
Étiquettes
« Mon grand frisson : réaliser un long métrage »
Salomé Stévenin était présente toute la semaine aux RCC. La rédaction de Buzzles est allée à sa rencontre.
A l’affiche de Lili Rose de Bruno Ballouard, un road movie dans lequel elle joue Liza, une future mariée qui quitte tout, du jour au lendemain, Salomé Stévenin a commencé le cinéma dès l’âge de trois ans. Elle revient pour nous sur son parcours, ses projets et ses peurs. Sans oublier d’évoquer ce film projeté mardi 9 décembre au théâtre de la Licorne. Comme il y a deux ans, la comédienne est aussi membre du jury.
Qu’est-ce que ça représente pour vous de juger le travail de vos pairs ? Est-ce que c’est une forme de reconnaissance ?
C’est gratifiant ! Je suis très honorée que Gérard Camy m’invite. Quand on te montre, qu’on t’écoute, c’est très précieux. Cependant, le mot « juge » a un côté tribunal qui n’est pas du tout approprié. Un jury est une réunion de différentes sensibilités, un terrain de rencontre et de discussion. On partage et on échange pour donner un prix. Mais ce n’est jamais une histoire du meilleur film. On cherche plutôt ce qui va nous toucher tous ensemble.
Le thème des rencontres est le frisson. Dans le film, votre personnage, Liza, décide de tout quitter pour suivre Xavier et Samir. Est-ce que c’est ça, le grand frisson ?
Oui, car le personnage prend le risque de changer de vie, de suivre des personnes qu’elle ne connait pas. Elle fait un choix instinctif, dicté par quelque chose de presque animal. Il faut du courage pour sortir de ses propres rails car c’est rassurant sociale-ment d’avoir une vie bien rangée, alors qu’au fond tu te fais chier. 99% des gens ne le font pas parce qu’ils sont tétanisés à l’idée de changer de métier, de pays ou tout simplement de vie. C’est quelque chose d’effrayant mais Liza le fait dans le film. Elle expérimente la peur de l’inconnu. Finalement, elle craint plus de mourir sur place alors elle enclenche quelque chose et se met en mouvement pour survivre.
Quels points communs Salomé Stévenin partage-t-elle avec Liza, votre personnage ?
Quand j’ai commencé à lire le scénario de Lili Rose, je me suis sentie liée au personnage. J’essaye d’être à l’écoute de ce que je ressens même si parfois je me fais avoir par mon cerveau qui me raconte l’inverse. Comme tout le monde, j’ai une boussole intérieure que je tente d’écouter. Je m’efforce d’être juste avec moi-même. Entendre ses sensations est une chose mais avoir le courage de les suivre en est une autre. Par moment, j’arrive à le faire. Choisir ce qui est bon pour soi est une véritable musculation quotidienne.

Salomé Stévenin accompagnée de Mehdi Dehbi et Bruno Claire-fond dans Lili Rose. Crédit Photo : ZELIG FILMS DISTRIBUTION)
Dans le film, il y a une réelle complicité avec Mehdi Dehbi et Bruno Clairefond. Comment arrive-t-on à créer ce lien devant la caméra ?
Quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois pour le pot de début de tournage, nous étions déjà à l’écoute de nos personnages. Nous connaissions les rôles de chacun. Nous n’étions pas juste en train de rigoler ou de parler de la vie, 90% de nos cerveaux préparaient déjà le film. Nous observions tout. Une espèce d’attention mutuelle, comme quand on tombe amoureux, nous permet de tisser des liens. Cela se fait naturellement, c’est un truc d’acteur. Il faut savoir si tu peux leur faire confiance ou pas, car tu sais que tu vas aller dans une zone d’émotion.
Dès l’âge de trois ans vous apparaissez dans Peaux de vaches (1988), aux côtés de votre père, est-ce que c’était naturel pour vous de faire du cinéma ?
Je ne voulais pas du tout faire ce film. J’ai dû aller en Picardie, dans la boue, à attendre sur un plateau. C’est super violent pourtant, c’est un film que j’adore. J’avais sept ans quand je me suis remise à tourner après Peaux de vaches. Je n’ai pas eu le temps de rêver de faire autre chose. J’étais fan de mon grand frère, Robinson, lorsqu’il a commencé à tourner. Je connaissais ses répliques par cœur. Comme mon père, qui parlait tout le temps de cinéma, mon frère a été une passerelle pour moi. Celui qui m’a vrai-ment fait adorer ce métier, c’est Philipe de Broca avec qui j’ai tourné Le jardin des plantes en 1994.
Avec un père et trois frères comédiens, est-ce que c’est plus difficile de se faire un prénom au sein d’une famille de cinéphiles, pour ne pas être considérée comme « la fille de » ou « la sœur de » ?
Le plus difficile c’est de savoir si tu fais ce métier par choix ou parce que tu as commencé quand tu étais enfant. Pour Douches Froides d’Antony Cordier (2005), j’ai eu peur de le faire pour de mauvaise raisons. Est-ce que je le fais pour prouver à mon clan masculin d’acteurs que j’en suis capable ou parce que cela me fait du bien ? Cette question revient régulièrement dans mon parcours et m’incite à aller vers d’autres expériences. Encore aujourd’hui, à presque 30 ans, je n’y ai toujours pas répondu. Quand tu as commencé à trois ans, ça fait partie de toi.
Vous avez fait des longs métrages, des téléfilms et des courts-métrages quel est votre genre favori ?
Ce n’est pas une question de support, je n’ai pas de genre préféré. Je m’intéresse aux liens entre un metteur en scène, un acteur et un spectateur. L’important est de faire passer des émotions. Il faut que je sente l’authenticité du projet.
Vous avez déjà réalisé un court-métrage (Baïnes, 2007). Pourquoi ne passez-vous pas derrière la caméra plus souvent ? Pourquoi pas pour un long-métrage ?
J’aimerais beaucoup mais je ne sais pas si j’en suis capable. J’ai adoré le moment du tournage, je me suis sentie à ma place. Mais il me faudra du courage et de la confiance pour pouvoir réaliser un long métrage. En faisant un film, tu t’exposes beaucoup plus au jugement et au regard des autres. Tu montres ta vision du monde, ce que tu penses et ce que tu ressens. Quand tu es acteur tu es tout le temps en train d’être jugé, mais lorsque tu passes derrière la caméra c’est multiplié par 10 000. Cela me fait peur. Mon grand frisson à moi est de savoir si je ferai ce film ou pas. Mais je ne me vois pas mourir sans avoir fait ce film.
Erwan Schiex
Lucas Vola