Demain, un mot qui fait peur

La peur de demain était le thème de la deuxième table ronde des Rencontres de Cannes.  Retour sur un débat à la teneur philosophique.

« Le temps humain est le seul temps où il y a un primat de l’avenir », lance Ollivier Pourriol, se référant au philosophe G. Hegel. L’écrivain et agrégé de philosophie explique que le souci du lendemain est quelque chose de proprement humain. L’homme a peur du futur … et a donc la fâcheuse tendance à se réfugier dans l’amour du passé : un terrible danger pour Frédéric Ferney. « Les deux problèmes essentiels sont la nostalgie morose et la lamentation », pose l’écrivain et critique littéraire. Ce dernier souligne aussi le fait que, de peur que les événements se répètent, l’homme entretient l’angoisse d’hier. Relancé par Olivier Biscaye, directeur des rédactions du groupe Nice Matin et modérateur du débat, Frédéric Ferney constate que cette défaillance est un mal français : « on est le pays le plus morose et le plus pessimiste d’Europe ».

Un manque de confiance en l’avenir

Poser la question de la peur, c’est poser la question de la mondialisation, du terrorisme, d’Ebola, du chômage ou encore de la montée du Front National. Sur ce point, Frédéric Ferney pense qu’il y a un usage politique de la peur : « c’est une façon de vivre et de gouverner. Une constante des Etats autoritaires mais aussi des démocraties qui vont mal ». La journaliste Michèle Cotta, également présente lors de cette deuxième table ronde, a d’ailleurs fait remarquer qu’on ne fait rien contre la peur. D’où son interrogation : « est-ce que la démocratie est le système politique le mieux fait pour rassurer les gens ? » Peut-être pas, répond-elle. Et d’ajouter : « c’est le seul qu’on ait trouvé pour l’instant. » Le problème majeur, pour la journaliste, est le manque de confiance en l’avenir. Selon elle, les citoyens ne se sentent pas assez responsables de ce qui va arriver. Mais alors, la faute à qui ? La faute aux hommes politiques qui n’ont pas assez de force et de représentation. La faute à l’ignorance, « la plus grande peur » pour Michèle Cotta, qui assure que la seule réponse à cette épineuse problématique est le savoir.

Un manque de temps et de courage

S’il est aussi difficile de tenir un discours politique aujourd’hui, c’est à cause du manque de temps. Michèle Cotta le soutient : « l’homme politique n’a plus le temps de rien et cela influe sur l’opinion ».  La journaliste évoque, par exemple, les critiques qu’a connues Christiane Taubira immédiatement après sa proposition de loi concernant la réforme des prisons. Emery Doligé, conseiller média,  confirme cette tendance : « le temps est inversé ; on est dans l’immédiat et le sensationnel ». Pour affronter cette peur du temps qui fuit, la solution proposée lors du débat est d’être courageux. « Le seul remède est l’action. Le tout est d’être prêt pour affronter le lendemain », garantit Frédéric Ferney. Pour lui, rien ne sert d’espérer, il faut avancer. Malgré une conférence au ton plutôt pessimiste, on retiendra ce proverbe insufflé par Frédéric Ferney :  « Si tu avances, tu meurs ; si tu recules, tu meurs. Pourquoi reculer ? »

Camille Degano