Ello, le réseau social qui veut mettre Facebook sur la touche

Depuis l’explosion des réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui souhaitent aussi tenter leur chance. Le dernier en date ? Ello, un réseau social sans publicitaires et sans publicité : une sorte d’anti-Facebook.

Facebook et les réseaux sociaux de manière générale semblent être entrés définitivement dans nos quotidiens : rien qu’en France, le site de Mark Zuckerberg comptabilise 26 millions d’utilisateurs actifs.

Paradoxalement, Facebook est sur le déclin, les utilisateurs le désertent de plus en plus et se reportent sur des alternatives comme Twitter et Google +. Une étude américaine réalisée par deux chercheurs de l’université de Princeton et publiée dans la revue Arvix il y a quelques mois, nous prédit l’abandon de Facebook par près de 80% de ses utilisateurs d’ici à 2017. Bien que l’étude semble difficile à croire et que l’avenir sera probablement moins obscure que ces prédictions, le déclin de Facebook semble engagé et est une certitude pour de plus en plus de personnes.

Ello. Screenshot accueil du site

Page d’accueil du réseau social ello.co. (Crédit photo : ello.co)

 

Aucun réseau social n’a duré aussi longtemps que Facebook

Ce que de nombreuses personnes semblent oublier, c’est que Facebook n’est pas le premier site de ce genre en date. Créé en 2004 par l’américain Mark Zuckerberg, alors étudiant à la prestigieuse université Harvard, le site s’est très rapidement imposé parmi des concurrents de taille : MySpace, Hi5, MSN Messenger, ou encore Friendster. Qui se souvient aujourd’hui de ces sites ? Peu de gens, pourtant ces services cumulaient à l’époque plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs.

Depuis que Facebook les a détrônés les uns après les autres, il semble irremplaçable, et pourtant un nouveau venu ne l’entend pas de cette oreille.

Il s’appelle Ello, n’est pas encore ouvert au grand public, il a adopté un design très simple et ne compte pour l’instant que 10.000 membres environ. Pourtant, il pourrait bien devenir une référence dans les prochains mois.

Le créateur Paul Budnitz présente son nouveau-né comme l’anti-Facebook. Une alternative moderne, amusante et sans pub lancée en avril dernier

Renouer avec la vraie définition des réseaux sociaux

En s’écartant de ce modèle financier basé sur la publicité qui a fait ses preuves (Facebook a été introduit en bourse le 2 octobre 2013. Les actions avaient été lancées à 50$, elles en coûtent désormais 75), et qui a permis à Mark Zuckerberg de devenir le plus jeune milliardaire au monde, les 7 développeurs d’Ello souhaitent surtout renouer avec la vision traditionnelle, initiale et idéaliste voire utopique des réseaux sociaux : des sites où les faits et gestes de chacun ne seraient pas traqués et revendus.

Mais selon leurs dires, les concepteurs ne souhaite pas concurrencer les géants de l’internet, juste proposer une alternative, Paul Budnitz admet au Monde que « Si nous arrivons à rassembler 100.000 utilisateurs, nous aurons rempli notre objectif. Et si certaines personnes ne sont pas d’accord avec nos choix, tant pis, elles peuvent toujours utiliser Facebook »

Rappelons toutefois que Facebook, Twitter, ou encore WhatsApp (récemment racheté par Facebook) étaient initialement démunis d’annonces publicitaires, mais sont entrés par la suite dans une logique purement commerciale, Ello connaîtra peut-être ce même destin.

Le manifeste : « Manifeste » publié en page d’accueil et dénonçant la publicité sur les réseaux sociaux. (Crédit Photo : ello.co)

Le manifeste : « Manifeste » publié en page d’accueil et dénonçant la publicité sur les réseaux sociaux. (Crédit Photo : ello.co)

« Sans publicité, beau et simple »

La profession de foi du site rappelle ce dont tous les utilisateurs de Facebook sont conscients : leurs données sont stockées et rentabilisées auprès des publicitaires. La défiance de ses utilisateurs est aujourd’hui plus que jamais aiguisée et pousse au péril le grand réseau social, de plus en plus déserté (5,4 % d’utilisateurs en moins en quatre ans).

« Nous croyons qu’il y a une meilleure façon. Nous croyons en l’audace. Nous croyons en la beauté, la simplicité et la transparence. Nous croyons que les gens qui font les choses et les gens qui les utilisent doivent être en communion.
Nous croyons qu’un réseau social peut être un outil de responsabilisation. Pas un outil pour tromper, contraindre et manipuler – mais un lieu pour se connecter, créer et célébrer la vie.
Vous n’êtes pas un produit
. » explique le manifeste.

Là où Facebook commet des erreurs, Ello tente de ne pas les perpétuer. Établi sur aucun revenu publicitaire et uniquement sur des dons, le réseau social veut montrer son côté désintéressé. A première vue philanthrope, Ello n’est cependant pas accessible à tous. Pour s’inscrire sur le site, il faut se faire inviter par d’autres membres qui ne peuvent inviter qu’une vingtaine de contacts.

Lors d’une première visite, l’interface déroute. Minimaliste et épuré, le réseau social a un petit air de ressemblance avec Twitter. Certaines fonctionnalités sont tout de même gardées comme le principe des « followers » et du « following », les profils et les « murs », les commentaires et les photos. Des fonctionnalités qui en font un énième réseau social. Bref, pas de grand changement d’envergure prévu.

Photo. Ello, capture d'écran de l'interface

« Les pages de profil sont épurées mais pas vraiment originales » (Crédit photo : Ello.co)

Le réseau social qui a de l’avenir ?

Il existe depuis plus de 6 mois et pourtant Ello actuellement en stade initial (en version « test ») est toujours en chantier. A vocation de rester privé, le réseau social a connu un tout autre destin ; avec plus de 35 000 demandes d’inscription par heure, il peut prétendre rivaliser avec Facebook et en devenir un concurrent de poids.

Si ce réseau social connaît une affluence de nouveaux inscrits, il peut de même compter sur le soutien de la communauté LGBT. Souvenez-vous, il y a une quinzaine de jours un drag-queen américain se voit interdire sur Facebook d’utiliser un pseudonyme à la place de son vrai nom. A la suite de l’affaire, Ello s’empresse de rappeler qu’il accepte toute sorte de pseudonyme. Le buzz négatif créé par Facebook se conclut en véritable fuite de masse d’un réseau à l’autre.

Toutefois si le nouveau réseau social présente un prototype plaisant, certains ont aussitôt déchanté dès leur inscription. « Profils trop publics » pour certains, « pas si avant-gardiste » pour d’autres, la course à la confidentialité prônée par Ello risque de s’arrêter en deux temps trois mouvements. Lors d’une récente interview de Paul Budnitz qui déclarait « la publicité c’est le diable » (LeMonde.fr), les choses se retournent déjà contre lui. Après avoir fait polémique suite à l’annonce de FreshTracks Capital en mars qui disait détenir l’information que la start-up avait été financée à hauteur de 435 000 dollars par le « Venture Capital », les fondateurs se sont dépêchés de démentir la déclaration.

Il n’empêche que reposer sur une financiarisation basée sur la générosité et la philanthropie n’a pas marché à tous les coups. L’exemple le plus pertinent a sans doute été le cas de WhatsApp qui a réussi à survivre un temps sans publicité avant de se faire racheter par… Facebook. La plupart des réseaux sociaux qui ont commencé à vouloir se distinguer à leurs débuts en n’émettant aucune publicité.

Un site vraiment révolutionnaire ?

D’un point de vue objectif, le site est loin d’être une réelle innovation sur la planète internet, il combine finalement quelques fonctionnalités des autres plateformes mais n’apporte rien de nouveau.

Chaque utilisateur possède son profil (comme sur Facebook), qui est par défaut visible et accessible par tous (comme sur Twitter ou Instagram). Vous pouvez publier du texte et des photos et mentionner d’autres utilisateurs (comme sur Facebook, Twitter ou Tumblr). Et ? Et c’est tout. Le site ne propose que ça. On est finalement bien loin de la palette de fonctions que propose Facebook, par exemple. Le réel intérêt du site est tout autre.

Lucile Moy  et

Cyrille Ardaud