«  Un pied à l’Est, un pied à l’Ouest »

Lola Lafon a reçu le Prix des Lecteurs du dernier Festival du Livre de Mouans-Sartoux pour son roman La petite communiste qui ne souriait jamais.

Auteure et chanteuse, Lola Lafon ne manque pas de talent. Pour son quatrième roman, La petite communiste qui ne souriait jamais, elle retrace la vie de la célèbre gymnaste Nadia Comaneci. Si les faits et les dates sont exacts, elle a laissé son imagination compléter le reste. Avec simplicité et sourire, entre ses origines et son succès, l’écrivaine a répondu à nos questions.

Lola Lafon a déjà remporté sept prix pour son dernier roman La petite communiste qui ne souriait jamais. (Crédit Photo : Eva Garcin)

Lola Lafon a déjà remporté sept prix pour son dernier roman La petite communiste qui ne souriait jamais. (Crédit Photo : Eva Garcin)

Avez-vous déjà eu envie de rencontrer Nadia Comaneci  ?

Non, au contraire. J’ai écrit sur une petite fille qui n’existe plus; maintenant elle est devenue une autre personne. La rencontrer m’aurait vraiment troublée. J’ai surtout écrit sur un corps, l’impossibilité de grandir, le passage au corps de femme. Personne n’avait envie de voir Nadia devenir une femme.

Pourquoi ce titre ?

Il m’est tout de suite venu, avant même d’écrire. Depuis que le roman est sorti beaucoup de gens me disent : « Mais pourtant elle souriait, on a retrouvé des photos ! » C’est vrai oui, mais c’est la façon dont les Occidentaux la dépeignaient. Lorsque les journalistes lui demandent de sourire, lors de sa victoire aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976, elle a cette résistance minuscule de ne pas sourire. C’est sa manière de résister.

Vous avez grandi en Roumanie jusqu’à l’âge de 13 ans. Écrire sur votre pays natal, c’était une nécessité pour vous ?

Ce n’était pas une nécessité mais je suis imprégnée par ce pays. J’ai un pied à l’Est, un pied à l’Ouest. Cette dualité m’intéresse beaucoup en raison de ma double culture. Globalement, je trouve qu’il y a une ignorance à l’Ouest de ce qu’est vraiment l’Est. Si on schématise, il y a une Europe riche et une Europe pauvre.

Vous dites : « Ce roman c’est l’histoire d’une Europe qui n’existe plus ». Quelle est votre vision de ce continent aujourd’hui ?

Il y a deux Europe aujourd’hui et l’Ukraine en est la preuve. Ce pays n’est pas très loin de nous. Pourtant, ça semble le bout du monde, comme si on n’avait ici aucune idée de ce qui s’y passe. C’est fou. Cette ignorance me frappe.

Hier encore, vous étiez à Bucarest pour présenter votre livre. Comment a-t-il été reçu ?

J’ai été très intimidée. Nadia Comaneci est une icône là-bas. Tout le monde connaît son histoire. Mais la manière dont je la raconte intéresse les lecteurs.

Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers la chanson ?

C’est une autre forme d’écriture, l’inverse du roman. La musique vient assez vite, implique la participation de beaucoup de monde. Alors qu’écrire un roman est un exercice solitaire. Le travail collectif me fait du bien. J’aimerais me remettre à la musique mais le temps me manque.

Votre dernier roman a déjà remporté sept prix. Comment expliquez-vous ce succès ?

Je ne m’y attendais pas. Quand j’ai annoncé aux éditeurs que j’allais écrire un roman sur une gymnaste roumaine des années 80, ce n’était pas gagné (rires) ! Le questionnement sur le libéralisme et cette autre façon de parler de l’Est ont dû séduire les lecteurs.

Vous avez reçu le premier prix du Festival du livre de Mouans-Sartoux. Que représente ce festival pour vous ?

Ce festival m’est fidèle depuis mon premier livre. Malgré le mauvais départ de mon deuxième roman, j’ai quand même été invitée. J’y suis très sensible. Il est toujours plus facile d’aimer quelqu’un qui a du succès. En outre, ce festival est très varié : des débats, du cinéma…Mais par-dessus tout, il rassemble des gens qui aiment vraiment la littérature.

Avez-vous l’impression d’avoir un parcours particulier pour une écrivaine ?

Je ne sais pas… Peut-être oui. J’ai eu beaucoup de vies : déjà le fait de passer d’un pays à un autre et je n’ai pas fait d’études, je ne sors pas de sciences po. J’ai été danseuse, je suis passée par les squats aussi, et pourtant, j’ai toujours écrit. Ce qui fait de moi, forcément, une personne un peu bizarre dans le monde des lettres.

Propos recueillis par Lara Pekez et Eloisa Patricio