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Sebastião Salgado, déchéance et existence dans l’objectif
Sebastião Salgado est un homme qui a parcouru le monde, qui a éternisé ce qu’il avait de plus repoussant et ce qu’il avait de plus édifiant. Son riche parcours et son œuvre photographique ont été mis à l’honneur à l’occasion de la sortie du film “Le Sel de la Terre” le 15 octobre 2014.

En Zambie, les éléphants fuient l’Homme qui le chasse. Salgado l’illustre dans “Genesis” (crédit photo: Sebastião Salgado)
Salgado a longtemps capté la souffrance. Il l’a subie de plein fouet, aussi, en l’immortalisant cliché après cliché. Jouant énormément sur des regards souvent dépités, apeurés, parfois même éteints, le photographe absorbe toute cette douleur humaine, comme l’explique ce film d’ailleurs salué par la critique. La perception du monde qui l’entoure, Salgado l’a tout d’abord acquise en étudiant l’économie et la sociologie à Paris, après avoir quitté sa terre natale, le Brésil. Puis c’est finalement à Londres qu’il prend goût à la photographie. De retour chez lui, il débute son immense parcours dans les mines d’or du Brésil, où il immortalise les dures conditions de travail dans ces fourmilières géantes. Ces impressionnants clichés, tous pris en noir et blanc, resteront une des marques de fabrique du photographe, ils inaugurent “Le Sel de la Terre”. Ce reportage dans les mines est le préambule du douloureux périple de Salgado dans un monde tourmenté par les conflits, les exodes, la maladie, les guerres, et qui va l’amener à arpenter l’Afrique.
Le photographe, qui entremêle son questionnement de la société, de la vie humaine avec sa passion, est un modèle de photojournalisme, même s’il ne se considère pas comme tel. « Les gens m’ont dit que j’étais un reporter photographe, que j’étais un photographe engagé. Ce n’est pas vraiment tout ça. La photographie, c’est une façon de vivre » déclarait l’intéressé sur France Inter le 17 octobre. “Le Sel de la Terre” montre effectivement que Salgado est avant tout à la recherche de l’esthétisme. Mais bon nombre de ses clichés, en particulier ceux qui composent “Exodus” et “Sahel », la détresse de l’Homme” reflètent un message profond, engagé, et font de ses œuvres une mise en lumière d’un appel à l’aide de l’humanité.
Un hommage à la beauté de la planète
Ce film, qui ne trahit pas ce côté militant, nous transporte d’un coin à l’autre du globe, suivant la chronologie des œuvres de l’artiste. Les réalisateurs, Wim Wenders et Juliano Salgado, le fils du photographe, ont conçu la majeure partie de leur création sous forme de diaporama. Le public est porté par les photos qui s’enchaînent, agrémentées par le français à l’accent sud-américain de Salgado qui commente ses reportages et dont le visage, en noir et blanc, apparaît parfois à l’écran. Et lorsque la puissance de l’image, l’insoutenable réalité de ses clichés devient étouffante, le film
change du tout au tout, il passe de visages frappés à des paysages frappants, de la déchéance à l’existence. “Genesis”, sa dernière œuvre parue en 2013, est une ode à la nature, à la faune, à la flore, à la vie. Rentré se ressourcer au Brésil, Sebastião Salgado parvient à replanter avec sa femme 2,5 millions d’arbres, alors que son domaine était dévasté par la déforestation. Comme un symbole, sa terre natale revit en même temps que lui, l’homme abimé par sa propre passion.
En exhibant les jeux de lumières, les portraits, les clichés en noir en blanc de Salgado, “Le Sel de la Terre” met en exergue un monde en perpétuel mouvement, en dévoile des territoires inexplorés, des cultures inconnues. Un moment de dépaysement, d’exploration, mais aussi de prise de conscience. “Le Sel de la Terre”, bien loin d’être un film purement hagiographique comme l’ont dépeint certaines critiques, mérite bel et bien d’avoir intégré la sélection Un certain regard du Festival de Cannes.
Antonin Deslandes
Merci! Vous parlez très bien de cet homme, que j’avoue, je ne connaissais pas, mais qui, a priori de par son œuvre, laissera un trace indélébile.
C’est aujourd’hui pour moi le jour des découvertes! Soyons fous, je vous offre la dernière publiée dans l’excellent quotidien Ouest France, sur un film qui semble splendide, par les images mais aussi par le fonds, le tout sur un sujet « d’hyper actualité » ! Il est passé à Cannes, au Festival. Peut-être l’avez-vous vu?….
http://kiosque.leditiondusoir.fr/data/385/reader/reader.html?utm_source=neolane&utm_medium=lienarticle&utm_campaign=editiondusoir#preferred/1/package/385/pub/386/page/15