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IRAN #1/2 : La charcuterie qui fait fureur
Pour l’entreprise iranienne Sogol, la fabrication de charcuterie est une affaire qui marche. Portrait d’une usine qui bat son plein.
C’est sur la route qui sépare la ville de Gohardacht de l’aéroport de Téhéran que se trouve l’une des deux usines de Sogol (l’autre est installée au sud de Téhéran). Après avoir demandé notre chemin une dizaine de fois, fait deux ou trois demi-tours, nous arrivons enfin. Mohsen Haji Abedini, l’un des deux responsables des ventes, tient à préciser : « D’extérieur, ça fait un peu pourri mais vous allez voir à l’intérieur ! ». Ni une ni deux, l’employé nous emmène rencontrer le directeur général. Thé, chocolats et déjeuner nous attendent : un accueil à l’iranienne, autrement dit des plus chaleureux.
L’histoire d’une nouveauté dans l’industrie du pays
Le directeur Javad Mazandarani, 56 ans, est aussi le père de l’entreprise. Assis derrière son grand bureau, il revient sur les premières années, il y a vingt ans de cela. L’idée initiale était de fabriquer des produits alimentaires à base de poisson, aliment plus noble que la viande en Iran. Mais la population augmentant beaucoup à l’époque, le projet de départ bifurque : « Il y avait un besoin criant de trouver des produits consommables et peu chers, raconte le directeur. L’idée m’est donc venue de valoriser les produits normalement jetés après leur utilisation dans la fabrication d’aliments. » Exemple : les poules pondeuses, qui représentent près d’un million de tonnes de viande et qui n’étaient plus mangées à l’époque. Pour cela, il décide d’utiliser deux méthodes : le désossage mécanique de la volaille et le mélange de différents types de viande. « Le principe existait ailleurs, mais je l’ai introduit à notre industrie », précise-t-il.

Javad Mazandarani est à la fois le père et le directeur de Sogol, l’entreprise iranienne de charcuterie. (Crédits : S.Shojaei)
Aujourd’hui, Sogol fait partie des sociétés iraniennes qui se portent bien. Elle vend à des supermarchés, des sandwicheries, des pizzerias… Victime de son succès, elle ne peut d’ailleurs pas répondre à toutes les demandes, tandis que « [les] confrères [de Javad Mazandarani] tournent à 10 ou 20% de leurs capacités ». Après tout, ce n’est sûrement pas pour rien que l’entreprise s’appelle Sogol ; en persan, le mot signifie « le meilleur ».
Des difficultés pour exporter
Sogol possède tous les certificats sanitaires possibles et inimaginables : certificat de contrôles sévères concernant les contaminations à chaque étape de la production, certificat assurant qu’il s’agit d’une société « pilotée par l’exigence de qualité » , certificat indispensable pour vendre de la viande halal ou pour exporter à l’étranger (« le plus strict au monde »)… Mais voilà, Sogol n’exporte presque pas au-delà des frontières iraniennes. Pourquoi ? Javad Mazandarani explique, tout en se préparant un café au lait : « Cela fait des années que j’échange avec des collègues étrangers. J’observe que l’Iran a une très bonne réputation en termes de fabrication, de qualité, d’hygiène… Malheureusement, mes produits sont chers et surtout périssables. Mes cibles auraient pu être l’Asie et l’Europe, mais le fait que mes produits soient périssables entrave bon nombre de projets d’exportation. ».
Et la levée de l’embargo, dans tout cela ? Le directeur s’allume une énième cigarette et répond sans attendre : « Elle est d’une grande importance. D’une part parce que nous importons beaucoup de produits vitaux pour l’entreprise, mais surtout parce que nous aussi voulons disposer de nouvelles technologies. ». Pour rappel, l’Iran et le groupe 5+1 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) ont signé un accord d’une durée de six mois, entré en vigueur le 20 janvier dernier. Résultat : gel d’une partie des activités nucléaires iraniennes, contre une levée partielle des sanctions contre l’Iran. L’espoir d’un accord définitif à signer d’ici le 20 juillet reste entier.

Mohsen Haji Abedini et Amir Hosein Mazandarani, les deux responsables des ventes, posent fièrement devant trois des certificats sanitaires de l’entreprise. (Crédits : S.Shojaei)
Sogol se projette loin et en famille. Entre deux coups de téléphone, Javad Mazandarani évoque en riant l’avenir de son entreprise : « Qu’il le veuille ou non, je pousserai mon fils à prendre ma place. Et quand il me laissera partir, j’irai faire du jardinage ! ».
Après le déjeuner, c’est l’heure de la visite guidée…
Suzanne Shojaei
Propos traduits par Reza Haji Abedini