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Un monde d’hommes, le journalisme ?
En dépit des progrès effectués ces dernières années, les inégalités entre hommes et femmes persistent. Qu’en est-il pour les journalistes ? Ce samedi 18 octobre, l’atelier « La place des femmes dans les médias » tentait de répondre à la question aux Assises du journalisme de Metz.

« Ruth Elkrief, présentatrice emblématique de BFM TV, était venue échanger lors de cet atelier. (Crédit photo : Mathias Hubert)
Les Assises du journalisme sont l’occasion pour la profession de prendre le temps de se scruter. À travers cette autocritique et les chiffres fournis par les observateurs du secteur, il apparait que – comme dans l’ensemble de la société, les femmes sont souvent déconsidérées dans un monde qui reste culturellement dominé par les hommes. Même si les évolutions sont là (53% des nouvelles demandes de carte de presse sont formulées par des femmes), le chemin à parcourir reste long.
Marlène Coulomb-Gully, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse 3, explique qu’une étude portant sur la femme journaliste dans les JT et les JP (journaux parlés) montre que la présence féminine (reportage ou présentation) a tendance à baisser sur les plateaux. En un trimestre étudié, les chaines « historiques » (TF1, M6…) ont perdu 2% de présence féminine. A contrario, le pourcentage général est en hausse sur les ondes (+4.4% ). La palme revenant à RMC avec + 8.7% d’augmentation. Elle fait remarquer que « tous les médias ne se valent pas. La télé reste plus ouverte, arrive ensuite la radio ».
« Historiquement, la voix féminine n’est pas porteuse d’information, n’est pas légitime » déplore Marlène Coulomb-Gully. Thierry Thuillier, directeur des programmes de France 2, renchérit : « Il y a un travail de persuasion plus important à fournir pour les femmes. Elles doivent se justifier, montrer patte blanche. Comme pour les femmes politiques, on les juge plus rapidement ».
Les femmes doivent agir

Thierry Thuillier, directeur des programmes de France 2 : « Je nomme beaucoup de femmes à des postes de responsabilité ». (Crédit Mathias Hubert)
Au fil de l’atelier les différents intervenants semblent tous être d’accord sur un point : pour briser ce cercle, l’impulsion doit aussi venir des femmes et de leur façon d’appréhender leur carrière. Ruth Elkrief, présentatrice phare de BFMTV, explique : « la stratégie de pouvoir des femmes n’est aujourd’hui pas assez claire. Il faut élever les filles dans l’idée qu’elles peuvent accéder au pouvoir ». Annette Young, journaliste et animatrice de The 51 percent sur France 24, déclare : « les femmes doivent savoir qu’elles sont capables d’être aussi efficaces que les hommes ».
Il semblerait donc qu’il appartienne aussi aux femmes de mettre fin à cette situation. Mais ne serait-ce pas également aux rédacteurs en chef, voire à l’État, de réglementer cette question ? Thierry Thuillier estime que la profession doit être capable de se régenter elle-même, sans injonction aucune du gouvernement. À la question d’Annette Young « ne faut-il passer par des lois pour obliger les rédacteurs en chef à embaucher plus de femmes ? » il répond qu’il « faut utiliser le management. Je préfère que l’ensemble d’une entreprise adhère à certaines valeurs plutôt que d’y être obligé par une loi ».
Les inégalités salariales existent aussi dans l’industrie médiatique. Si la parité est respectée dans les postes à faible responsabilité, elle décline en grimpant les échelons hiérarchiques. Une différence de 300€ du salaire médian à poste égal (CDI) a été observée. Pour un poste de rédacteur en chef, l’écart passe à 553€ par an. Ruth Elkrief estime que « le combat doit être mené de la même façon que partout. Les médias n’échappent pas à la règle ». Marlène Coulomb-Gully complète : « Les femmes vont moins souvent négocier leur salaire, car elles attendent que leur talent soit reconnu. L’histoire nous a montré qu’il n’y a jamais rien d’acquis. Sur ce plan là, il faut toujours garder sa vigilance ».
La rédaction a rencontré Marlène Coulomb-Gully après l’atelier. Elle répond à nos questions.
Y a-t-il des femmes en haut des hiérarchies médiatiques ?
Quel chiffre vous paraît le plus parlant pour exposer la situation des femmes dans les médias ?

Manon David
Mathias Hubert