Épopée cycliste en Europe du nord

Clémence et Laurine se sont rencontrées au lycée, en classe sport. Elles se sont fait une promesse : « Un jour, on partira faire le tour du monde à vélo »

Photo1-Normandie

Dix ans après, ce projet voit le jour, mais ce sera l’Europe du Nord. Clémence a obtenu son diplôme d’ingénieur AgroParisTech puis a travaillé en Allemagne, Laurine est guide de moyenne montagne. Leur cursus terminé, quelques économies en poches, elles décident de partir. Six mois, peut-être huit. Finalement ce sera 15 pays traversés, soit un total de 12 500 Km. Parties le 1er mai 2014 de Besançon, elles ont traversé la France, l’Angleterre, l’Irlande, l’Écosse, la Norvège, la Suède, la Finlande, ont fait un passage en Russie puis ont continué par les pays Baltes, la Pologne, la Slovaquie, la boucle se termine aujourd’hui, le 25 octobre. Elles seront accueillies lundi à la mairie de Besançon.

Des journées différentes

Chaque soir les deux amies ne savent pas où elles vont dormir, elles avisent avant la tombée de la nuit. « Weg ist das Ziel » ce qui signifie en français « Le chemin est aussi important que le but », cette vision des choses change par rapport au quotidien habituel. Ce n’est pas la complainte occidentale du « métro, boulot, dodo », pendant ces quelques mois les jeunes femmes apprennent à relativiser. Elles profitent du temps qui passe, d’un voyage qui applique la philosophie du « Carpe Diem » d’Horace. Il est obligatoire de se recentrer sur l’essentiel, d’oublier le superflu, lorsqu’il faut tout porter sur le vélo, il ne sert à rien de s’encombrer et de s’alourdir (Sans l’achat du matériel, le budget est d’environ 1 500 euros/personne pour les 6 mois). Elles ne possèdent pas de GPS, et n’accèdent que rarement à internet dans les cyber-café, c’était un choix de s’éloigner de la technologie, « S’affranchir des liens de l’hyper-connection nous met parfois en difficultés mais nous fait aussi accéder à une simplicité de vie », raconte Clémence.

 

L’effort physique

Pour partir six mois en pédalant 100 Km par jour, il faut du courage… et de l’habitude. Pour Laurine, « Se déplacer à la seule force de nos mollets et de notre volonté, il y a la satisfaction de l’effort accompli, surtout pour les cols ! ». Ainsi elles offrent à leur esprit un temps de répit où le corps prend le relais, devenu nécessaire pour chacune des tâches de la vie quotidienne : monter et démonter tous les jours la tente, plier chaque jour bagage, nettoyer les vêtements sans l’aide d’une machine à laver. Cela tranche avec le quotidien fait presque uniquement de travail intellectuel où le corps se laisse oublier sur une chaise et l’esprit ne peut trouver le repos, incessamment sollicité par les tâches de l’apprentissage et de l’administratif, « Nous avons ainsi une meilleure connaissance de nous-même, de nos limites ». Pour avoir le temps d’admirer le paysage et de s’imprégner des ambiances des lieux traversés Laurine et Clémence avancent à leur rythme (qui n’est pas des moindres !). Le bilan médical : une chute sans gravité, elles sont en pleine forme. Par contre il y a quelques problèmes mécaniques au compteur, trois crevaisons pour Laurine mais zéro pour Clémence. Des rayons cassés, changement de la cassette, d’un plateau et de la chaîne pour les deux vélos après 9 000 km.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

 

Immersion dans la nature

« Nous abordons les panoramas, les couleurs, les bruits, les odeurs comme si nous faisions partie du paysage ! ». Les bivouacs sont souvent en sauvage, dans la campagne (légal en Norvège et en Suède) « le vélo offre la proximité avec la nature, si vous voyagez en bus, voiture ou avion vous arrivez dans des villes ». Elles ont eu la chance d’observer des lagopèdes, des macareux moines et des dauphins en Norvège. Vivre dehors 24h/24 amène ses joies (couchers de soleil, vols d’oies sauvages…) et ses imprévus (violents orages, vent contraire…). Il faut faire face aux conditions météorologiques sans échappatoire possible : cela demande une capacité d’adaptation à chaque situation.

 

Rencontres

La solidarité entre cyclistes est également omniprésente, Clémence et Laurine se sont fait beaucoup d’amis sur la route. Il est utile de parler anglais, allemand, ou d’avoir recours aux gestes pour pouvoir communiquer. L’approche du pays devient plus humaine et les habitants les ont plongées dans leur culture. A Kuopio, ville finlandaise jumelée avec Besançon, elles ont présenté leur périple aux membres du cercle franco-finlandais, pour Laurine « c’est très enrichissant ce partage des cultures, on échange dans les deux sens ».

En six mois, elles ont vécu beaucoup de belles choses et même avec peu de bagages, elles reviennent, les sacoches pleines de souvenirs :

Départ de Besançon, le 1er mai. Clémence et Laurine autour de la statue de Jouffroy d’Abbans.

Départ de Besançon, le 1er mai. Clémence et Laurine autour de la statue de Jouffroy d’Abbans.

 

Quels ont été vos moments les plus difficiles ?

Heureusement ils ont été assez rares, nous avons eu peu de galères, nous étions préparées à cet effort et à ce mode de vie, et nous savons nous adapter. Mais je me souviens de la piste cyclable anglaise qui nous a dirigé sur la voie d’arrêt d’urgence de l’autoroute ! On a eu un sentiment d’insécurité car les voitures roulaient vite…. c’était très dangereux. Sinon il y a eu aussi quelques tunnels en Norvège, quand les véhicules nous frôlaient.

Et vos beaux souvenirs ?

La vue sur les falaises d’Etretat, les baignades dans la mer en Irlande, les cols en Écosse, les bivouacs sauvages sur les côtes de fjords en Norvège, nous pouvions admirer le soleil de minuit,  les rencontres de cyclistes venus des 4 coins de l’Europe au cap nord, l’apprentissage de la pêche avec des autochtones en Finlande, les feux de camps avec des voisins en Pologne…

« Le voyage à vélo nous a permis de nous reconnecter avec la notion de kilomètres et de temps » évoque Clémence. Alors que les moyens de transports rapides abolissent les distances cette randonnée leur donne l’opportunité d’avancer à leur rythme et à celui des découvertes le long du chemin, de manière écologique, non polluante. Prendre le temps, offrir l’hospitalité, persévérer, vivre en respectant la nature, Clémence et Laurine en ont pris conscience lors de ce périple. Le voyage à vélo, de part sa spontanéité et sa simplicité, permet d’atteindre un haut degré de liberté et d’inattendus moments de partage.

Raphaëlle Daloz et Manon David

Revivez leur aventure sur http://epopeecyclisteeneuropedunord.wordpress.com/