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Entretien avec un pirate
À l’occasion de la venue de Paul Watson lors du dernier Festival du livre de Mouans-Sartoux, le fondateur de l’association Sea Shepherd) a rencontré la rédaction de Buzzles. Interview fleuve avec la participation de Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France).
Vous venez de terminer une campagne de sauvegarde des dauphins aux Îles Féroé pour éviter leur massacre par les pêcheurs. Les autorités des Îles Féroé ont poursuivi votre équipage en justice et ont saisi vos bateaux. Quelles sont les nouvelles du procès ?
Lamya : On attend le procès du 13 octobre. Les membres de notre équipage risquent de n’avoir plus le droit de remettre les pieds aux Îles Féroé pendant un an. Et pour l’instant on ne sait pas trop ce qui va se passer. On ne sait pas si on va récupérer les bateaux ou pas qui ont été confisqué par la justice féringienne. ( le procès maintenant terminé, les équipes de Sea Shepherd ont pu récupérer leurs bateaux et quitter les Îles Féroés).
Vous êtes plutôt confiants par rapport à ça ?
Lamya : On pense que ce serait vraiment excessif qu’ils gardent les bateaux pour ça. De toute façon si on perd on fera appel auprès de la Cour européenne. On ne lâchera pas.
On sait que Brigitte Bardot est l’un de vos soutiens en France. Il y a même l’un de vos bateaux qui s’appelle comme ça. Récemment elle a eu des propos par rapport au Front National qui ont fait polémique ici. Quelle est votre position par rapport à ça ?
Paul : La protection des océans, c’est quelque chose qui concerne absolument tout le monde, quelles que soient les opinions politiques des uns ou des autres. Je suis un adepte de l’écologie profonde ce qui veut dire que ce qui m’intéresse, et ce sur quoi je m’engage, c’est notre rapport à la nature et nos rapports avec les autres espèces et non pas nos rapports entre nous. Et une chose qu’on ne peut pas enlever à Brigitte Bardot, c’est qu’elle a été vraiment dévouée et qu’elle a donnée énormément à la cause animale dans le monde. Il y a très peu de gens qui le font donc je lui en suis très reconnaissant.
En parlant de politique, il y a sur le Festival quelques écologistes comme José Bové ou Daniel Cohn-Bendit, quelles sont vos relations avec eux ?
Paul : Je connais bien José Bové et Daniel Cohn-Bendit. Je les ai rencontré, j’ai déjeuné avec eux, je les respecte beaucoup et nous travaillons ensemble depuis maintenant plusieurs années.
José Bové fait partie des personnes qui ont signé une pétition pour que vous puissiez venir en France malgré votre inscription sur la liste rouge d’Interpol. Quel est votre sentiment vis-à-vis de ce genre de soutien ?
Paul : C’est l’une des raisons pour lesquelles je viens en France. C’est parce que José Bové, Nicolas Hulot, et beaucoup d’autres personnes ont signé cette pétition. Je peux maintenant venir en France en toute sécurité. Et j’ai vraiment apprécié ce geste de leur part qui a permis de clarifier la position de la France à mon égard.
Ici, il y a collectif Anti-Marineland qui fait beaucoup parler de lui en ce moment et qui multiplie ses actions. Comment vous sentez-vous impliqués dans ce genre de combats ?
Paul : Sea Shepherd est contre le fait de garder des dauphins, des orques, des baleines ou d’autres animaux en captivité. Ces delphinariums sont directement reliés aux massacres des dauphins au Japon. Ces endroits doivent êtres fermés. Les gens disent que ce sont des endroits populaires et qu’ils aiment aller se divertir là bas. Mais moi ça me rappelle le Colisée à Rome et les combats de gladiateurs dans les arènes de l’Antiquité pour lesquels les gens disaient la même chose : qu’ils trouvaient ces endroits populaires et qu’ils aimaient aller se divertir là bas. Ce n’est pas parce que c’est une chose qui amuse les gens que c’est une bonne chose.
Ne pensez-vous pas que justement il y a un problème de communication autour de tout cela. Car peut-être que les gens qui vont dans ce genre d’endroits aiment réellement les dauphins et les animaux marins, mais ils ne se rendent tout simplement pas compte de tout ce qui se cache derrière les delphinariums ?
Paul : Je pense qu’à notre époque, dans notre société, l’ignorance est un choix. L’information est accessible à tous ceux qui le souhaitent. Mais il est plus facile d’être dans le déni. Et beaucoup de personnes font le choix d’être dans le déni.
Pamela Anderson est venue faire une conférence lors de votre action aux Îles Féroé. Est-ce que c’est important pour vous d’avoir le soutien de personnalités ?
Paul : Nous vivons dans une société très médiatique, ce qui veut dire que pour agir vous avez besoin d’avoir avec vous des personnes qui sont respectées dans cette culture médiatique. C’est à dire des célébrités. Cela permet de faire passer des messages. Et aujourd’hui c’est vrai que certains mannequins ou acteurs, dont le métier est de prétendre être ce qu’ils ne sont pas,sont les gens qui ont le plus de crédibilité. Donc c’est quelque chose avec lequel on doit composer. Et puis Sea Shepherd ne peut pas perdre parce que nous avons avec nous Richard Dean Anderson, William Shatner, Sean Connery, Pierce Brosnan et Christian Bale. Nous avons avec nous Batman, deux James Bond, Capitaine Kirk et Mac Gyver ! Comment pourrions-nous perdre ?
Vous serez prochainement sur les conventions de tatouage de Nantes et Perpignan. Pourquoi choisir ces événements plutôt que d’autres événements à portée plus écologiste ?
Paul : Parce que ce qui fait la force de notre communauté c’est sa diversité. C’est pourquoi nous essayons de parler à différents groupes : celui de la plongée, du yachting, du surf, du tatouage, de l’art, de la mode, … Et nous devons arriver à intéresser toutes ces personnes parce que nous avons besoin de cette diversité pour changer les choses.
Il y a 20 ans, le Time Magazine vous a élu comme l’un des plus grand héros écologistes du XXe siècle, certains de vos ennemis vous définissent comme un pirate voir un éco-terroriste. Est-ce que vous accordez de l’importance au statut que l’on vous donne ?
Paul : Je me fiche de ce que l’on dit de moi. De toute façon je pense que l’on ne fait rien dans ce monde sans s’attirer des ennemis. Et le fait qu’on ait autant d’ennemis que de supporters c’est quelque chose dont on est finalement plutôt fiers parce que ça prouve qu’on change les choses. Certains sites ou pages facebook sont simplement là pour nous attaquer et nous critiquer, c’est assez flatteur finalement.
Vous apparaissez dans un fameux épisode de South Park avec les Sea Shepherd. Un épisode dans lequel ils n’ont vraiment pas été tendres avec vous. Comment avez-vous réagi par rapport à ça ?
Paul : South Park n’est tendre avec personne. Mais en faisant ça ils nous placent dans la même catégorie que Tom Cruise, Sean Penn ; c’est plutôt positif pour nous : ils nous rendent visibles au public. Et ils ont aussi montré les baleiniers japonais comme de grands démons.
C’est donc presque un honneur d’avoir été critiqués par South Park ?
Lamya : Oui, tout à fait, c’est une sorte de reconnaissance.
Paul : Oui, ça veut dire qu’on fait partie de la culture populaire maintenant. Ça n’a pas vraiment d’importance ce qu’ils disent. Vous savez un jour Oscar Wilde a dit : « La seule chose pire que quelqu’un qui dit du mal de vous, c’est que personne ne parle plus de vous. »
Antoine Lahier
Paul Kempenich