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Français, sommes-nous branchés identité ethnique ?
Dimanche 6 juillet, dans la cour du site Louis Pasteur de l’Université d’Avignon, le quotidien national Le Monde a ouvert ses Controverses du Monde en Avignon, une série de débats ouverts au public pour le Festival annuel de théâtre. Au programme : les identités en France, « entre nationalismes et multiculturalismes ».

Dans la cour du site Louis Pasteur de l’Université d’Avignon, le débat sur l’identité attire bon nombre de festivaliers. (Crédit : Suzanne Shojaei)
À chaque média sa manière de couvrir un évènement culturel d’importance. Dimanche 6 juillet, jour 2 du Festival d’Avignon : le quotidien Le Monde s’installe dans les jardins du site Louis Pasteur, de l’Université d’Avignon. Pendant la durée du festival, le journal propose divers débats ouverts au public ; ce dimanche, Nicolas Truong (journaliste au Monde et responsable des pages « Débats » ) anime une discussion sur les identités en France. L’occasion est bonne à saisir : discriminations, stéréotypes, musique, sport, éducation, ethnicisation, racisme, religion, politique… Tout passera par le filtre de la question identitaire.
« Aujourd’hui, la France est dans une forme de déni dans la manière dont elle se représente et avec laquelle elle rend invisible un certain nombre de ses citoyens. » L’essayiste Rokhaya Diallo entame le débat avec un bref résumé de la situation. Fondatrice de l’association Les Indivisibles et auteure de Racisme, mode d’emploi, elle est l’une des deux invités du jour, aux côtés de Jean-Loup Amselle, ethnologue, rédacteur en chef des Cahiers d’études africaines et auteur de L’ethnicisation de la France.
Les failles du système
« Prenez le film récent Sous les jupes des filles, continue Rokhaya Diallo. Ce sont onze femmes blanches qui représentent les Parisiennes. C’est fou de faire un film sur des Parisiennes sans montrer la diversité ! » L’essayiste connaît bien ces raccourcis pour décrire la société française. « Comme vous avez pu le remarquer, je suis noire. Mais malgré mes origines sénégalaises, je suis née en France. » Pourtant, impossible d’échapper aux stéréotypes et autres idées reçues (« Votre français est parfait, aucun accent ! »). Rokhaya Diallo l’assure : c’est chaque jour qu’on lui rappelle sa « condition » de noire. « Idem pour les femmes », note-t-elle. « J’aimerais que la France reconnaisse qu’elle est multiple. »
Selon Jean-Loup Amselle, « on ne naît pas d’une ethnie ou d’une autre, mais on le devient ». Les identités locales ne sont que différents « branchements », tout à fait comparables au système électrique. Comme exemple, l’ethnologue choisit la musique dite « métisse ». « Le terme en lui-même est périssable, car cela suppose qu’il y a au départ des musiques pures », alors que l’histoire de la musique est un heureux mélange des genres, des époques et des influences traditionnelles des quatre coins de la planète.
Mais si l’on se reconcentre sur la France, le problème est simple : « La France n’est pas vraiment un pays laïc. Pourtant, c’est en traitant les religions sur un pied d’égalité que l’on sortira du piège de la stigmatisation ». Assez étrange en effet, pour un pays laïc, de s’agripper encore à un calendrier chrétien. « À l’école, par exemple, continue Rokhaya Diallo, la volonté de laïcité tourne aujourd’hui à l’hystérie. » Et les médias n’arrangent pas les choses. « Ils s’intéressent principalement aux jeunes qui font le djihad, alors qu’il y en a peu, s’indigne Jean-Loup Amselle. Et si en plus il s’agit de jeunes femmes envoyées sur le front pour soit disant réconforter les soldats, alors c’est une meilleure occasion encore pour faire la une de la presse de caniveau… »
Un débat qui en cache un autre
Selon Jean-Loup Amselle, rien ne sert de se voiler la face : ce sont les luttes sociales que masquent en réalité les débats sur l’ethnicisation. Prenons l’exemple du football et de ses récurrentes manifestations de violence entre supporters. D’une part, Rokhaya Diallo tient à expliquer que « les manifestations de joie de la part des supporters algériens pour la Coupe du monde ne doivent pas être vécues comme un rejet de leur identité française. On mobilise des appartenances différentes à différents moments de sa vie ». Mais surtout, les questions du racisme, de la ségrégation raciale et même du genre sont, selon Jean-Loup Amselle, bien plus « glamour, ou sexy » pour les médias, que le débat fondamental à propos de la lutte sociale.
Suzanne Shojaei
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