Noemya Grohan : « Écrire ce livre m’a sauvé la vie »

Noémya Grohan, jeune auteure de 26 ans, était présente à la 27ème édition du Festival du livre de Mouans-Sartoux. Buzzles l’a rencontrée. Interview.

Pouvez-vous nous parler de votre livre De la rage dans mon cartable ?

Il s’agit d’un témoignage sur le harcèlement scolaire que j’ai moi-même subi pendant mes années de collège, de la 6ème à la 3ème.

Est-ce qu’écrire a été une thérapie pour vous ?

Je dirais qu’écrire ce livre a été plus qu’une thérapie pour moi. Écrire, c’est ce qui m’a permis de survivre, non seulement pendant ces quatre années de harcèlement scolaire, mais également pendant les années qui ont suivi, quand les conséquences ancrées en moi m’ont fait me sentir coincée dans un cercle vicieux, sans issue… Je n’avais plus de confiance en moi, j’étais incapable de me projeter dans l’avenir. Je me suis raccrochée à une feuille blanche et à un stylo, parce qu’à ce moment-là c’était la seule chose qui pouvait me raccrocher à la vie. Écrire, c’est ce qui m’a permis d’évacuer, ce qui m’a permis d’extérioriser ma rage et mon incompréhension. Sans l’écriture, je ne serais peut-être plus là pour témoigner. L’écriture a été un véritable exutoire pour moi. C’est ce qui m’a sauvée. Ce livre en est le reflet.

A la fin de chaque chapitre, il y a des textes de rap que vous avez écrits ! Pourquoi le rap ?

Quand j’étais au collège, j’étais vraiment mal dans ma peau et c’est à ce moment-là que j’ai découvert le rap. Je ne l’ai pas forcément apprécié pour le contenu des textes mais plutôt pour la rage qu’il y avait à l’intérieur. Et j’ai décidé d’écrire mes propres textes par la suite.

Vos professeurs et vos camarades de classe n’ont pas réagi aux violences dont vous étiez victime ! Pourquoi selon vous ?

Pendant toute la période où j’ai été harcelée, aucun de mes professeurs n’est intervenu. J’ai toujours eu l’impression qu’il y avait une certaine indifférence à mon égard mais je pense qu’ils se sentaient démunis face à la situation. A mon époque, ce terme de « harcèlement scolaire » n’existait pas. Les profs ne voulaient pas s’embêter avec ça. Il y en a qui auraient voulu intervenir mais comme ils ne savaient pas vraiment si c’était grave ou pas, ils ne l’ont pas fait.

Près de 10% des collégiens sont victimes de harcèlement scolaire (Crédit photo : D.R)

Près de 10% des collégiens sont victimes de harcèlement scolaire (Crédit photo : D.R)

Est-ce que vous pensez que vos harceleurs étaient des personnes qui souffraient et qui reportaient leur souffrance sur les autres ?

Oui, dans une grande majorité, ce sont des personnes qui souffrent. J’ai eu une confirmation par une fille qui me harcelait et qui m’a dit qu’elle souffrait et qu’elle avait donc reporté sa souffrance sur moi et d’autres élèves. À la base, j’étais tout sourire, je profitais de la vie, j’étais épanouie. Lors de mes interventions, j’essaye de faire passer un message : il y a d’autres moyens d’évacuer sa douleur.

Gardez-vous quand même des bons souvenirs de l’école ?

Pas vraiment. L’école, ce sont mes années de calvaire, comme si j’avais passé des années en prison. J’aimais beaucoup les cours de sport, ça me permettait d’évacuer même si parfois il y avait des actes de harcèlement. Mes années de collège ne sont pas vraiment des bons souvenirs.

Justement, quel regard général portez-vous sur l’école ?

Au sein de l’école, il devrait y avoir plus de valeurs développées : la tolérance, le respect de l’autre, la solidarité. A partir du moment où on respecte l’autre, il n’y a pas de harcèlement scolaire.

Vous avez aujourd’hui un rôle de porte-parole. Est-ce que ce rôle vous plait ?

J’ai vécu beaucoup de souffrances avec des conséquences très dures sur le long terme mais je m’en suis sortie. Et aujourd’hui, j’ai envie de jouer un rôle d’où la création de mon association « Généraction solidaire » et toutes les interventions que je mène au quotidien dans les établissements scolaires. Mon témoignage c’est ce qui me parle le plus alors je m’en sers. J’essaye de faire passer des messages.

Pouvez-vous nous parler de votre association ? Comment réagissent les jeunes à votre témoignage ?

Les jeunes posent à chaque fois des questions très pertinentes, ils se sentent concernés que cela soit en tant que victimes, harceleurs ou témoins. Il est arrivé plusieurs fois que certains élèves soient venus me voir à la fin pour me dire qu’ils étaient victimes ou harceleurs. D’autres, lorsque je parle, se mettent à pleurer. C’est assez bouleversant.

Propos recueillis par Mathilde Brun