, Fernando n’a pas pu la suivre. « A big story » murmure-t-il les larmes aux yeux. Mais Fernando ne veut pas en dire plus. A Cannes, c’est dans la pauvreté qu’il vit. Ses dents sont abimées, noircies. Ses vêtements : un simple jogging usé par le temps. Pas de manteau, ni d’écharpe.
Peu de vêtements pour beaucoup de démunis
Les portes de la Croix Rouge s’ouvrent. Seules trois personnes ont la permission d’entrer en même temps. « Sinon c’est la dispute » explique la présidente Geneviève Vendini. Une odeur rance imprègne l’air ambiant. Dans le local, Angèle et Michelle, derrière un bureau accueillent les arrivants. Angèle est bénévole à la Croix Rouge depuis deux ans : « Je voulais rendre service aux autres. » Le jeudi, les bénévoles distribuent des vêtements. Chacun doit présenter une pièce d’identité et annoncer ce qu’il souhaite : chaussettes, manteau, draps… Le vieil homme au bonnet s’assoit face à Angèle qui l’écoute attentivement. « Choumisme » bredouille-t-il. Il mime la forme du vêtement. Angèle devine qu’il s’agit d’une chemise. « Vous en avez déjà pris une.» Les règles sont strictes : une personne est autorisée à venir deux fois par mois. Trop de monde et pas assez de vêtements, raconte Angèle. Le vieil homme de petite taille, fait la moue et repart avec une couverture.
« Vous avez du Chanel ? »
Dans le salon d’accueil, une jeune fille gratte ses cheveux bruns, puis son nez sans aucune gêne. Son ami demande pour elle des sous-vêtements, elle ne comprend pas le français. Sur la table, du chocolat découpé à la main est proposé dans une assiette. Elle sourit la bouche pleine de friandise. Son visage juvénile rayonne. Un goût auquel son palais ne doit pas être très habitué. Parmi les personnes présentes, une dame âgée à l’humour décalé lance : « vous avez du Chanel ? ». Elle rit aux éclats et s’exprime à voix haute. Cette vieille dame au voile violet s’appelle Pathis Raphaëlle. C’est une habituée, elle sympathise avec les bénévoles. Et lorsque Pathis énumère les vêtements dont elle a besoin elle ajoute constamment « dans la mesure du possible ». Cette femme conciliante est Algérienne. Elle est arrivée à Cannes en 1977 et pour elle la vie n’a jamais été simple. Les yeux dans les yeux, la main posée sur mon épaule comme pour me confier un secret, elle chuchote « Je prends les choses comme elles viennent.» Seule, elle soulève son sac rempli de vêtements et s’en va, le sourire aux lèvres.
Dix-sept heures : les portes se ferment. En seulement deux heures Angèle, Michelle et Geneviève ont accueilli environ trente-cinq personnes d’origine étrangère et qui sont dans le besoin. Un peu d’agressivité, parfois des insultes, mais elles le prennent bien, « on se dit qu’on a de la chance d’avoir la vie qu’on a ».
Des médecins bénévoles consultent sur place sans rendez-vous
Edith Neil, à la retraite, est médecin bénévole à la Croix Rouge depuis plus d’un an. Edith reçoit aussi bien les cas graves que les petites maladies qu’elle appelle « bobologie ». Les médecins travaillent officiellement deux heures le lundi, le mercredi et le vendredi. Edith a déjà atteint son record : Vingt-cinq patients en plus de deux heures. Mais elle souhaite prendre le temps nécessaire à un accueil convenable des patients :

Edith Neil dans son cabinet et deux autres bénévoles qui s’occupent de l’accueil/crédit Gyotis Delsart
*pseudonyme
Gyotis Delsart