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L’information scientifique comme bien public
Lors des Assises du journalisme en octobre, un atelier professionnel sur la vulgarisation de l’information scientifique s’est tenu. De quoi s’interroger sur la dimension publique des travaux des chercheurs.
« Il y a toujours eu une défiance réciproque entre journalistes et académiques » lance Arnaud Mercier, directeur d’Obsweb en préambule de l’atelier. Le langage codifié des chercheurs et la longueur des articles publiés dans les revues spécialisées ont de quoi décourager la plupart des individus. C’est alors que le rôle du journaliste prend tout son sens. Médiateur ou vulgarisateur, sa mission n’est pas aisée : il s’agit de rendre intelligible des travaux complexes en restant fidèle à la finesse de la pensée du chercheur.
Si certains d’entre-eux se méfient de la vulgarisation journalistique, c’est avant tout à cause de « la peur de la trahison conceptuelle » soulève Arnaud Mercier. Une crainte qui s’explique certainement par le faible temps d’antenne accordé aux chercheurs pour développer leurs propos.
Le partage du travail des scientifiques a une dimension citoyenne. Ce que l’enseignant-chercheur n’a pas manqué de confirmer : « En tant que chercheur pour le ministère de l’enseignement supérieur, on relève du service public, et à ce titre, on se doit de rendre compte de nos travaux. Au-delà de la vulgarisation journalistique, nous nous devons aussi de partager nos travaux lors de rencontres avec le public, comme les cafés scientifiques. »
Pour Gilles Dowek, chercheur à l’INRIA, la vulgarisation est devenue fondamentale depuis une vingtaine d’années. «Désormais, la science est clairement au cœur du débat public. Le no man’s land entre le savoir des savants et celui des profanes est désormais peuplé par les encyclopédies ». Il poursuit : « le discours vers le grand public n’est plus simplifié à l’extrême. Il suffit de s’attarder sur les forums, certains sont capables de nuancer des propos complexes, donc de les comprendre ».
La vulgarisation est un enjeu démocratique important. Si la restitution du fond de la pensée des chercheurs est une question cruciale, celle de sa forme pourrait prochainement nourrir les débats. Celya Gruson-Daniel, ingénieur de recherche en charge des MOOC au Centre Virchow-Villermé, a interpellé ses interlocuteurs : « Il va falloir se poser la question des supports visuels pour rendre audibles des problématiques complexes ». L’innovation technologique a déjà largement pénétré le milieu du journalisme, et l’enseignement et la recherche semblent emprunter le même chemin, non sans difficultés.
Si le dialogue entre chercheurs et société civile semble important pour les citoyens, il l’est également pour les chercheurs eux-mêmes. Ces derniers semblent souffrir d’un manque de reconnaissance de la part de la société, comme en témoigne le mouvement « Sciences en marche » qui réunissait plusieurs milliers de chercheurs sur Paris ce vendredi 17 octobre.
Jérémy Satis
Plus d’articles sur http://assisesdujournalisme2014.wordpress.com/
Là vous abordez un vrai sujet, et pas simple en plus.
La complexité du sujet est du à la diversité. Qu’appelle-t-on finalement la science aujourd’hui? Avec l’évolution des sciences humaines et l’apparition de nouvelles sciences ou technologies telle par exemple l’informatique, on dépasse très largement le cadre des sciences « traditionnelles ». (mathématique, Physique, chimie et biologie au sens large (biologie animale, végétale, biochimie, médecine, agronomie…).
L’idéal serait d’informer dans tous les domaines, mais est-ce réaliste? Quel média serait capable d’un tel exploit? et quelle serait sa cible de clientèle?
On a déjà en France quelques titres qui se « frottent » à ces sujets, presse grand public (ex; sciences et avenir) ou presse plus spécialisée (ex la recherche ou le Bulletin technique d’agronomie…). Mais il me semble, au risque de me tromper que leur diffusion est très limitée.
Quand on parle de vulgarisation, on parle de grand nombre, et peut-être est-ce la limite de la presse papier sur ce type de sujet. L’outil le plus adapté à la vulgarisation me semble aujourd’hui être la TV, car internet demande un effort de tri de l’information sans parler de la qualité.
Que les journalistes prennent à bras le corps ce challenge me réjouis. Que les chercheurs acceptent de quitter un instant leurs paillasses pour communiquer, c’est formidable.
Reste un problème majeur, la science depuis quelques décennies est le parent pauvre de l’enseignement secondaire, et ce malgré les cris d’alarme de nos Nobel successifs (Particulièrement Georges Charpak et Pierre Gilles de Gênes).
Mais il est vrai que dans ce domaine, toute initiative nouvelle sera bonne à prendre. Ne serait-ce que pour générer de nouvelles vocations parmi la jeunesse, pour la recherche. C’est essentiel pour l’économie de notre pays.