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Le déclin de Nice-Matin
Baisse des ventes, plans de sauvetage et redressement judiciaire. Voici la situation à laquelle est confronté le quotidien régional Nice-Matin. Un problème que le journal ne parvient toujours pas à résoudre, au grand dam des journalistes, qui tentent malgré tout de sauver la situation.
La presse nationale est sur le déclin et la presse quotidienne régionale a déjà un pied dans la tombe. C’est notamment le cas du groupe Nice-Matin, qui comporte les journaux Nice-Matin, Var-Matin, Corse-Matin et Monaco-Matin. Détenu par Hersant Média (GHM) depuis 2007, le groupe a été placé en redressement judiciaire au mois de mai.
Une tension palpable
« Ils nous ont amenés dans le mur. » C’est en ces termes qu’a réagi l’intersyndicale du journal, après l’annonce du dépôt de bilan, le 26 mai dernier. Une colère compréhensible, tant les répercussions sur les employés sont nombreuses. En plus d’un plan social programmé, le versement des salaires des employés (journalistes, commerciaux, ouvriers…) se fait en deux temps : ils perçoivent une partie du salaire en début de mois et le reste une quinzaine de jours plus tard en raison du redressement judiciaire. Pire encore : à partir de septembre, les salaires risquent de ne plus être versés. « Il faut épurer les comptes. Pour cela, c’est nous qui payons », lâche un journaliste. La colère gronde dans les différentes rédactions de Nice-Matin. D’abord sur le plan juridique : environ 200 salariés ont manifesté début juin devant le palais de justice de Nice, avant le dépôt d’une plainte contre GHM pour « abus de biens sociaux » et « banqueroute ». Ensuite sur le plan interne : le 19 juin, les salariés ont voté une motion de défiance à l’égard de GHM et d’Olivier Biscaye, le directeur des rédactions de Nice-Matin.
Ce dernier est devenu la cible privilégiée des employés en colère. Fin mai, son bureau a été barricadé de l’extérieur à l’aide de planches de bois et de clous. C’est ensuite sa voiture qui a été attaquée : pneus dégonflés, roues retirées, et à la place, des monticules de journaux pour supporter le véhicule. Une autre action a été organisée par la CGT : les membres du syndicat ont pendu une douzaine de mannequins sur lesquels figurait la photo de chacun des membres du « CODIR », les directeurs des différents secteurs de Nice-Matin. Ces actions, parfois choquantes, ne créent pas l’unanimité chez les journalistes. Pour eux, ce n’est pas le bon coupable qui est ciblé. « Biscaye n’est qu’un pion. Il a une part de responsabilité mais le vrai méchant, c’est Hersant », explique un journaliste.
Les journalistes ont donc décidé de prendre en main le futur du journal en proposant une reprise du quotidien par leurs propres moyens. Un financement participatif a été mis en place sur le site Ulule. Cette campagne a permis de récolter 300 000 euros. Une somme conséquente mais qui ne règle pas tous les problèmes.

Les journalistes, qui souhaitent reprendre le journal, font appel aux donateurs. Les journalistes ont posé nus pour répondre au Groupe Hersant. (Crédit photo : D.R.)
Des promesses sans lendemain
Les problèmes financiers ne datent pas d’hier. Depuis 2012, GHM est à la recherche d’investisseurs pour assurer la pérennité de Nice-Matin. Bernard Tapie intègre alors le capital du groupe en 2012, pendant que Dominique Bernard, directeur général de Hersant Média déclare : « Le futur est assuré et nous allons pouvoir relancer nos titres de presse ». Un excès de confiance fatal.
En 2013, et contre toute attente, Bernard Tapie décide de quitter le groupe. « Il n’a qu’une envie : racheter Nice-Matin, afin de le revendre, et de garder Var-Matin pour le relier à La Provence, qu’il possède déjà », confie une journaliste, agacée par ce qu’elle nomme « les magouilles » de l’ex-propriétaire de l’Olympique de Marseille. Après de longues négociations, un accord est trouvé : la famille Hersant garde le groupe Nice-Matin mais sans Bernard Tapie. Ainsi que 50% de Corse Presse, qui édite Corse-Matin. La même année, Nice-Matin enregistre sa chute financière la plus importante avec six millions d’euros de pertes d’exploitation.
Suite à cette décision, GHM doit à nouveau se lancer à la recherche de nouveaux investisseurs, sous peine d’être placé en redressement judiciaire. En février 2014, Hersant Média annonce que le fond d’investissement « GXP Capital » s’associe à l’élu local Jean Icart pour reprendre le groupe Nice-Matin. Ce dernier avait indiqué avoir l’intention d’apporter avec Jean Icart un soutien financier de 20 millions d’euros. Cet accord devait avoir lieu le 1er mars mais a été repoussé. Finalement, l’argent n’est jamais arrivé. Nice-Matin est placé en redressement judiciaire, puis en situation de dépôt de bilan le 26 mai dernier.
Des propriétaires dépassés, des repreneurs mythomanes, des employés désemparés… La situation ne promet pas une évolution positive pour le journal de la Côte d’Azur. Aucune offre de reprise n’a été formulée ces derniers mois et le plan social approche à grands pas. Pour le bastion de la presse azuréenne que représente aujourd’hui Nice-Matin, c’est une nouvelle épée de Damoclès avec laquelle il va falloir composer.
Lhadi Messaouden
N.B. De nouvelles offres émanant de Bernard Tapie, et du groupe belge Rossel, sont sorties dans la presse ce matin. Pour plus d’informations, cliquez ici.
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