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Des lanceurs d’alerte pour combler les failles
Snowden, Manning, pour les affaires les plus récentes… Entre illégalité et héroïsme, les lanceurs d’alerte sont des figures actuelles qui ont besoin d’être aidées pour porter au grand jour leurs révélations. Mais jusqu’où les médias doivent-ils les relayer ?
C’est au Festival d’Avignon que Buzzles a trouvé de quoi nourrir un nouveau débat concernant l’activité des médias. Dans la cour du site Louis Pasteur de l’Université d’Avignon, une rencontre était organisée le 8 juillet, à propos de la question du devoir moral de désobéissance. Autour de la table : Cécile Coudriou (vice-présidente d’Amnesty International France), Florence Hartmann (ancienne journaliste au quotidien Le Monde et ancienne porte-parole du tribunal pénal international) et William Bourdon (avocat en droit pénal des affaires, droit de la communication et en matière de droits de l’Homme). Animé par Xavier de La Porte, journaliste à France Culture, le débat s’est arrêté quelques instants sur le rôle que les médias jouent au quotidien dans le relai des révélations faites par les lanceurs d’alertes tels qu’Edward Snowden ou encore Bradley Manning dans les affaires les plus récentes.

Selon Florence Hartmann, « les lanceurs d’alerte doivent être accompagnés dans leur démarche ». Crédits : DR
« Nouveaux citoyens »
Qui dit lanceurs d’alerte dit désobéissance, qui dit désobéissance dit symptôme de dysfonctionnements du système. « Les lanceurs d’alerte sont ceux qui mettent le doigt dans la plaie, explique Florence Hartmann. Et ils le font à un moment où ce qu’ils dénoncent est beaucoup plus grave que leur propre transgression des règles. » Une fois la démarche courageusement entreprise, vient le temps de la réflexion afin de trouver les moyens. À cet instant, les médias s’imposent de toute évidence comme les vecteurs les plus simples et les plus efficaces pour révéler des dérives. « D’autant plus que les lanceurs d’alerte viennent se blottir derrière le secret des sources de la presse dont les journalistes font parfois bénéficier les interlocuteurs », ajoute William Bourdon, avocat français d’Edward Snowden.
Mais le problème auquel sont confrontés les lanceurs d’alerte réside justement (et peut-être paradoxalement) dans les médias. « La presse n’est pas toujours réactive face aux signaux envoyés par les lanceurs d’alerte, déplore Florence Hartmann. Ils ne sont pas toujours compris, il n’y a pas forcément assez de place à leur accorder… Et puis il y a le critère marketing : cette révélation va-t-elle faire vendre ou non, sera-t-elle trop compliquée à expliquer ou non ? » Une déclaration qui fait écho à Bradley Manning, qui a lui aussi été rejeté par les grands médias américains lorsqu’il a tenté de communiquer son secret. « Le problème, c’est que le secret est un droit, mais un droit très limité. Il doit être justifié et ne pas cacher des illégalités. »
Des bâtons dans les rouages des médias
Certains secrets sont parfois indispensables à la stabilité de l’Etat. Dans certains cas, tout n’est qu’une question de date ; il faut attendre une période ou un jour précis pour le dévoiler. Dans les autres cas, les conséquences avantageuses et néfastes de la révélation doivent être mesurées. « Il faut être sûr d’avoir la possibilité de protéger ceux qui pourraient en pâtir », avertit Cécile Coudriou.
Évidemment, les choses seraient un peu plus simples si les journalistes eux-mêmes faisaient la découverte de ces secrets. Seulement, la crise que le journalisme traverse aujourd’hui est un obstacle important : « un journalisme d’investigation en panne, une instantanéité de l’information au détriment de l’enquête, le tout à cause d’un modèle économique européen qui ne permet plus ce type de journalisme », selon William Bourdon. Mais alors, les médias participeraient-ils indirectement aux dysfonctionnements, dans la mesure où ils ne les révèlent pas ? « On observe un sentiment de coresponsabilité de la part des citoyens et des journalistes, un sentiment qu’il faut entretenir », continue l’avocat.
À défaut de pouvoir atteindre les médias de masse, mais n’oubliant pas leur devoir de protection de la démocratie, « certains lanceurs d’alerte préfèrent écrire des livres pour ne pas passer par des filtres », conclut-il.
Suzanne Shojaei
Découvrez un court extrait du débat :
En février 2014, Florence Hartmann était sur France 24 :
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Je recommande à ce sujet l’ouvrage de William Bourdon, cité dans l’article, « Petit manuel de désobéissance citoyenne ».