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Une tribune politique ?
Certains supporters se servent du sport pour exprimer des revendications politiques et culturelles. L’espace méditerranéen n’est pas une exception, bien au contraire. Bien au contraire.
“A Nissa toujou fidel”. Ce message en langue nissarde qu’arborent fièrement les ultras niçois à chaque sortie de leur équipe illustre l’attachement des supporters à leur club mais surtout au comté niçois. Aux abords de la Populaire Sud, le nissart prend le pas sur le français, l’hymne “Nissa la Bella” entonné par le public lors de chaque rencontre témoigne d’une implantation de la culture locale. La tribune se mue en véritable relai d’un ancrage politique local, parfois très conservateur. De ce point de vue, le modèle des tifosis italiens est semblable. Fabrizio, ultra de la Sampdoria de Gênes, confirme : “on naît sur une terre dont on apprend à être fier avec tous ses particularismes mis en valeur. Avec tous les touristes c’est logique de vouloir s’affirmer et conserver une authenticité.”
Le Camp Nou, lieu de catanalité
“Le Barça est l’armée désarmée de la Catalogne”. C’est en ces termes que l’écrivain Manuel Vasquez a posé le particularisme du FC Barcelone en Catalogne. Les 150 000 socios du Barça mettent constamment en avant les velléités d’indépendance de la région, sans créer pour autant de débordements. Ces mêmes supporters ne se sentaient pas champions du monde lorsque l’Espagne a été sacrée en 2010. Et oui, un Catalan n’est pas un Espagnol. « A l’époque de la résistance au franquisme nous sommes tous allés au stade, même ceux qui ne sont pas supporters du Barça pour crier Liberté! », raconte Josep Ramoneda, éditorialiste d’El Pais.
Lutte des classes
En Grèce, une rivalité met aux prises l’Olympiakos, club de prolétaires du quartier populaire du Pirée, et le Panathinaïkos, né en 1908 une cuillère d’argent entre les dents en plein centre d’Athènes. Ce clivage social est nourri par les 39 championnats remportés par l’Olympiakos, soit 19 de plus que le rival éternel. La finale de Coupe d’Europe du Pana perdue contre l’Ajax en 1971 fait contrepoids. Un stade de la compétition que n’a jamais atteint l’Olympiakos. La rivalité sportive débute en 1930 lorsque les riches mettent une déculottée aux pauvres (8-2). Depuis, dans la tribune, c’est d’une rivalité sociale dont il est question. Ironie du sort, depuis l’arrivée du richissime armateur Marinakis au Pirée, l’Olympiakos est devenu le club riche qui survole le championnat grec. Le Pana souffre lui de la crise. Aujourd’hui, le club de riche, c’est l’Olympiakos. Comme quoi dans le football, tout va très vite. Dans les Balkans d’après-guerre, le Dinamo de Zagreb et l’étoile rouge de Belgrade se sont voués une haine sans frontière. Le premier a été créé en 1945. Il était à l’époque considéré comme le club de la jeunesse antifasciste. Le second, né la même année, est un “club communiste”. Mais plus que l’aspect politique, c’est le côté sportif qui a créé cette adversité entre les deux clubs. Avec 19 championnats et 12 coupes de Yougoslavie, l’étoile rouge a souvent fait oublier le Dinamo qui bien qu’outsider n’a que rarement pris le dessus lors des matchs importants. Pour preuve, le Dinamo a fini 11 fois deuxième, dont 6 derrière l’ennemi juré. Le 13 mai 1990, au stade Maksimir de Zagreb, les supporters des deux équipes s’affrontent. En cause, les premières élections multipartites en Yougoslavie, qui ont mis le feu aux poudres. On recense 138 blessés et 150 arrestations. Plutôt que de se battre dans la rue, les pseudos supporters ont utilisé la rivalité entre les deux clubs pour s’affronter sur un plan politique. En Méditerranée peut-être plus qu’ailleurs, le football est victime de sa popularité.
Jérémy Satis
Pierrick Ilic-Ruffinatti