Qui pour arrêter l’État Islamique?

Massacre, exécutions, harcèlement religieux, l’État Islamique tente par des moyens radicaux d’imposer son califat, et s’attaque farouchement à ce qu’il appelle l’hégémonie occidentale. Derrière ce but avoué, les enjeux sont nombreux en Irak.

Créé en réponse à l’invasion américaine, l’EIIL (l’Etat Islamique en Irak et au Levant) contrôle aujourd’hui la majeure partie du pays et impose son califat dans les zones qu’il dirige.

 

Les combattants de l’État Islamique n'hésite pas à user de propagande pour attirer de jeunes djihadistes. Crédit photo: afriqueinside.com

Les combattants de l’État Islamique n’hésite pas à user de propagande pour attirer de jeunes djihadistes. Crédit photo: afriqueinside.com

Si le groupe a pu effectuer une telle percée en Irak, c’est d’abord parce qu’il possède des moyens financiers, militaires et humains importants. Ces ressources proviennent de plusieurs acteurs, et sont essentielles pour comprendre la balance des forces en action au Moyen-Orient. Il faut d’abord savoir que, selon des sources sérieuses, l’Arabie Saoudite, puis le Qatar, financeraient toujours de nombreuses actions des djihadistes. Pour ce qui est de ce dernier, qui aspire à jouer un rôle économique de plus en plus important sur l’économie mondiale (ce qu’illustrent les nombreux investissements auprès de clubs sportifs, chaînes de télévisions, etc.), c’est aussi une façon d’imposer sa vision et ses intérêts dans la région.

Du groupe, ce sont les djihadistes qui font la force. Phénomène très médiatisé, de nombreux européens partent illégalement se battre pour un djihad sorti de son contexte. Ils y accèdent en général par la Syrie, en franchissant clandestinement la frontière. Bénéficiant du soutien de rebelles, on comprend qu’une difficulté fondamentale réside dans le nombre de soldats que comptent les rangs de l’EI. Enfin, pour la question des armes, il s’est avéré que beaucoup d’entre elles, au-delà des livraisons provenant de leurs alliés, ont été prises aux forces déchues de l’armée irakienne.

Coalitions

 En réponse aux attaques, exécutions et violences commises, plusieurs mouvements de résistance se sont mis en place. D’abord, après la fuite massive des chrétiens dans les zones contrôlées par les djihadistes, les Kurdes se sont imposés comme les principaux opposants à l’avancée du groupe. Les Peshmergas, ces combattants issus du peuple, sont parvenus à reprendre certaines zones à l’État Islamique et à assurer la protection des réfugiés.

Devant la menace grandissante, les États-Unis, puis la France ont décidés de lancer des bombardements sur les principales zones de guerre afin d’appuyer la lutte des hommes au sol, et ont envoyé des conseillers militaires en Irak. Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est l’assassinat du journaliste américain James Folley, décapité en direct sur une vidéo par un mystérieux djihadiste masqué à l’accent britannique. Ce même homme a, à l’heure actuelle, procédé à l’exécution filmée de quatre occidentaux (deux journalistes et un humanitaire, et bien sûr du français Hervé Gourdel, guide de haute montange). Une coalition internationale s’est donc mise en place pour intervenir dans la zone. Le Royaume-Uni, critiqué à cause du nombre de djihadistes provenant de son sol, s’est joint aux États-Unis et au reste de l’Union Européenne pour programmer un plan d’action. Les pays concernés ont également présenté un plan d’action afin de limiter au mieux le flux de djihadistes en provenance de l’Occident.

Pour lutter contre l'EI, Obama s'est entouré d'une coalition large, avec la France en première ligne. Crédit photo: francetvinfo.fr

Pour lutter contre l’EI, Obama s’est entouré d’une coalition large, avec la France en première ligne. Crédit photo: francetvinfo.fr

 

Dilemmes de guerre

 Derrière cette mobilisation, de nouveaux enjeux apparaissent. La question, par exemple, d’établir une entente avec Bachar el-Assad, jusqu’alors refusée pour des raisons évidentes, a déclenché de vives polémiques. Car si l’Occident acceptait un tel partenariat, il s’agirait littéralement de signer un pacte avec le diable. Non que cela ait jamais été effectué auparavant, mais à l’heure où nous écrivons ces lignes, cela serait une preuve accablante de l’incapacité des Nations Unies d’agir selon ses principes (et qui serait à ajouter à la crise Ukrainienne..). Ajoutons que, si les Kurdes se battent bien contre les djihadistes, ils le font avant tout en faveur de la création de leur État. Se ranger du côté de l’Occident, établir ses marques sur le terrain, et gagner la confiance des populations sont autant de pièces maîtresses d’une stratégie gagnante. Mais cela ne se fera pas sans encombre ; on pense par exemple à l’élection d’Erdogan en Turquie, fermement opposé à la création d’un tel État-Nation. Une affaire à suivre.

Il est légitime de s’interroger sur les raisons de l’intervention tardive. La menace est connue des occidentaux depuis 2013, lorsque l’EI avait repris la ville de Ramadi en Irak. C’était alors un signal d’alarme, une preuve que l’armée ne parviendrait pas à repousser l’ascension djihadiste. De nombreuses souffrances auraient peut-être pu être évitées si l’on avait pris conscience plus tôt de l’importance de cette intervention. Un manque de courage, des nations pusillanimes, à quoi il faut ajouter le spectre des croisades américaines en Irak. Les conséquences en sont réellement dramatiques. Mais on ne refait pas l’histoire ; espérerons plutôt que la stratégie occidentale, sera payante, et parviendra non seulement à venir à bout de l’EI, mais aussi à démanteler les réseaux djihadistes qui frappent la région.

Devant la complexité d’une telle tâche, il est permis d’en douter.

Matthias SOMM

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