Racisme, antisémitisme où en est la France en 2014?

racisme «ça ça m’énerve»/ Crédit: crédit :  kalcif

Le racisme «ça ça m’énerve»/ Crédit: kalcif

«Mange ta banane la guenon!», «Les pédés ne doivent pas se marier», «Les feujs gouvernent le monde», «Les racailles doivent être nettoyées au karcher». Racisme, homophobie, antisémitisme, voici les thématiques de rubrique sur des sites internet où s’illustrent les propos ci-dessus. Selon un sondage BVA pour I>Télé,  57% des français estiment que globalement le racisme a augmenté depuis dix ans. Mais qu’en est-il réellement? Les racistes sont-ils plus nombreux ou s’expriment-ils davantage?

 

Au mois de mars 2013, un rapport de la commission nationale consultative des droits de l’homme révélait que les actes racistes, antisémites et xénophobes avaient connu « une forte augmentation » en France en 2012 : 1 539 actes et menaces relevés, soit plus 23 % par rapport à l’année précédente.

« Ce que les gens gardaient en eux devient visible »

À la une d’une manchette abjecte de l’hebdomadaire Minute, accueillie par des enfants avec des bananes lors d’un déplacement, comparée à un singe dans un photomontage douteux, Christiane Taubira a été la cible de plusieurs attaques racistes au cours des derniers mois. Interrogée par Libération, la garde des Sceaux a répondu qu’« il s’agit très clairement d’inhibitions qui disparaissent, de digues qui tombent ». « Cette attaque au cœur de la République » est à mettre en corrélation avec les malencontreuses sorties politiques, de « l’affaire du petit pain au chocolat » de Jean-François Copé à Jean-Luc Mélenchon s’en prenant en termes ambigus à Pierre Moscovici, en passant par Manuel Valls et ses polémiques à répétition. Sans parler des magazines qui multiplient les dossiers alarmistes sur « l’invasion » de l’islam.

Les personnalités politiques sont-elles coupables ?

On parle souvent du contexte de crise économique comme responsable de tous les maux. Si certains le lient à la résurgence de discours et d’actes racistes, ils sont nombreux à n’y voir qu’un alibi. « En 2002, quand Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour, la France vivait une période de croissance économique [un peu plus de 1 %] », rappelle Malek Boutih, ancien président de SOS Racisme. Pour de nombreux spécialistes, chercheurs ou acteurs associatifs, c’est avant tout le personnel politique qui en porte la responsabilité, notamment la dérive droitière de l’UMP. « La parole se libère, elle devient plus facile dès lors que des hommes politiques ou des chroniqueurs soi-disant sans complexes ouvrent la voie, pense l’historien Pascal Blanchard. Des intellectuels tiennent des propos islamophobes, pourquoi le citoyen n’aurait pas le droit de tenir de tels propos ? »

Le Front National illustre tout à fait le problème, et l’on peut légitimement se demander si l’institutionnalisation du FN ne serait pas également à mettre en cause. Pour Michel Wieviorka, sociologue, c’est incontestablement le cas : « Le FN monte sans être embarrassé par ses contradictions. Il ne souhaite pas se montrer ouvertement raciste, veut apparaître fréquentable et légitime, mais sans vraiment se renier. » Le parti aurait construit un nouveau discours qui se protège d’éventuelles poursuites, mais qui, au fond, n’aurait pas véritablement changé. A titre de preuve pour les sceptiques, Nadia Portheault, candidate FN d’origine algérienne, a renoncé à se présenter aux municipales de 2014 à Saint-Alban, près de Toulouse, dégoûtée par le racisme et l’homophobie d’une partie des cadres et militants locaux. « La banalisation du FN accroît sa capacité de nuisance. Mais le climat raciste n’est pas réductible à ce parti. Il est diffus, se trouve partout dans la société française, même à gauche », insiste l’anthropologue Nacira Guénif-Souilamas.

Le racisme en voie d’expression

L’anonymat, réel ou supposé, d’internet permet de lever bien des inhibitions. Le web est devenu “le réceptacle de toutes les crispations et de tous les maux de notre société », souligne Marc Knobel, du CRIJF (conseil représentatif des institutions juives de France) et de l’association “j’accuse”, référence française devant la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme). C’est ce qu’explique aussi Pascal Blanchard : « ce que les gens pensaient et gardaient en eux devient aussi visible via internet, les blogs, les réseaux sociaux ». Ces nouveaux moyens numériques faciliteraient la transmission de ce type de messages et seraient vecteurs d’opinions plus radicales, pour le meilleur ou pour le pire.

“Racisme sont des gens qui se trompent de colère”/ Crédit: Licra

“Les racistes sont des gens qui se trompent de colère”/ Crédit: Licra

 

Lisa La Face