Du gratte-ciel au caniveau

Pendant le Festival du Film, la ville de Cannes devient la capitale du luxe et des stars. Mais derrière cette image de rêve, la Croisette cache une autre vérité… Du gratte-ciel au caniveau, retour sur une soirée toute en contrastes.

« Où est le Radisson Blue ? » C’est ainsi que nous interpelle Shey, une jeune productrice australienne. Après quelques minutes de marche à ses côtés, nous nous retrouvons sur le toit du célèbre hôtel. Une soirée privée s’y tient. Au menu : producteurs, réalisateurs, distributeurs de films. Tenues de soirée : queues de pie et robes de haute couture exigées. Les tables débordent de petits fours et le champagne coule à flot.

Parmi ces géants du cinéma, Antoine vient à nous, un verre dans chaque main : « je suis distributeur de films asiatiques sur le marché français. » Pendant trente minutes, il nous explique comment il en est arrivé là. Dans ce milieu, « il ne faut rien lâcher. » Discours quelque peu idéaliste pour nous faire comprendre qu’en réalité, tout est basé sur le relationnel. « Vous êtes jeunes, mais je peux vous dire qu’autour de nous ce soir, il n’y a que des grands noms. C’est impressionnant. » Puis il retourne se ravitailler et part se présenter à d’autres personnes.

 D'en haut, tout paraît plus beau (crédit photo DR)

D’en haut, tout paraît plus beau (crédit photo DR)

Nous pensons être les seuls étrangers à ce milieu du cinéma, quand nous rencontrons deux journalistes : Matthias, rédacteur pour différents médias autrichiens et Katharina, sa coéquipière photographe. Elle est en robe simple, il est habillé en reporter, casquette et rangers « je suis habillé en journaliste. » Le dialogue démarre fort. Ils nous font prendre conscience de la chance que nous avons d’être sur place. Couvrir le festival est une chose, savoir ce qui se passe derrière en est une autre. « Vous habitez ici, vous savez ce qui se passe à Cannes toute l’année. Ceux qui débarquent pour l’occasion ne voient que les strass et les paillettes. »

La fête s’achève aux alentours d’une heure du matin. Tous sont trop ivres pour continuer. Nous redescendons de la terrasse pour rentrer chez nous. La chute est rude. En quittant le centre-ville, nous croisons énormément de sans-abris dans les rues, éjectés de la Croisette. La tension est palpable, une bagarre éclate entre un SDF et un touriste. Ils sont sept à essayer de séparer les deux hommes en sang. Un commerçant s’écrie : « arrêtez, c’est le festival. Si vous continuez, c’est pas les flics qui vont débarquer, c’est les CRS ! ». Une autre renchérit, affolée : « demain on sera tous fermés à cause de vous. » Durant le Festival, les autorités repoussent les problèmes, les éloignent de la Croisette. Mais ils demeurent bel et bien là.

Lhadi Messaouden

Manon Bazerque