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José Bové : en vert et contre les loups
À l’occasion du passage de José Bové au Festival du livre de Mouans-Sartoux pour présenter son dernier ouvrage Hold-up à Bruxelles, les lobbys au cœur de l’Europe, l’équipe de Buzzles est allée à sa rencontre. Il est question de démocratie, d’engagement, du problème des loups et du travail du Ministère de l’écologie.

L’élu européen est aussi venu débattre sur le thème « une démocratie à réinventer ? » (Crédit Photo : Eva Garcin)
Expliquez-nous les raisons de votre venue au festival de Mouans-Sartoux. Y a-t-il pour vous des enjeux particuliers ?
Je viens ici car le festival est un lieu de débat où l’on peut discuter des thématiques du livre. Il y a aussi des grands débats, comme celui de cette après-midi sur la démocratie. Le festival est un lieu où les gens se rencontrent, se croisent. On y trouve des auteurs, des personnes engagées et des citoyens. C’est important car si nous pensions tous la même chose, le monde serait vraiment emmerdant.
Ce qui est frappant dans votre livre, au delà des affaires sur les lobbys que vous révélez, c’est qu’on découvre comment fonctionne le système européen. Vous avez même intégré en annexe des schémas et des explications sur le Parlement européen. Il y a un côté très didactique dans ce livre, était-ce une volonté de votre part ?
Oui forcément. Si on fait un livre on fait en sorte que premièrement les gens aient envie de le lire et puis deuxièmement qu’ils comprennent ce dont on parle. Parce que c’est vrai que la meilleure façon de ne pas parler de démocratie c’est de ne pas expliquer comment les choses fonctionnent. Si tu expliques comment les choses fonctionnent tu permets aux gens de dire : « mais pourquoi pas moi après tout ? Pourquoi ne pas s’engager ». Et ce que je voulais c’était montrer qu’un député, s’il a de la volonté, peut agir. C’est pour ça que je détaille différentes actions. Il y en a que j’ai gagnées, d’autres non. Mais en réalité ça permet de montrer comment les rapports de force se font, quels sont les adversaires, quels sont les intérêts économiques qui tentent de court-circuiter le fonctionnement des institutions. J’ai essayé d’expliquer tout ça pour permettre à chacun de pouvoir s’engager.
N’y a t-il pas une certaine hypocrisie dans le fait d’être au sein du Parlement européen, lequel ne se montre pas vraiment concerné par la cause écologique ?
Les choses sont plus partagées que cela. Avec le Parlement européen on est arrivé à bloquer un certain nombre de projets. Par exemple, interdire le clonage. Nous avons également mené la bataille sur internet contre Acta. Ce sont des choses très concrètes. Il ne faut donc pas avoir une vision mono couleur, parce qu’au Parlement européen, aucun parti n’a la majorité. Toute décision doit être consensuelle. Parfois on gagne, parfois on perd. Et c’est aussi la démocratie, donc si on perd d’une façon, on peut continuer la bataille d’une autre. Je pense que c’est un endroit ou l’on peut être beaucoup plus ouvert que dans d’autres lieux de décisions politiques.
Quelle opinion et quelle relation avez-vous avec Paul Watson, présent au Festival ?
On se connaît depuis quelques années, on a mené des actions ensemble. Les militants de Sea Shepherd étaient avec nous quand on a bloqué le projet de forage de pétrole au large de Toulon et de Marseille en 2012. J’ai aussi soutenu leurs actions. Dans le cadre de la chasse à la baleine par exemple, il ne suffit pas de faire signer des pétitions. Cela dit ce sont des actions spectaculaires, mais en aucun cas violentes. Je dirais même que s’attaquer à des intérêts économiques, à des puissances comme celle des baleiniers, c’est faire preuve de salubrité publique.
Dans la région, le problème des loups est récurrent : les troupeaux de brebis sont dévorés, d’où le mécontentement des paysans. Quelle est votre opinion sur le sujet ?
Ma position est claire depuis longtemps. Je ne crois absolument pas que la cohabitation soit possible entre les bergers et les loups. Cela peut choquer qu’un écolo dise cela, mais j’assume entièrement. J’ai été berger pendant plus de 30 ans et je sais quelle est la réalité qui se cache derrière. Que ce soit pour la viande ou pour les fromages, les bergers sont les garants d’une agriculture paysanne, de qualité, sans produits industriels. Il faut également penser aux gens qui aiment aller en montagne et faire en sorte qu’ils ne désertent pas ces endroits. En fait, une vision a été propagée par les médias, notamment par les films. Celui avec cet « imbécile » de Kevin Costner (Danse avec les loups) par exemple. Cela a donné une image complètement déformée de la réalité. Il faut bloquer l’avancée du loup et aujourd’hui, hormis le tir, il n y a pas de moyen de résoudre le problème.
Comment jugez-vous le travail effectué par l’actuel Ministre de l’écologie ?
Depuis 2012, on en est au quatrième Ministre de l’écologie, cela en dit long. Je suis fatigué d’attendre les propositions de cette soit-disant loi sur la transition énergétique. Aujourd’hui, il y a un vrai problème. Ce n’est pas une question de personnes, mais de volonté politique. Delphine Batho a démissionné à cause des lobbys. Elle en parlera dans un livre qui devrait sortir prochainement. J’ai hâte de le lire, ça devrait être intéressant. J’ai travaillé avec Ségolène Royal sur les OGM lorsqu’elle était présidente de sa région. Sur le gaz de schiste, on a vu qu’elle a réaffirmé ses positions. Concernant le nucléaire j’ai l’impression que les choses ne vont pas aller au bout de la logique qu’elles devaient avoir. On a beaucoup de discours, mais à mon sens peu de choses concrètes. Pour Hollande et son gouvernement, la remise en cause du productivisme n’est pas à l’ordre du jour.
Que diriez-vous aux gens et plus particulièrement aux jeunes pour qu’ils s’intéressent à l’Europe ?
Il y a toujours les banalités autour de l’Europe que l’on peut dire. Mais au-delà des banalités, il y a un truc que l’on peut dire c’est que l’Europe est un processus. Ce n’est pas quelque chose de figé, c’est quelque chose qui est en construction. Alors des fois, on a l’impression que ça avance, d’autres fois non. En termes d’expérience démocratique, c’est un moment tout à fait singulier qui n’est jamais arrivé. C’est vrai qu’il y a encore cent ans on se foutait sur la gueule entre des pays européens qui étaient complètement axés sur le nationalisme. L’idée de l’Europe c’est de dépasser l’idée du nationalisme. Le nationalisme est un vrai danger. On le voit resurgir en période de crise quand certains disent que le repli sur soi est la meilleure solution pour sortir de ces crises. L’Europe doit être un espace de réflexion pour trouver des solutions pour tous. Par exemple, ce n’est pas pays par pays qu’on luttera contre le réchauffement climatique. Face aux banques, face aux multinationales, c’est aussi collectivement que l’on sera capables d’agir parce que le poids d’un pays comme la France, c’est rien par rapport aux multinationales. Pour une vraie démocratie, il faut construire un Parlement qui ait le poids suffisant pour faire face. Et puis l’Europe c’est énormément de gens, donc si, par exemple, au niveau européen tu arrives à faire passer une loi sur la transition énergétique, cela concerne 500 millions de personnes donc c’est une loi qui aura un réel impact sur le climat.
Antoine Lahier
Erwan Schiex
Manon Bazerque
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