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L’excellence de la lutte niçoise
Au cœur de la capitale azuréenne, dans la vieille ville se trouve une fabrique de champions. Le lutte club, centre de formation, brille au niveau national et international.
Combattre sur le tatami pour mieux se relever des épreuves de la vie. L’un des enseignements de la pratique de la lutte. Dans la salle Henri Deglaine, ils sont une dizaine, ce vendredi, à venir se défier les uns les autres. Âgés de 13 à 20 ans, cadets et juniors du club vont répéter inlassablement les mêmes gestes et les mêmes prises, deux heures durant. « D’habitude nous sommes une trentaine, mais la plupart pensaient que nous axerions l’entraînement sur du physique » s’amuse le coach, Ali Toumi. Toute sa vie, le Niçois a arpenté, piétiné le tatami. Désormais c’est depuis le bord de celui-ci qu’il officie. « Il s’agit là de lutte libre. La discipline la plus populaire dans le monde. Le but du jeu : mettre son adversaire sur le dos directement ou gagner grâce aux points techniques, c’est-à-dire grâce aux prises effectuées » précise l’entraîneur. Il poursuit : « Ne pas faire mal aux autres et ne pas se faire mal est l’une de nos devises. D’ailleurs c’est un sport dans lequel peu d’accidents surviennent. Car aucun muscle du corps n’est relâché pendant le combat ». Quelques blagues s’échangent entre l’encadrant et ses apprentis. Puis tout le monde rentre sur le tapis de combat. Dès l’échauffement le ton change. Place au sérieux. La séance peut démarrer.

Ali Toumi (à gauche) dirige et accompagne les jeunes lutteurs depuis maintenant 11 ans. (Crédit Photo : Erwan Schiex)
Près du tatami, monsieur Bellet observe avec attention son fiston Corentin. « Nous sommes présents en tant qu’invités car mon garçon s’entraîne habituellement à Saint-Laurent-du-Var. Mais une fois qu’on est le meilleur dans son club, il faut trouver des « sparing partners » à sa portée ailleurs ! » s’exclame l’homme. « Ce club est le meilleur de la région et l’un des meilleurs de France. C’est une chance de pouvoir pratiquer ici » conclut le père, entre deux encouragements envers son adolescent. Des trophées, les cadets et les juniors niçois en raflent régulièrement depuis plus d’une vingtaine d’années. Tournois régionaux, nationaux, européens se concluent sur un florilège de récompenses tous les ans. Le club de Nice compte également dans ses rangs le champion du monde junior.
L’étoile montante de la discipline
Zelimkhan Khadjev a 20 ans. A Zagreb (Croatie) en août dernier, le jeune Niçois s’est offert le titre suprême dans la catégorie des moins de 74 kg. Tout juste rentré de Paris et de l’INSEP où il s’entraîne désormais, le garçon, quelque peu en retard souhaite prendre part à la séance. « Je prends toujours du plaisir ici, chez moi, même après une grosse semaine de travail » lance-t-il. Tchétchène d’origine, Zelimkhan explique pourquoi ce sport lui est si cher : « En Tchétchénie la lutte est reine. C’est le sport national, le sport traditionnel. Lorsque j’étais petit, mon grand frère m’emmenait lutter au lieu de m’apprendre à jouer au foot par exemple ». Arrivé dans l’hexagone à l’âge de 10 ans, il n’a cessé d’enchaîner les victoires et de figurer parmi les meilleurs de sa génération. Un parcours prometteur. Multiple vainqueur des championnats de France, il a obtenu plusieurs podiums aux championnats d’Europe, avant de remporter les jeux de la francophonie dans sa ville l’année dernière. Fier de porter haut les couleurs de son pays d’adoption, il se présentera en septembre 2015 aux championnats du monde, chez les grands, qui se dérouleront à Las Vegas. Son objectif : terminer dans les 8 premières places, synonyme de qualification directe pour les JO de Rio la même année. « C’est un athlète naturellement doué, mais extrêmement travailleur. Il ne se repose jamais sur ses acquis. Nous avons tous foi en lui » reconnaît Ali, qui l’a vu grandir et s’épanouir dans la lutte.

S’entraîner dans son club formateur : un plaisir partagé par le champion du monde, ses camarades et son entraîneur. (Crédit Photo : Erwan Schiex)
Une génération talentueuse

Les jeunes athlètes multiplient les combats et se donnent à 100 % durant la séance. (Crédit Photo : Erwan Schiex)
Sur le tapis de lutte, les combats s’intensifient sous la houlette du coach Toumi, qui prodigue ses conseils. Entre deux affrontements, ce dernier confie : « Il est vrai que nous sommes un club formateur, une sorte de rampe de lancement. Mais nous avons entre les mains une génération en or (nés en 94-95 ndlr). Ces jeunes-là sont très performants, à l’image de Zelim. Que ce soit le président ou les éducateurs, nous nous sommes beaucoup investis pour eux. Ce qui est beau c’est qu’aujourd’hui ils nous le rendent bien ». Parfois avancé, l’argument qui voudrait que les champions en devenir soient tous issus d’une génération de jeunes originaires de Tchétchénie est réfuté par le champion du monde : « même si nous sommes beaucoup à venir de ce pays, en particulier à Nice, nous ne sommes pas forcément tous des futurs médaillés français. Nous sommes forts chez les cadets et les juniors mais pour le rester au niveau senior, il est nécessaire de s’entraîner dans une structure plus encadrée et plus professionnelle ». S’il s’est imposé comme l’un des meilleurs centres de formation, le lutte club de Nice est également une école de la vie. Car derrière le spectacle procuré par l’affrontement de deux individus, sont enseignés le respect, la vie en collectivité et la combativité.
Erwan Schiex