Ce jeune adolescent qui faisait de la Chine son ennemi 

Cela fait maintenant trois semaines qu’ont débuté des manifestations à Hong Kong, réunissant des dizaines de milliers d’individus dans les rues chaque jour.

Joshua Wong s’adresse à une foule de manifestants rassemblés dans le principal accès au centre financier de Hong Kong le 1er octobre 2014. (Crédit photo : CARLOS BARRIA/REUTERS)

Joshua Wong s’adresse à une foule de manifestants rassemblés dans le principal accès au centre financier de Hong Kong le 1er octobre 2014. (Crédit photo : CARLOS BARRIA/REUTERS)

Pour comprendre l’ampleur de ces manifestations, un bref retour dans le passé s’impose. Hong Kong dispose d’un statut particulier depuis 1997, année de sa rétrocession à la Chine qui en fait d’elle une région administrative spéciale de la République populaire de Chine. Par ce statut, Hong Kong a une indépendance politique et financière, elle représente surtout une place financière stratégique pour la Chine car deux tiers de ses investissements étrangers passent par cette région. Autant dire que l’Empire du milieu possède un contrôle très important sur ce territoire et intervient fortement dans sa vie politique.

La cause de ces manifestations est récente : une réforme politique imposée par Pékin a vu le jour le 31 août et prévoit de limiter le choix du futur chef de l’exécutif local. Plus précisément, l’accès au vote est limité à un collège de grands électeurs validé par Pékin, ce qui vient s’opposer à la mise en place d’un suffrage universel pourtant promulgué par l’accord sino-britannique signé en 1997. Cette présence permanente du voisin Chinois dans les décisions qui concernent le territoire pèse de plus en plus sur les Hongkongais et particulièrement les plus jeunes, acteurs principaux de ces manifestations.

Un adolescent, chef des manifestants 

Un sentiment de trahison existe chez les jeunes vis-à-vis du gouvernement qui n’a pas tenu sa promesse de suffrage universelle en 2017. Le chef des mouvements de révolte n’est autre qu’un adolescent se prénommant Joshua Wong. De part sa frêle silhouette et ses tee-shirts un peu trop larges, nul ne saurait imaginer que cet adolescent se distingue comme le leader de cette jeunesse qui a soif de démocratie. Du haut de ses 17 ans, Joshua Wong possède déjà un passé de militant bien rempli. Dès le collège, il s’intéresse aux mouvements d’opposition : résistance à la création d’une autoroute et création d’un salaire minimum en sont quelques exemples. En 2011, le gouvernement lance un programme d’éducation destiné à « promouvoir le sens patriotique et le sentiment d’appartenance à la Chine ». Joshua, âgé alors de 15 ans, refuse cet endoctrinement qu’il qualifie de « lavage de cerveaux ». Accompagné de quelques amis, il fonde le mouvement « Scholarism » en réaction à cette mesure.

Une précocité qui suscite l’admiration 

N’ayant pas encore l’âge de voter, il est certainement un des Hongkongais les plus impliqués dans ce mouvement en faveur de l’obtention du suffrage universel. Joshua Wong, dans une interview accordée au New York Times, explique qu’il a hérité de ses parents son engagement en faveur de la justice sociale et de la liberté. Ces derniers s’étant déclarés publiquement « fiers » de l’action de leur enfant, destinée selon eux à faire de Hong Kong « un meilleur endroit pour sa génération et pour la nôtre ». Le courage et la détermination de ce jeune adolescent suscite l’admiration à Hong Kong ainsi que dans le reste du monde. Ce dernier peut donc compter sur son immense popularité, illustré par ses 200 000 abonnés sur Facebook. De plus, son association, Scholarism, qui ne possède que 130 membres a déjà réussi à faire descendre dans la rue plus de 120 000 personnes pour manifester, ce qui représente déjà une victoire pour le leader de « la révolution des parapluies » (nom donné suite à l’ouverture des pébrocs des manifestants pour se protéger des jets de projectiles et de gaz lacrymogène de la police).
Certains le comparent même à des figures historiques de la révolution tels que Gandhi, Martin Luther King ou encore Wang Dan, l’un des étudiants à l’origine des protestations sur la place Tiananmen en 1989. Cependant, l’intéressé reste humble et modéré quant à ces comparaisons, déclarant même « Je ne vois pas de lien entre Martin Luther King et moi. C’est une figure historique trop ancienne ».

Un manifestant se protège des gaz lacrymogènes en ouvrant ses deux parapluies. (Crédit photo : Xaume Olleros/AFP)

Un manifestant se protège des gaz lacrymogènes en ouvrant ses deux parapluies. (Crédit photo : Xaume Olleros/AFP)

Dans le collimateur de Pékin 

Il va de soit que les actions du jeune adolescent posent problème à la Chine. Le quotidien chinois, Wen Wei Po, fidèle au pouvoir central, affirme détenir un « large faisceau d’indices » démontrant que le jeune homme est un allié des Etats-Unis, contrôlé par « la main noire des forces américaines ». Joshua Wong aurait également visité Macao en 2011 suite à une invitation de la chambre de commerce américaine. Les journaux inféodés au pouvoir le traitent de « bouffon », d’« extrémiste » ou encore d’ « agent américain ». Le 26 Septembre, les images de son arrestation font le tour du monde ; on y voit le jeune homme se faire traîner par des policiers alors qu’il tentait de franchir des barricades au siège du gouvernement Hongkongais. L’adolescent passera quarante heures en garde à vue, pendant lesquelles sa chambre universitaire sera fouillée et plusieurs de ses effets personnels confisqués comme son téléphone portable et son ordinateur, affirme CNN.
Beaucoup d’habitants de Hong Kong s’indignent de ce traitement réservé à celui qu’ils voient comme le sauveur de toute une nation, celui qui pour beaucoup possède l’avenir de la région entre ses mains. Joshua Wong reste cependant lucide et réaliste, conscient que son projet peut être perçu comme trop ambitieux. Mais cela n’est il pas le principe fondateur d’une « révolution » ? Sur un ton ferme et offensif, il affirmait dernièrement : « le gouvernement a répondu à notre demande de dialogue, mais rien n’a changé et nous ne faiblirons pas ».

L’adolescent apparaît de plus en plus déterminé dans ses apparitions médiatiques, malgré un léger essoufflement dans les manifestations de ces derniers jours, où de nombreux étudiants, exténués, ont regagné leurs salles de cours. Quoi qu’il en soit, retenez bien ce nom, car Joshua Wong n’est qu’au début de son combat et ce jeune homme fera sans doute parler de lui dans les années à venir.

Sacha Zylinski