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[FIPA] Trois femmes et une bonne surprise
Réalisé par Richard Dindo d’après le roman de Max Frisch (1957), Homo faber (trois femmes) est l’une des surprises de ce FIPA 2015. Parce qu’il est aussi original dans la forme qu’agréable sur le fond.
Premier quart d’heure du film, premier réflexe : l’envie de partir. Peu habitué à cette forme de réalisation et d’énonciation, le spectateur est dérouté. Une heure trente d’images fixes et de séquences courtes, aucun bruit, ni dialogue, à l’exception d’un sanglot et d’un rire. Une seule voix ininterrompue : celle du narrateur, Walter Faber, qu’on ne verra jamais. Pas même dans un miroir. Sans hâte ni lassitude, il raconte les trois grandes histoires d’amour de sa vie, plus liées entre elles qu’on ne le croit dans un premier temps.
Une fois passée la première impression, on s’assoit confortablement et on se demande si ce n’est pas le meilleur moyen d’adapter un roman au cinéma. Tel un album photo animé, le film nous embarque à travers Le Havre, Rome, Paris, New York, Avignon, Athènes… Il y a en tout et pour tout trois actrices dans le film, qui finalement ne sont que des visages qui défilent à l’écran.
Engourdir pour mieux surprendre
Regarder Homo faber, c’est comme goûter à un plat exotique. On commence par s’en méfier, avant d’adorer. Les images valorisantes des trois femmes sont complètement contrebalancées par le cynisme du commentaire. Torturé, Walter aime ces femmes, il les déteste, il veut que le spectateur le comprenne. Sans le savoir, il livre peu à peu les indices d’une fin inimaginable et tragique.
Le téléspectateur engourdi par la lenteur et la beauté de l’œuvre est pris au dépourvu par un dénouement digne d’un polar. Richard Dindo joue se des sentiments du spectateur avec une insolente douceur. Homo Faber est une histoire d’amour, de solitude et de sang.
On ressort grandi de l’expérience, qu’on l’ait comprise ou non. Film expérimental, film d’auteur, film-roman ? Peu importe, c’est un film rare qui mérite d’être vu.
Tant pis pour ceux qui, pris au dépourvu, ont quitté la salle dès le premier quart d’heure.
Loïc Masson
Lara Pekez