Des jeunes sur une autre planète

Pour la jeunesse, qui est la première concernée, l’écologie est bien souvent une notion abstraite et vague, qui se situe bien loin de ses préoccupations principales.

 

Parmi les utilisateurs de voitures électriques en auto-partage, seulement 16% avaient entre 18 et 30 ans en 2011, à Nice. Un symptôme du désintérêt des jeunes pour l’écologie. (Crédit Photo : Nicolas Richen)

Parmi les utilisateurs de voitures électriques en auto-partage, seulement 16% avaient entre 18 et 30 ans en 2011, à Nice. Un symptôme du désintérêt des jeunes pour l’écologie. (Crédit Photo : Nicolas Richen)

Vous avez dit « écologie » ? Prononcer ce terme devant des lycéens, c’est bien souvent s’exposer à des sourires moqueurs et empreints d’indifférence. Le dernier pic de pollution (ndlr : du 9 au 18 mars), qui a touché plusieurs métropoles françaises, dont la région parisienne, avait dépassé le seuil des 80 microgrammes de particules par mètre cube et a remis à l’ordre du jour la question environnementale. Sans pour autant que la jeunesse ne se réveille. « L’écologie, c’est ramasser des papiers par terre et faire le tri sélectif », résume Marie, 17 ans, élève de première. « Je ne me sens pas concernée par ce sujet », renchérit Johanna, sa camarade devant le lycée Carnot de Cannes.

« Pour le moment, les jeunes sont bien dans ce système de consommation»

Comment expliquer ce désintérêt au sujet des questions écologiques ? Xavier, 19 ans, militant du Parti de gauche, et qui a été coordinateur des Jeunes écologistes dans les Alpes-Maritimes, dresse un constat alarmant: «Le problème, c’est que l’écologie touche moins directement que la pauvreté, par exemple. D’ici quelques années, ils commenceront à ressentir les conséquences, mais pour le moment, ils sont bien dans ce système de consommation». D’autant que les jeunes manquent d’information. La faute à des multinationales qui investissent des milliards dans des campagnes de communication et qui font douter les citoyens quant à la responsabilité de l’homme au sujet du réchauffement climatique, par exemple.

Les jeunes seuls responsables de leur inaction ? Un dangereux raccourci

Pour remédier à cela, les milieux éducatifs et associatifs se mobilisent. Créée en 2007 sous l’impulsion de Pierre Rabhi, l’association nationale Colibris  vise à construire un nouveau projet de société. Pour Emmanuelle Ribes, membre de cet organisme dans les Alpes Maritimes depuis 2008, « les jeunes sont de plus en plus conscients des enjeux écologiques. La difficulté, c’est le passage à l’acte. Mais ce n’est pas propre à la jeunesse», a-t-elle tempéré. Alexandra Saliceti, conseillère principale d’éducation au lycée Carnot de Cannes, reconnaît que « sensibiliser les élèves à l’écologie est une des priorités de l’Éducation Nationale ». Mais pour des raisons de motivation et surtout de budget, la réalité est tout autre. Il y a 4 ans, le lycée avait essayé de mettre en place un potager biologique. Une initiative qui est tombée à l’eau, puisque seule une petite dizaine des 1400 élèves de l’établissement ont participé.

Proposer des actions concrètes à l’échelle locale, c’est l’objectif de Valérie Weinhard, enseignante à Auribeau. Elle a créé une micro-école afin de faire découvrir la pédagogie coopérative par le biais d’une éducation alternative. Les jeunes entre 3 et 15 ans apprennent à adopter une bonne attitude vis-à-vis de la nature. On les éveille à l’importance d’acheter des produits frais et de qualité plutôt que des produits sous cellophane.

 Les jeunes ne sont pas les seuls responsables de leur inaction, la société de consommation dans laquelle ils baignent depuis leur naissance les conditionne. D’autant qu’ils préfèrent « se réfugier dans le virtuel pour éviter de se poser des questions sur l’avenir », estime Valérie Weinhard. Pour certains seniors en revanche, le constat est moins sévère quant à l’engagement de la nouvelle génération. Emile, 67 ans, retraité de Cannes-la-Bocca estime que les jeunes sont davantage sensibilisés et investis que sa propre génération. Mais est-ce suffisant quand on connait l’ampleur de la crise écologique ? Il serait illusoire de l’envisager.

Où sont les jeunes ?

Créé en avril 2011, Auto Bleue est un système d’auto-partage mis en place par la Métropole Nice Côte d’Azur. Ces véhicules 100% électriques n’ont pas la cote chez les jeunes.

 Parmi les utilisateurs de voitures électriques en auto-partage, 83,6% avaient plus de 30 ans, en 2011 à Nice. Un paradoxe pour cette jeune génération, dont certains affirment qu’elle est plus sensibilisée et plus concernée à la problématique environnementale que ne l’étaient les générations antérieures.

3 questions à Xavier, 19 ans, militant du Parti de Gauche

Qu’est-ce qui a été à l’origine de votre militantisme écologique ?

J’ai commencé à m’intéresser aux problèmes d’environnement il y a 3 ou 4 ans. Le Syndrome du Titanic, un film de Nicolas Hulot et de Jean-Albert Lièvre (documentaire sorti en 2009, plaidoyer pour la planète qui met l’Homme face à ses responsabilités devant la crise écologique, climatique, alimentaire et économique, ndlr), m’a donné envie de m’impliquer en politique. Je me suis rapproché d’Europe Écologie les Verts en m’impliquant dans les Jeunes Écologistes, avant de rejoindre le Parti de Gauche.

En tant que militant écologiste, de quelle société rêvez-vous ?

Je rejette le système actuel au profit de l’écosocialisme. Il faut remettre en question notre société de consommation : l’idée est de produire moins et mieux, au service de tout le monde. Une prise de conscience de chacun et un travail d’éducation populaire sont nécessaires.

Le fait de réduire l’écologie au tri sélectif est-il problématique ?

Oui. C’est compliqué de sensibiliser les jeunes, car c’est un problème global. Le tri sélectif, c’est bien, mais ce n’est que du bricolage; on prend les citoyens pour des abrutis.

Jérémy Satis

Pierrick Ilic-Ruffinatti

Nicolas Richen